Près de 200 entrepreneurs et porteurs de projet ont répondu présents lors du lancement officiel de la SPMF, le 28 mai.
Le parcours a été semé d’embuches avant le lancement officiel du 28 mai dernier. L’exemple le plus révélateur des difficultés rencontrées lors de la création de l’association se trouve sans doute dans le « s » de SPMF. Cette simple lettre était au départ l’initiale de « syndicat ». Or, après le refus par cinq préfectures franciliennes d’accorder à l’association le droit d’utiliser le mot « syndicat », les fondateurs se sont finalement tournés vers le « s » de « synergie », finalement entérinée par les services de la préfecture de Paris.
Sur le carton d'invitation de la soirée on pouvait lire les principaux objectifs de la SPMF : « donner des réponses aux problématiques auxquelles sont confrontés les professionnels musulmans ; favoriser l'entrepreneuriat musulman ; lutter contre l'islamophobie ; devenir une force de proposition politique, économique et sociale ».
Sur le carton d'invitation de la soirée on pouvait lire les principaux objectifs de la SPMF : « donner des réponses aux problématiques auxquelles sont confrontés les professionnels musulmans ; favoriser l'entrepreneuriat musulman ; lutter contre l'islamophobie ; devenir une force de proposition politique, économique et sociale ».
C'est ainsi que – étonnamment – les allocutions ont débuté par celle du président du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), Samy Debah, pour qui le lien « entre un réseau d'entrepreneurs et une association qui lutte contre l'islamophobie est indissociable ». Il n'est pas normal que « les droits des musulmans soient bafoués », énonce-t-il, avant d’ajouter : « Auparavant les musulmans étaient asphyxiés dans leur foi, aujourd'hui on tente de les asphyxier économiquement. »
Habib Djedjik, président de la SPMF, rappelle à ce titre que « les chiffres du chômage en France sont de 11 % au niveau national, de 4,5 % pour les cadres et de 20 % dans les rangs des Français issus de l'immigration ». D'où la nécessité de « créer son job » pour pouvoir « à terme embaucher des gens de la communauté ».
Aucune autre donnée économique n'a été donnée : on s'attendait à mieux connaître les secteurs d'activité investis par les entrepreneurs que la SPMF entend représenter, le nombre de créations d'entreprises, le profil des créateurs...
Habib Djedjik, président de la SPMF, rappelle à ce titre que « les chiffres du chômage en France sont de 11 % au niveau national, de 4,5 % pour les cadres et de 20 % dans les rangs des Français issus de l'immigration ». D'où la nécessité de « créer son job » pour pouvoir « à terme embaucher des gens de la communauté ».
Aucune autre donnée économique n'a été donnée : on s'attendait à mieux connaître les secteurs d'activité investis par les entrepreneurs que la SPMF entend représenter, le nombre de créations d'entreprises, le profil des créateurs...
Des discours peu économiques, mais pleins d'éthique
Le poids économique des consommateurs musulmans est cependant évoqué par Fateh Kimouche, créateur du blog al-Kanz. Mais à part le fait de rappeler que les musulmans sont aujourd'hui 5 à 6 millions en France et que les 6 ou 7 enfants d'hier de père ouvrier sont les consommateurs d'aujourd'hui devenus cadres et ayant un taux de natalité inférieur, rien n'est non plus dit sur le plan économique.
Quid, par exemple, du panier moyen du consommateur musulman, de la structure de consommation de la famille musulmane, du taux de croissance de la filière halal... ? Autant de chiffres concrets nécessaires à une meilleure connaissance du marché que représentent ces fameux « consommateurs musulmans ».
Si les références économiques sont peu présentes, la rhétorique religieuse, elle, pointe de façon omniprésente : « Ce qui nous rassemble ici, c'est l'islam », « Le musulman doit manger halal, boire halal, vivre halal », rappelle à qui le veut M. Kimouche au cas où l'assemblée aurait oublié ces injonctions. « On œuvre pour rendre notre quotidien plus conforme aux exigences du Coran et de la Sunna. »
Mais – faut-il ici le rappeler – consommer halal n'est pas le fait des seuls musulmans pratiquants. Le marché agroalimentaire halal, qui enregistre un taux de croissance annuel de 15 % depuis plus de dix ans et représente plus de 3,5 milliards d'euros par an, attire des consommateurs bien au-delà de leur appartenance religieuse...
