Points de vue

Les mots piégés du débat républicain : à l’assaut du mot « woke »

Rédigé par Pierre Henry | Jeudi 10 Mars 2022 à 11:55

Les mots qui fâchent, les mots du vocabulaire politique, souvent mal connus, employés de manière inappropriée, instrumentalisés sont nombreux. Ils se répètent et se buzzent en réseaux, confortant postures et partis pris. Ils font débat et nous divisent. Ce sont les mots piégés du débat républicain. Ces mots, nous allons les déminer, les expliquer ou simplement vous permettre de mieux les connaître. Le mot du jour ici décrypté : le wokisme.



Si je vous demande « Etes-vous woke ? », comme 86 % des Français, il y a de fortes chances que vous ne compreniez pas ma question. Et pourtant, le débat fait rage dans le milieu politique. Le wokisme, pour beaucoup, est devenu une idéologie dangereuse qui menacerait la République. Mais au fait, c'est quoi le wokisme ? « Woke » nous vient de awoken, qui est le participe passé de awake en anglais, littéralement « se réveiller ».

A l'origine, l'injonction « Restez éveillés » s'adressait aux Afro-Américains, les invitant à prendre conscience des nombreuses oppressions qu'ils subissaient et surtout, à rester en alerte face aux dangers quotidiens qu'ils pouvaient rencontrer en tant que Noirs dans une Amérique ségrégationniste. Eveiller l'esprit de la nouvelle génération d'enfants noirs libres fut une préoccupation permanente de tous les intellectuels et artistes noirs engagés durant le 20e siècle.

Le terme fut repris lors des mouvements pour les droits civiques des années 1960, notamment par Martin Luther King, qui prononça un grand discours en 1965 intitulé « Restez éveillés dans une grande révolution ». C'est en 2014, à la faveur du mouvement Black Lives Matter (Les vies des Noirs comptent), que le terme resurgit. L'assassinat à Ferguson, par un policier, d'un Noir américain du nom de Michael Brown, alors qu'il ne présentait pas de menace directe, allait enflammer la planète. Le mouvement Black Lives Matter se diffusa à travers le monde et avec lui, le hashtag #StayWoke sur les réseaux sociaux.

Aujourd'hui, être woke, c'est être conscient des inégalités qui existent en raison de la couleur de peau et des discriminations dont sont victimes d'autres minorités comme les LGBT ou encore les femmes en raison des violences qu'elles subissent. Bon, jusque-là, on a envie de dire « Soyons éveillés ».

Là où ça se corse, c'est quand des éléments radicaux s'emparent du sujet, veulent déboulonner les statues et interdire le débat à l'université, assigner les gens à leur origine. Cela contribue à fracturer la société et à nier le principe d'égalité en opposant les universalistes aux identitaires et en hiérarchisant les individus entre dominants et dominés. Mais là encore, il faut faire la part des choses. Il existe des excès dans le mouvement woke, des mécanismes de sectarisme insupportable et dangereux. Il faut les combattre, mais aussi ne pas en exagérer l'importance.

Après être revenu sur l'origine du mot « woke » et sa balade dans l'actualité, un intervenant nous aide à y voir encore plus clair. A venir Ruben Rabinovitch.

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Pierre Henry est le président de l’association France Fraternités, à l’initiative de la série « Les mots piégés du débat républicain », disponible également en podcast sur Beur FM.

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