Le Crédit Agricole ne veut pas d’une grande mosquée à Créteil (94). Alors que ce projet est soutenu par le maire de la ville, la banque décide de clôturer le compte de ses promoteurs sans fournir d’explication. Ils décident d’attaquer la banque pour discrimination. Comment en est-on arrivé là ? Entretien avec Karim Benaïssa, président de l’Union des associations musulmanes de Créteil (UAMC).
SaphirNet.info : Comment le Crédit Agricole vous a-t-il annoncé sa décision de clôturer votre compte ?
Karim Benaïssa : La banque nous a tout simplement envoyé un courrier pour nous dire que nous cessons nos relations et qu’elle nous accorde un délai de trente jours pour clôturer le compte.
La décision n’était pas un peu plus argumentée ?
Karim Benaïssa : Non, pas du tout. Aucune argumentation. Ils ne nous ont donné aucune explication. Nous avons montré le courrier à la presse et chacun a pu voir qu’il n’y avait pas la moindre explication à la décision de la banque. Le seul élément que nous pouvons considérer comme un début d’explication, c’est qu’ils disent que leur banque n’a pas vocation à suivre des projets religieux.
Aviez-vous introduit un dossier de demande de crédit ou autre aide de ce type ?
Karim Benaïssa : Pas du tout. Quelques jours après que nous avons médiatisé l’affaire, j’ai pu avoir un haut responsable national du Crédit Agricole au téléphone. Il m’a avancé que leur banque n’avait pas vocation à suivre des projets religieux. Je l’ai arrêté immédiatement et je lui ai précisé que nous ne leur avons jamais rien demandé. Notre montage financier est clair net et précis. Nous ne les avons sollicités pour quoique ce soit.
Peut-on savoir le montant de la somme que vous avez sur ce compte ?
Karim Benaïssa : Nous avons précisément 760 000 € sur le compte du Crédit Agricole. Depuis trois ans, ce sont des week-ends sacrifiés sur les marchés comme aujourd’hui avec des jeunes des adultes pour parvenir à ce montant. Cet argent représente les dons reçus par deux associations de l’Union. La troisième association dispose de 140 000 € que nous souhaitions virer sur le compte du Crédit Agricole
Qu’est ce qui a motivé votre choix du Crédit Agricole pour mener votre projet ?
Karim Benaïssa : C’était pratique. Nous avons ouvert ce compte pour la gestion du Centre culturel socio-musulman de Créteil. C’était avant la création de l’Union. Et puisque cette association disposait de la somme la plus conséquente des dons, nous avons réuni l’argent de toutes les associations sur le même compte. Depuis 2002, il fonctionnait le plus normalement du monde.
Quelles relations avez-vous eu avec la banque ?
Nous avons toujours eu de bonnes relations avec le Crédit Agricole. Des relations de client à sa banque. Nous menons des quêtes sur les marchés et dans les mosquées et nous versons l’argent récolté sur le compte. Sans plus.
Vous voulez dire que la banque ne vous reprochait rien ?
Karim Benaïssa : Rien du tout. Notre trésorerie est d’avant garde par sa transparence. Nous avons tous les fichiers de nos collectes à jour. Même les quêtes menées chez les commerçants sont méticuleusement consignées. Qu’il s’agisse de 30 €, de 50 €, nous avons la provenance, la date de collecte et les moindres détails.
La banque ne vous a jamais émis de réserve sur votre compte auparavant ?
Karim Benaïssa : Non, cela n’a jamais été fait. Nous savons que s’il y avait le moindre doute sur nos collectes, ce n’aurait pas été à la banque de le faire. Il y a des services plus compétents en la matière qui nous l’auraient signalé et nous auraient interpellés là-dessus. Conscients de cela, nous avons adopté, dès le départ, une politique de transparence. Notre argent vient des musulmans de France sinon de collectivités locales qui soutiennent notre projet par des subventions.
Nous savons que vous avez le soutien du maire de Créteil.
Karim Benaïssa : Absolument. Le projet de la mosquée de Créteil date de plusieurs années. C’était une volonté conjointe des musulmans de Créteil et de la municipalité. Mais malheureusement, le projet n’a pas pu aboutir pour diverses raisons. Et il y a environ deux ans, avec la fréquentation accrue des mosquées, l’idée a resurgi. Nous avons vraiment besoin d’une grande mosquée pour que les musulmans de Créteil puissent pratiquer leur culte dans des conditions dignes.
Pourquoi l’idée d’une mosquée a-t-elle resurgi ?
Karim Benaïssa : Les mosquées actuelles de Créteil ont dépassé leur capacité d’accueil. A la prière du vendredi, il y a plus de monde à l’extérieur qu’à l’intérieur des mosquées. Nous sommes face à une situation de saturation.
Votre force est d’avoir réussi à réunir toutes les associations de la ville.
Karim Benaïssa : Il faut dire qu’à la base, nous n’avons pas tous les mêmes opinions. Il nous a fallu beaucoup d’efforts pour parvenir à rallier tout le monde autour d’un même projet. Tout le monde a commencé à participer. Nous sommes parvenus à fonder l’Union des associations musulmanes depuis six à sept mois. Mais avant cette création officielle, nous travaillions ensemble. Avec le projet de grande mosquée, la création de l’Union est progressivement devenue une nécessité.
Maintenant, avec ce nouveau blocage, que comptez-vous faire ?
Karim Benaïssa : Nous essaierons d’utiliser tous les recours possibles. Même si, juridiquement, la bataille est perdue d’avance car une banque a le droit de clôturer un compte. Mais il nous faut une explication concrète de la part du Crédit Agricole. Pour commencer, nous allons déposer une plainte pour discrimination. Nous n’avons pas l’habitude de prendre des décisions radicales. La plainte sera la première étape. Ensuite nous verrons pour le préjudice qui nous a été causé.
Que peut faire une personne qui vous soutient dans votre combat ?
Karim Benaïssa : Nous avons relaté les faits tels qu’ils se sont passés. S’il y a des décisions à prendre cela est une décision personnelle. Le coût de notre projet est de 4 millions d’Euro. Nous avons reçu un million d’Euro et nous attendons 1,3 millions des collectivités locales. J’aimerais donc lancer un appel à la communauté musulmane. Nous avons besoin de cette mosquée dans notre ville où nous sommes la communauté la plus lésée en matière de lieux de culte. Mais pour nous, le facteur temps nous oblige à faire avancer notre projet afin qu’il ne devienne pas un enjeu électoral. Et je fais appel à la générosité des sœurs et des frères français pour nous aider dans ce projet. Sans cette générosité nous ne pouvons pas faire grand chose. Ils peuvent nous envoyer leurs dons par chèque.
Propos recueillis par Amara BAMBA
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