Las ! Pour la SPMF, il s'agit d'« aider les frères », d'encourager le développement de la création d'entreprises et des emplois « au sein de la communauté musulmane », de favoriser des opportunités d'affaires « entre musulmans », enfin de défendre les intérêts des « entrepreneurs musulmans » auprès des autorités publiques.
Quid, par exemple, du panier moyen du consommateur musulman, de la structure de consommation de la famille musulmane, du taux de croissance de la filière halal... ? Autant de chiffres concrets nécessaires à une meilleure connaissance du marché que représentent ces fameux « consommateurs musulmans ».
Si les références économiques sont peu présentes, la rhétorique religieuse, elle, pointe de façon omniprésente : « Ce qui nous rassemble ici, c'est l'islam », « Le musulman doit manger halal, boire halal, vivre halal », rappelle à qui le veut M. Kimouche au cas où l'assemblée aurait oublié ces injonctions. « On œuvre pour rendre notre quotidien plus conforme aux exigences du Coran et de la Sunna. »
Mais – faut-il ici le rappeler – consommer halal n'est pas le fait des seuls musulmans pratiquants. Le marché agroalimentaire halal, qui enregistre un taux de croissance annuel de 15 % depuis plus de dix ans et représente plus de 3,5 milliards d'euros par an, attire des consommateurs bien au-delà de leur appartenance religieuse...
Las ! Pour la SPMF, il s'agit d'« aider les frères », d'encourager le développement de la création d'entreprises et des emplois « au sein de la communauté musulmane », de favoriser des opportunités d'affaires « entre musulmans », enfin de défendre les intérêts des « entrepreneurs musulmans » auprès des autorités publiques.
Un réseau d'entraide
La SPMF n'est-elle qu'un amas de bonnes intentions ? Nenni. Concrètement, c'est aussi un ensemble de mesures destinées à faciliter les formalités des entrepreneurs en création d'activité.
En plus d'une assistance juridique et comptable proposée aux créateurs d'entreprise, le syndicat prévoit de mettre en place une aide au recrutement pour le compte de ses adhérents, des stages de formation afin de renforcer la compétitivité des entreprises dites musulmanes et de créer une banque de fatwas liées au monde des affaires.
La SPMF aspire enfin à être une plateforme de référence en termes de networking. Un réseau professionnel riche est en effet d'une importance capitale pour tout nouveau chef d'entreprise. 200 personnes se sont ainsi déplacées lors du dîner, soit autant d'adhérents potentiels.
En plus d'une assistance juridique et comptable proposée aux créateurs d'entreprise, le syndicat prévoit de mettre en place une aide au recrutement pour le compte de ses adhérents, des stages de formation afin de renforcer la compétitivité des entreprises dites musulmanes et de créer une banque de fatwas liées au monde des affaires.
La SPMF aspire enfin à être une plateforme de référence en termes de networking. Un réseau professionnel riche est en effet d'une importance capitale pour tout nouveau chef d'entreprise. 200 personnes se sont ainsi déplacées lors du dîner, soit autant d'adhérents potentiels.
Des patrons jeunes et nombreux
L'absence de données économiques pointues n'a en rien entaché l'enthousiasme des participants. Issu d'horizons professionnels divers − communication, informatique, fiscalité, avec une prédominance dans le secteur alimentaire et celui de la restauration −, le public, nombreux, est plutôt jeune.
Youssef et Azzedine, 27 et 36 ans, sont dirigeants d'une agence de communication et de création graphique. Abdesamad et Khali, tous deux trentenaires, sont associés d'un restaurant de gastronomie italienne. Pour eux, il est important que « les musulmans se réunissent ». « Auparavant, il y a eu plusieurs communautés : turque, indo-pakistanaise, sikh, juive... » Il s'agit maintenant de « parler d'une seule voix », dans le cadre d'un « projet d'unité ». Car « il faut tirer vers le haut » les gens de la communauté.
