A l’initiative de l’Institut des hautes études du monde religieux (IHEMR), les représentants des principaux cultes de France se sont réunis, mardi 23 juin, au Collège des Bernardins, pour croiser leurs regards sur la crise du Covid-19. © Twitter/IHEMR
La crise sanitaire mondiale générée par le Covid-19 constitue une grande épreuve pour l’ensemble des sociétés. « Les religions pendant et après l’épreuve : quels regards sur l’avenir ? » Quelles réponses peuvent-elles apporter au renouveau du « monde d’après » ? C’est autour de ce thème d’actualité que les représentants des principaux cultes de France se sont réunis au Collège des Bernardins, mardi 23 juin, sous l’égide de l’Institut des hautes études du monde religieux (IHEMR).
A l’exception de Mgr Emmanuel Adamakis, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, tous ont fait acte de présence à cette soirée exceptionnelle, introduite par Xavier Guezou avec un temps de silence « en mémoire de ceux qui ne sont plus à cause de la pandémie et des violences racistes ». Ont ainsi été présents Mgr Éric de Moulins Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France (FPF), Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Haïm Korsia, grand rabbin de France, Minh Tri Vô, présidente de l’Union bouddhiste de France (UBF).
« Ce momentum biopolitique extraordinaire, qui fut à la fois trauma, expérience, ascèse, (...) requiert une relecture intelligente pour lui-même et ce qu'il dévoile. C'est un appel à la mobilisation de toutes les énergies humaines, y compris celles qui les centrent et qui peuvent les inspirer, les énergies spirituelles », a indiqué, en préambule, le délégué général de l'IHEMR.
A l’exception de Mgr Emmanuel Adamakis, président de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, tous ont fait acte de présence à cette soirée exceptionnelle, introduite par Xavier Guezou avec un temps de silence « en mémoire de ceux qui ne sont plus à cause de la pandémie et des violences racistes ». Ont ainsi été présents Mgr Éric de Moulins Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France (FPF), Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Haïm Korsia, grand rabbin de France, Minh Tri Vô, présidente de l’Union bouddhiste de France (UBF).
« Ce momentum biopolitique extraordinaire, qui fut à la fois trauma, expérience, ascèse, (...) requiert une relecture intelligente pour lui-même et ce qu'il dévoile. C'est un appel à la mobilisation de toutes les énergies humaines, y compris celles qui les centrent et qui peuvent les inspirer, les énergies spirituelles », a indiqué, en préambule, le délégué général de l'IHEMR.
Une période de souffrances et de solidarité
Pour François Clavairoly, président de la Fédération protestante de France (FPF), « il ne faut pas idéaliser cette période » du confinement, « qui a pu révéler des souffrances » au sein des familles, mais il a souligné cet « élan de solidarité partout, dans tous les échelons de la société française », qui a été révélé par la crise sanitaire. La crise a permis de « découvrir des potentialités d’altruisme très importantes dans notre société que nous sous-estimions peut-être », a fait part Mohammed Moussaoui.
La douloureuse question des obsèques, avec des rites funéraires bouleversés par le coronavirus, a aussi été évoquée. Le plus dur pour les familles que l'épreuve du Covid-19 a durement touché est « de faire le deuil dans des conditions qui permettraient de surmonter le chagrin et la souffrance », selon les mots du président du CFCM, qui évoque l'insuffisance des carrés musulmans comme d'« un problème structurel qui reste entier » en France.
Même son de cloche pour Haïm Korsia. « Il fallait déculpabiliser les personnes qui ne pouvaient pas réciter le kaddish (la prière d’accompagnement du deuil, ndlr) à la mémoire des personnes disparues » en raison, entre autres, des restrictions à la participation aux cérémonies funéraires. Mais « quand on doit faire un arbitrage entre la vie et le risque, on dit qu’on protège la vie au-delà de tout ». Assurément un point commun entre tous les cultes.
La douloureuse question des obsèques, avec des rites funéraires bouleversés par le coronavirus, a aussi été évoquée. Le plus dur pour les familles que l'épreuve du Covid-19 a durement touché est « de faire le deuil dans des conditions qui permettraient de surmonter le chagrin et la souffrance », selon les mots du président du CFCM, qui évoque l'insuffisance des carrés musulmans comme d'« un problème structurel qui reste entier » en France.
