Messieurs, Mesdames les Journalistes du Soir, les musulmans, les musulmanes qui ont fait, font et feront la Belgique ne sont plus des notables à acheter ou des indigènes à rééduquer
Aussitôt le rapport de la commission Stasi finalisé, Le Soir, de plus en plus fidèle à ses nouvelles mauvaises habitudes s’est empressé, une nouvelle fois d’orienter dangereusement le débat public dans la série « d’articles » relatifs à la question du hijab dans son édition du Vendredi 12 décembre 2003.
Tout commence dès la première page de l’édition du Vendredi 12 décembre 2003 avec ce titre oh combien mensonger, indigne d’une couverture journalistique : « Voile : La France bannit, la Belgique réfléchit ».
Tout d’abord la France ne bannit absolument rien (elle bannira peut être), seule la commission Stasi[1] propose un projet loi, mais depuis quand cette commission aurait-elle un pouvoir de …. bannir. Mais les « journalistes » Hugues Dorzée et Joëlle Meskens[2] vont forcer le débat, l’orienter conformément à leurs …..désirs profonds les plus fous :
« C’est par une loi que la France interdira bientôt le voile islamique… »
Et puis vient l’effroyable mensonge : « … il y a incontestablement des forces qui tentent de déstabiliser la République… ».
Joëlle Meskens (envoyée permanente du Soir à Paris), dans son style toujours aussi dramato-catastrophique, écrit en page 10 et ce dans la toute première phrase de son article[3] :
« C’est grave. Plus grave encore même que les Sages avaient imaginé avant d’entamer leurs travaux cet été…., il y aurait[4] actuellement en France des forces qui tentent de déstabiliser la République. Et il y aurait donc lieu de porter un coup d’arrêt »
Quelles forces ? Où sont les preuves de ces journalistes osant affirmer sans l’écrire que ces forces sont islamiques. Plus le mensonge est gros, plus il frappe l’imagination du lecteur…non averti. Cette idée est directement reprise à la seconde page de la même édition par la rédactrice en chef du journal, la journaliste Béatrice Delvaux[5]. Si c’est la rédactrice en chef, c’est qu’elle dit vrai !
En deux « articles », on a tout compris, ils sont tellement dangereux, ils vont tout déstabiliser, bannissons vite le voile, tout ira mieux. CQFD.
Signalons encore pour en finir avec l’article de la première page, l’excellente fin de l’article qualifiant le modèle belge[6] : « à quelques mois des élections régionales, aucun parti ne veut, officiellement, rouvrir le débat (du voile). »
Merci le Soir de nous confirmer que finalement, aux yeux des autorités de notre pays, la question du voile est d’abord et avant tout un enjeu politicien… Faut-il en conclure qu’il n’y ait point de forces voulant déstabiliser notre cher Royaume, où que finalement elles n’existent que dans l’imaginaire de quelques journalistes du Soir. Si le débat peut se contenter d’être uniquement politicien, c’est que finalement il n’y a pas un si grand danger que cela !
Si l’on passe maintenant à l’éditorial de la même édition, nommé « Oser le débat sans mimétisme et sans tabou », on se rend très vite compte de la limite de ces tabous. La journaliste Béatrice Delvaux (rédactrice en chef du quotidien francophone) ne voit que deux seules questions importantes pour les progressistes (sic) :
1. Le foulard est-il un signe, voir un instrument d’asservissement de la femme ?
2. Faut-il interdire le foulard à l’école ?
C’est ce qu’on appelle « oser le débat sans tabou » ! Pourquoi ne vous vous poser pas d’autres questions capitales:
Au nom de quel droit peut-on influer la conscience d’une femme qui choisit délibérément de porter le voile, qui ne fait pas de prosélytisme, qui ne le porte pas ostentatoirement ? Au nom de quel droit prétendez-vous pouvoir les exclure des établissements scolaires, les stigmatisant encore davantage dans une société incapable de fournir du travail, même au plus diplômés de notre communauté pour la simple et bonne raison qu’il ne vous ressemble pas ? Votre conception de la multiculturalité s’arrête-t-elle uniquement aux aspects non religieux ? Ne comprenez vous pas que depuis le début de l’humanité, la culture nourrit le religieux et vice-versa ? Pourquoi voulez-vous que les musulmans belges s’accommodent d’un tel bannissement, alors qu’ils savent pertinemment bien que d’autres communautés portent des signes distinctifs à l’intérieur des établissements scolaires subsidiés par un ou plusieurs niveaux de pouvoir de notre Royaume ? Deux poids, deux mesures ? Vous affirmez vous-même, avec beaucoup de justesse, qu’il faut aller voir derrière cet arbre qui cache la forêt, quand votre quotidien prendra-t-il la peine de débroussailler ce débat.
Voilà le genre de questions qu’on aimerait voir débattre dans votre quotidien et bien d’autres encore au nom justement d’un débat sans tabou et sans mimétisme.
Juste en dessous de cet article on retrouve une présentation de Monsieur Stasi[7] suivi d’une blague illustré mauvais goût ( car beaucoup trop facile) de la part de « l’humoriste » Kroll où une institutrice devant sa classe énonce aux élèves : « tenez aujourd’hui, ce sont les garçons qui vont porter le foulard ». Je vous laisse le soin de juger, la nécessité d’un tel humour dans un débat aussi passionné, à défaut d’être passionnant.
Passons la première et la deuxième page de cette édition et retrouvons nous page 10 et 11 du quotidien où sur deux pages les journalistes J. Meskens, H. Dorzée et M. De Meulenaere, spécialistes mondialement reconnus sur les questions religieuses et d’intégration, font mine de croire qu’ils proposent un argumentaire équilibré mais tournant éternellement autour de la question obsessionnelle « Pour ou contre le port du voile ?».