L’union, c’est bien, mais Saadia, 27 ans, commissaire aux comptes, déplore que « le nombre de femmes présentes se compte sur les doigts de la main ». « On se sent un peu exclues. Or cela motiverait de nous rencontrer pour créer des entreprises, expérimenter ensemble. » Tandis que Dalila, membre d'une agence matrimoniale, est venue par simple curiosité, Salwa, 28 ans, dans le secteur du transport, voulait en connaître plus sur la création d'entreprise.
Youssef et Azzedine, 27 et 36 ans, sont dirigeants d'une agence de communication et de création graphique. Abdesamad et Khali, tous deux trentenaires, sont associés d'un restaurant de gastronomie italienne. Pour eux, il est important que « les musulmans se réunissent ». « Auparavant, il y a eu plusieurs communautés : turque, indo-pakistanaise, sikh, juive... » Il s'agit maintenant de « parler d'une seule voix », dans le cadre d'un « projet d'unité ». Car « il faut tirer vers le haut » les gens de la communauté.
L’union, c’est bien, mais Saadia, 27 ans, commissaire aux comptes, déplore que « le nombre de femmes présentes se compte sur les doigts de la main ». « On se sent un peu exclues. Or cela motiverait de nous rencontrer pour créer des entreprises, expérimenter ensemble. » Tandis que Dalila, membre d'une agence matrimoniale, est venue par simple curiosité, Salwa, 28 ans, dans le secteur du transport, voulait en connaître plus sur la création d'entreprise.
Un réel engouement
Malik, 29 ans, responsable marketing d'une marque de café bien-être, voit le syndicat comme une manière de « donner du poids à la communauté ». II corrobore l'idée d'une certaine islamophobie ou du moins d’un racisme larvé lors de ses démarches administratives : « À la chambre de commerce, il nous décourage du fait que nous soyons "étrangers". Mais nous, on est Français, on est éduqué, et on ne peut accepter la seule alternative : soit t'es à l'usine, soit t'es voyou. » Or, d’après Malik, « les dirigeants musulmans doivent être perçus comme des exemples de réussite ».
« Auparavant il y avait l'Association des travailleurs maghrébins de France. Aujourd'hui, on a la SPMF », fait remarquer M'hamed, chef de projet d'une agence de communication. « Le "m" de "musulman", on sent une évolution... »
« En regroupant les musulmans au sein d'un syndicat, on nous donne les moyens de nous entreconnaître. À la place de la politique du coude au coude, on met en œuvre celle du coup de main », se réjouit Ali, 29 ans, gérant d'un restaurant.
« Franchement, très bien », renchérit Mohamed, 25 ans, commercial pour la France d'une entreprise de charcuterie basée en Belgique. « C'est la première pierre de l'édifice. Chacun, de notre côté, on pensait le faire. Les fondateurs de la SPMF ont eu l'audace de fonder un syndicat, maintenant les gens vont suivre », prédit-il.
« On manque de conseils, raconte Hicham, 27 ans, commercial d'une marque de café. Le syndicat répond à un réel besoin. » « J'en attends que du bien », conclut Adil, 35 ans, gérant d'une entreprise de transport de marchandises, partageant pleinement l'engouement général.
« Auparavant il y avait l'Association des travailleurs maghrébins de France. Aujourd'hui, on a la SPMF », fait remarquer M'hamed, chef de projet d'une agence de communication. « Le "m" de "musulman", on sent une évolution... »
« En regroupant les musulmans au sein d'un syndicat, on nous donne les moyens de nous entreconnaître. À la place de la politique du coude au coude, on met en œuvre celle du coup de main », se réjouit Ali, 29 ans, gérant d'un restaurant.
« Franchement, très bien », renchérit Mohamed, 25 ans, commercial pour la France d'une entreprise de charcuterie basée en Belgique. « C'est la première pierre de l'édifice. Chacun, de notre côté, on pensait le faire. Les fondateurs de la SPMF ont eu l'audace de fonder un syndicat, maintenant les gens vont suivre », prédit-il.
« On manque de conseils, raconte Hicham, 27 ans, commercial d'une marque de café. Le syndicat répond à un réel besoin. » « J'en attends que du bien », conclut Adil, 35 ans, gérant d'une entreprise de transport de marchandises, partageant pleinement l'engouement général.
