Points de vue

Les multiples facettes de l’islam kurde

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Lundi 18 Avril 2011 à 00:01

Environ 300 000 apatrides kurdes vivent dans la province syrienne d’Al-Hasaka. Ils devraient bientôt faire l’objet d’une naturalisation, afin de « renforcer l’unité nationale de la Syrie » selon le président Bachar Al-Assad qui a signé, le 31 mars dernier, un décret instituant une commission ad hoc.



Un sanctuaire yazidi au sommet de la montagne de Sinjar, à 404 km au nord-ouest de Bagdad, en Irak.
Nation sans État, les Kurdes vivent répartis entre plusieurs pays, essentiellement la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran. Séparés par des frontières sur le plan géographique, les Kurdes sont également compartimentés sur le plan religieux.Ainsi les Kurdes juifs, issus pour partie des Juifs exilés au Kurdistan après la conquête assyrienne du VIe av. J.-C., appartiennent-ils aujourd’hui à la société israélienne. Ils étaient environ 25.000 dans les années 1950. Le christianisme, important jusqu’au Ve siècle, ne concerne plus que 1 % de la population kurde.

L’islam, qui gagne le Kurdistan dès le premier siècle de l’Hégire, devient la religion majoritaire vers le Xe-XIe siècles. Quatre Kurdes sur cinq sont aujourd’hui sunnites. Il subsiste néanmoins, à cheval entre l’Iran et l’Irak, une petite minorité chiite, les Kurdes faylis. Les sunnites sont de rite shâfi’ite. Le shâfi’isme est une école juridique qui récuse l’opinion personnelle (ra’y) au profit du consensus des ulémas à une époque donnée (ijmâ’). Face à cet islam savant, se développera un islam populaire qui, comme ailleurs, prendra une forme mystique. La première confrérie soufie à s’implanter est aussi la plus ancienne. La Qâdiriyya a été en effet fondée au XIIe siècle par le Kurde Abd al-Qâdir al-Jilânî. L’autre confrérie, celle des Naqshabandîs, se répandra bien plus tard. Elle a été introduite vers 1808 par un Kurde revenu d’un voyage initiatique en Inde, Mawlânâ Khaled.

A côté de ces formes traditionnelles du sunnisme et du chiisme, il existe des religions et des confréries religieuses qui, si elles dérivent toutes de l’islam, n’y appartiennent plus.

Ainsi la yazîdiyya, religion syncrétique mêlant, sur une base islamique, des éléments zoroastriens, manichéens, juifs et chrétiens. Les yazîdîs auraient été engendrés par Adam seul, sans Eve. Ils croient en un seul Dieu qui a créé le monde, mais l’a confié à sept archanges, dont le maître est l’Ange Paon, dans lequel il est difficile de ne pas voir Iblis. Selon certains yazîdis, le Diable a été pardonné et se trouve à nouveau proche de Dieu.

Autre religion syncrétique, l’Ahl-i Haqq, évolution originale du chiisme dans laquelle Moïse, Elie, Jésus et David sont invoqués aux côtés de ‘Alî. Au centre du dogme, les sept manifestations successives de Dieu et la réincarnation.

Issus également du chiisme, l’alévisme et la nusayriyya, ainsi que l’ordre soufi bektâshî.

Dans ces trois systèmes de croyance, on compte comme intermédiaires entre Dieu et les hommes cinq archanges, douze imams et quarante prophètes.

Les alévis n’ont pas de mosquée. Chaque année, ils observent douze jours de jeûne en l’honneur des douze imams et trois autres jours avant la fête de Khidhr Elias, souvent confondue avec la Saint-Serge. Ils fêtent Pâques avec les Arméniens.

Pour les nusayrîs, seule branche du chiisme extrémiste (ghulû) qui ait survécu jusqu’à aujourd’hui, les cinq piliers de l’islam sont abolis. Au centre du dogme, la réincarnation, mais aussi une trinité constituée de Muhammad, Ali et Salmân al-Fârisî (compagnon du Prophète), conçus tous trois comme des incarnations de Dieu.

Enfin, les bektâshîs, qui ne reconnaissent pas davantage les rites musulmans, salât (prière) y compris, croient en une autre trinité, celle constituée de ‘Alî, centre de leur culte, auquel sont associés Dieu et Muhammad.