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Points de vue

Les racines catholiques des compétitions internationales de football

Rédigé par Antoine Sondag | Mercredi 6 Juillet 2016 à 08:00

           


Le trophée Jules Rimet, de l’ancien président de la FIFA, est le trophée original de la Coupe du monde de football. Le champion du monde brésilien Pelé l’a gagnée à trois reprises, en 1958, 1962 et 1970.
Le trophée Jules Rimet, de l’ancien président de la FIFA, est le trophée original de la Coupe du monde de football. Le champion du monde brésilien Pelé l’a gagnée à trois reprises, en 1958, 1962 et 1970.
Euro 2016 en France. Certains le comparent avec les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ), mais l’Euro, c’est tout de même plus intergénérationnel que le prochain rassemblement en Pologne. Qui a copié qui ?

Il est devenu banal de comparer les compétitions de foot avec un culte. La Corée, souvent à l’avant-garde des évolutions sociales, connait une religion du football : « Endoctriner par le foot », telle est la profession de foi de l’Église de la Providence, une secte sud-coréenne. Les cérémonies se déroulent lors de matchs dont l’enjeu est la réunification des deux Corée et l’instauration du royaume de Dieu sur terre.

À l’origine des compétitions internationales de foot, on trouve un grand chrétien du 7e arrondissement de Paris, un peu perdu de vue : Jules Rimet. Le trophée de la Coupe du monde de foot (Copa) s’appelait jadis la coupe Jules-Rimet.

Relèvement du prolétariat

Jules Rimet est né en Haute-Saône ; ses parents paysans quittent la terre, poussés par la crise et deviennent épiciers dans le quartier populaire de la rue Clerc, dans le 7e arrondissement de Paris. En ce temps-là, il y avait des classes populaires dans le 7e, dans les immeubles sur cour, dans les étages élevés (pas d’ascenseur) et dans les chambres insalubres sous les combles. Le petit Jules rejoint ses parents.

Il fréquente le patronage, joue au football, et en perçoit la valeur pour le prolétariat : ce sport aère les ouvriers et les détourne des estaminets où ils dépensent vainement en alcool leur trop faible salaire. Ce sont les idées hygiénistes du temps, notamment de Pasteur. Et les idées du relèvement du prolétariat, par la sobriété et l’épargne.

Bon élève, le petit Jules devient avocat et journaliste. Devenu grand, il fonde un club de football promis à un grand avenir : le Red Star, qui a son premier siège social dans le 7e avant de partir pour Saint-Ouen. Il devient membre du Cercle catholique d’ouvriers du Gros-Caillou. Il crée l’Union sociale du VIIe arrondissement et adhère au mouvement de la Démocratie chrétienne.

Il fonde un journal La Revue, journal chrétien, républicain et démocratique, qui fusionnera avec Le Sillon de Marc Sangnier, dont il est proche. La condamnation du Sillon par le Saint Siège (1910) fut une catastrophe pour le catholicisme démocratique et social en France, au moment où les idées socialistes, souvent marxistes, deviennent peu à peu majoritaires dans les divers mouvements de défense du prolétariat.

Jules Rimet fait partie de la direction de l’association française qui participe à la fondation de la Fédération Internationale de Football (FIFA) en 1904. Très vite, on pense à organiser des compétitions internationales. Certains pensent à intégrer le football aux Jeux olympiques. En ce temps-là, les JO étaient réservés aux amateurs, c’est-à-dire à des sportifs non payés. Influence de l’idéal sportif des Anglais, puissance sportive dominante. Et influence du restaurateur des JO, Pierre de Coubertin (fils d’un artiste peintre, lui aussi du 7e) qui a injecté dans les JO l’esprit chevaleresque et désintéressé de l’aristocratie.

Les premières Coupes du monde

Jules Rimet comprend très vite que si le football doit progresser chez les ouvriers et les employés, il faut accepter le professionnalisme. Les classes populaires n’ont pas le loisir de faire du sport au détriment de leur gagne-pain. Cette querelle autour du statut de footballeur professionnel alimente (de 1920 à 1950) l’histoire des relations houleuses entre les JO, la Coupe du monde de football fondée par Jules Rimet et la FIFA. La première Copa de football est en 1930 boudée par les aristocrates anglais ; opposition symbolisée par les deux figures françaises, de Coubertin et Rimet. L’aristocrate et l’activiste social qui voit dans le football surtout sa vertu éducative.

Dans les années 1950, pour échapper au dur travail de mineur de fond, on pouvait faire du foot professionnel, au moins on travaillait à l’air libre : voir les équipes de Lens, de Saint-Étienne et de Forbach – et l’origine sociale des joueurs français et fils d’immigrés.

Comme tout fondateur d’ordre religieux digne de passer à la postérité, Jules Rimet est expulsé en 1949 de « l’ordre » qu’il avait contribué à fonder : la Fédération Française de Football, pour avoir voulu intégrer dans le championnat de France de foot l’équipe de Sarrebruck. En ce temps-là, la Sarre était occupée et à moitié annexée par la France. Il se console en restant plus de 30 ans président de la FIFA − plus longtemps que Sepp Blatter − sans terminer inculpé par la justice.

Le football, vecteur de l’entente entre les peuples

On parle de Jules Rimet pour recevoir le prix Nobel de la paix, le sport constituant une contribution majeure à la compréhension et à l’entente entre les peuples. Mais il meurt en 1956 avant que le jury ne se décide. Jules Rimet a partagé l’élan nationaliste en 1914-1918 comme officier de l’armée française (Croix de guerre et commandeur de la Légion d’honneur). Il partageait sans doute les idées de régénération de la nation par l’activité physique et le contrôle de la jeunesse, mais il ne s’est pas laissé égarer par Vichy qui promouvait aussi ces valeurs.

Qu’aurait-il pensé des défis du football mondial actuel : transformation en spectacle, invasion par l’argent-roi, politisation, dopage, dimension du « genre » avec l’affirmation croissante du football féminin ? On ne fait pas parler les morts. À nous de répondre à ces questions de notre temps. Vive le foot ! Vive la France !

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Antoine Sondag est directeur du Service national de la Mission universelle de l’Église à la Conférence des évêques de France.






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