Solidarité et connaissance du terrain
Entraide, tel est le maître mot de la SPMF. Mais pourquoi mettre en place des formations ou du conseil alors qu'il existe déjà une pléthore d'organismes tous plus rôdés les uns que les autres sur la création d'entreprises telles l'APCE (Agence pour la création d'entreprise), l'ADIE (Association pour le droit à l'initiative économique) ou les boutiques de gestion au nombre de 400 sur l'ensemble du territoire national ? « En tant qu'entrepreneur, on nous met des bâtons dans les roues. C'est une réalité », explique le secrétaire général Nabil Djedjik. « On essaie d'aider nos frères. La demande existe. Notre valeur ajoutée, c'est la connaissance du terrain. »
La SPMF, nouveau partenaire sur l'échiquier social
La SPMF rejoint ainsi une nébuleuse syndicale très riche sur le plan national. Tous les domaines allant du commerce à l'apiculture, en passant par le cirque et l'édition, ont leurs représentants au sein des organisations patronales. Comment le syndicat des patrons musulmans va-t-il réussir à s'insérer dans le grand échiquier des influences et des intérêts des patrons français ?
Pour l'heure, aucun dialogue n'est engagé avec les monuments que sont le MEDEF (Mouvement des entreprises de France), la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises), ou bien encore la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), un syndicat fondé en 1919 se référant éminemment à la morale sociale chrétienne et revendiquant plus de 132 000 adhérents. De la part d'un syndicat musulman s'appuyant sur des fondements religieux, une réflexion commune sur l'éthique et le monde de l'entreprise pourrait en effet être envisagée... Autre exemple : quelle pourrait être son action de lobbying concernant la question de l'abattage rituel au niveau européen ?
« Si la SPMF ambitionne de devenir une force de proposition politique, économique et sociale, la priorité est d'abord de nous organiser », explique Nabil Djedjik. Ainsi, l'association prévoit de réunir pour sa première année d'existence environ 70 entreprises. Seules sont affiliées les entreprises, et non pas leurs dirigeants directement. La cotisation s'élève à 600 euros par an ou à 300 euros si l'entreprise a moins de six ans d'existence. « Ce qui, rapporté aux cotisations demandées par les autres syndicats, reste abordable », précise le président Habib Djedjik. « Pour intégrer l'une des nombreuses organisations patronales françaises en effet, il faut généralement débourser de 0,5 à 1% du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. »
À l'issue de la soirée, nombre de convives envisageaient d'adhérer à la toute nouvelle SPMF.
Site de la SPMF (Synergie des professionnels musulmans de France).
Pour l'heure, aucun dialogue n'est engagé avec les monuments que sont le MEDEF (Mouvement des entreprises de France), la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises), ou bien encore la CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens), un syndicat fondé en 1919 se référant éminemment à la morale sociale chrétienne et revendiquant plus de 132 000 adhérents. De la part d'un syndicat musulman s'appuyant sur des fondements religieux, une réflexion commune sur l'éthique et le monde de l'entreprise pourrait en effet être envisagée... Autre exemple : quelle pourrait être son action de lobbying concernant la question de l'abattage rituel au niveau européen ?
« Si la SPMF ambitionne de devenir une force de proposition politique, économique et sociale, la priorité est d'abord de nous organiser », explique Nabil Djedjik. Ainsi, l'association prévoit de réunir pour sa première année d'existence environ 70 entreprises. Seules sont affiliées les entreprises, et non pas leurs dirigeants directement. La cotisation s'élève à 600 euros par an ou à 300 euros si l'entreprise a moins de six ans d'existence. « Ce qui, rapporté aux cotisations demandées par les autres syndicats, reste abordable », précise le président Habib Djedjik. « Pour intégrer l'une des nombreuses organisations patronales françaises en effet, il faut généralement débourser de 0,5 à 1% du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise. »
À l'issue de la soirée, nombre de convives envisageaient d'adhérer à la toute nouvelle SPMF.
Site de la SPMF (Synergie des professionnels musulmans de France).