Comme s’il fallait toujours être pour ou contre quelque chose, comme si ne pas être pour, c’est être contre… Vieux réflexe bushien inconscient « quiconque n’est pas avec nous est contre nous ! » Il est toujours bon d’interpeller les lecteurs de façon binaire, c’est ainsi qu’un journal se dit pluraliste, sans tabou et sans mimétisme !
Observons directement le titre en grand de la page 10 : « La France interdira le voile à l’école », et voilà on retourne dans l’enfoui caché de nos braves journalistes neutres, démocrates, épris d’une information saine, équilibrée…, l’interdiction du voile. Le Soir doit avoir des journalistes devins pour sortir cette affirmation alors qu’il est dit dans le même article que le président français se prononcera mercredi.
Quand bien même il se prononcera sur l’interdiction, il ne faut pas oublier qu’une loi se prépare, se rédige, se négocie, s’amende et finalement se vote (où ne se vote pas) au sein des assemblées prévues à cet effet. Alors messieurs et mesdames les journalistes, ne prenez pas trop vite vos désirs (que dis-je vos rêves) pour une réalité. Soyez ce que vous devriez être vraiment : objectif, équilibré et non manipulateur d’une opinion qui lit de moins en moins et qui est chaque jour davantage mal informé ou pis encore désinformée dès que le débat se passionne.
Pour finir, regardez bien les deux grandes photos de deux filles voilées (Alma et Lila), à gauche et à droite de ces deux pages pour bien forcer l’inconscient de ce voile que les lecteurs ne sauraient voir. Ici on n’a peut être pas le poids des mots mais le choc des photos y est garantit.
Le ridicule heureusement ne tue pas !
Finissons en par ce qui est finalement le plus désolant. Désolant parce qu’il montre, oh combien, de quelle manière l’élite journalistique du Soir considère fondamentalement les musulmans de Belgique.
Partons des phrases même des journalistes :
« Mais au delà de cette fermeté, ils ont voulu donner des gages d’ouvertures. ET QUELLE OUVERTURE ! Ils proposent que les fêtes musulmanes… et juive … donnent lieu à des jours fériés à l’école ».
En première page, la journaliste qualifiera même cette idée de spectaculaire !!!
Le marchandage est simple : le voile contre des jours fériés. S’il y a bien une chose que les élites de nos pays ont fabuleusement bien compris, c’est que notre communauté est facilement achetable. Pour autant qu’on la laisse croupir dans une situation « d’achetabilité » : revenus plus bas que la moyenne, écoles et quartiers poubelles, maghrébistes de service au sein des partis garantissant une pseudo représentation, division de la communauté, non prise en compte de toutes les discriminations aux logement, à l’enseignement, au travail, stigmatisation totale et récurrente de l’Islam…
« Quand même, nous aurions bien besoin des voix de ces électeurs belgo- musulmans. Vous vous rendez compte, Monsieur Stasi, des millions de voix.
« Faisons leur un petit cadeau de Noël, Monsieur le Président. Allez hop , un petit jour de congé mais qu’ils m’enlevent ce foutu foulard »
« Et nos écoles Monsieur le Président, nos banlieues pourries ? »
« Euh, oh ça attendra, on y réfléchit, on verra plus tard… »
« Allez Momo rentre à la maison maintenant et toi Yasmina, je t’ai déjà dit pas de foulard à l’école. »
« Mais Monsieur le Président je ne suis pas Yasmina mais la maman de la petite Yasmina que je viens chercher. »
« Ah bon, les mamans aussi mettent le foulard à l’école ? »
« Bernard Stasi, où es-tu ? T’as quelque chose pour les mamans, un petit cadeau.. »
« Euh… euh.. non Monsieur le Président… »
En effet quelle ouverture remarquable, on ne sait pas s’il faut remercier Saint-Nicolas ? , le Père Noël ? , le comité des Sages ? Les journalistes du Soir ?
[1] Décrite en termes de « Conseil des Sages » ! Qui sont ces Sages ? D’où viennent-ils ? Quelles sont leurs origines politiques, philosophiques, religieuses, leurs accointances avec le Président Jacques Chirac ? Comment ont-ils été choisis ? Voilà le genre de question auxquelles ce quotidien aurait du depuis longtemps nous renseigner. A la décharge du Soir, une présentation est faîtes de Monsieur Stasi en seconde page, sur les autres membres, rien …
[2] Tous deux journalistes au Soir
[3] « La République contre l’ « ostensible », Le Soir, page 10, Vendredi 10 novembre 2003.
[4] Noter l’usage constant du conditionnel, lorsqu’on ne peut prouver matériellement un fait, rien ne vaut l’usage de ce temps qui par définition est celui de l’incertitude et qui par essence ne devrait pas être celui du journaliste. Depuis le 11 septembre, le conditionnel retrouve une seconde jeunesse auprès de la « littérature journalistique » … à méditer… d’urgence.
[5] Voir le Soir, page 2, Editorial : « C’est au terme d’une minutieuse enquête et après avoir constaté que « des forces tentaient de déstabiliser la République » que la commission Stasi a établi ses recommandations »
[6] En fait tout « l’article » de la première page est destiné à faire passer le rêve, l’obession de ces deux journalistes : la Belgique doit suivre la France et donc ….. bannir le voile car le modèle belge est « … un compromis imparfait. Mais qui fonctionne. » article page 1, le Soir 12/12/2003
[7] Le Soir a bien pris soin de montrer une photo où le Sage parmi les Sages est entouré de deux jeunes filles voilées en précisant que « l’équilibre à toujours été son souci » (sic)