Même son de cloche pour Haïm Korsia. « Il fallait déculpabiliser les personnes qui ne pouvaient pas réciter le kaddish (la prière d’accompagnement du deuil, ndlr) à la mémoire des personnes disparues » en raison, entre autres, des restrictions à la participation aux cérémonies funéraires. Mais « quand on doit faire un arbitrage entre la vie et le risque, on dit qu’on protège la vie au-delà de tout ». Assurément un point commun entre tous les cultes.
La polémique autour la reprise des cultes évoquée
Les intervenants sont revenus sur le début de polémique générée par l’avancement du calendrier de la reprise des cultes, voulue pour la Pentecôte fin mai du côté des catholiques. « Le Conseil d'Etat a répondu pour tout le monde », a fait valoir Mgr Éric de Moulins Beaufort, estimant que la décision de la plus haute juridiction administrative « nous a permis de prendre des décisions responsables en fonction des particularités de chacun ».
« L'enjeu majeur d'une société est la liberté. On ne doit pas s'habituer à une perte de liberté. Chaque fois qu'il y a une atteinte à la liberté, (il faut) se tourner vers les magistrats et dire si c'est légitime et juste », a-t-il plus tard ajouté.
« J'ai un immense respect pour la justice mais objectivement, ce que dit le Conseil d’Etat n’est pas, si j'ose dire, parole d'Evangile », lui a répondu Haïm Korsia, rappelant qu'il a prolongé la fermeture des synagogues après Pentecôte pour limiter les risques de voir émerger des clusters à l’occasion de rassemblements religieux trop importants. Même décision du côté du culte musulman. « Il y a eu un moment de polémique qui n'aurait pas dû avoir lieu », a signifié Mohammed Moussaoui.
Lire aussi : Reprise des cultes : « La révision du calendrier doit s’appuyer sur des critères d’ordre sanitaire, indépendamment des revendications des cultes »
« Même quand le Premier ministre a avancé la date (de reprise des cultes, sans intégrer l’Aïd al-Fitr, ndlr), on ne pouvait pas la considérer comme de la discrimination dans la mesure où nous n'avions rien demandé et que rien ne nous a été refusé. Que le culte catholique ait demandé à rouvrir selon son appréciation de la situation, qu'il ait obtenu quelque chose, ça ne m'aurait pas choqué parce que la configuration des cultes n'est pas la même. On ne peut pas syncrétiser tout », a-t-il affirmé.
« L'enjeu majeur d'une société est la liberté. On ne doit pas s'habituer à une perte de liberté. Chaque fois qu'il y a une atteinte à la liberté, (il faut) se tourner vers les magistrats et dire si c'est légitime et juste », a-t-il plus tard ajouté.
« J'ai un immense respect pour la justice mais objectivement, ce que dit le Conseil d’Etat n’est pas, si j'ose dire, parole d'Evangile », lui a répondu Haïm Korsia, rappelant qu'il a prolongé la fermeture des synagogues après Pentecôte pour limiter les risques de voir émerger des clusters à l’occasion de rassemblements religieux trop importants. Même décision du côté du culte musulman. « Il y a eu un moment de polémique qui n'aurait pas dû avoir lieu », a signifié Mohammed Moussaoui.
Lire aussi : Reprise des cultes : « La révision du calendrier doit s’appuyer sur des critères d’ordre sanitaire, indépendamment des revendications des cultes »
« Même quand le Premier ministre a avancé la date (de reprise des cultes, sans intégrer l’Aïd al-Fitr, ndlr), on ne pouvait pas la considérer comme de la discrimination dans la mesure où nous n'avions rien demandé et que rien ne nous a été refusé. Que le culte catholique ait demandé à rouvrir selon son appréciation de la situation, qu'il ait obtenu quelque chose, ça ne m'aurait pas choqué parce que la configuration des cultes n'est pas la même. On ne peut pas syncrétiser tout », a-t-il affirmé.
Des doutes partagés sur l'émergence d'un « monde d’après »
Quelle place des religions dans « le monde d’après », à supposer qu’il puisse prendre forme un jour ? « Est-ce qu'un malheur mondialisé comme celui du Covid va répondre une intelligence collective commune ? », s'est interrogé François Clavairoly. « Dieu voulant ou inchaAllah mais je ne suis pas sûr qu'un malheur aussi désastreux (...) va répondre à une mondialisation de l'intelligence collective », a-t-il jugé.
Mohammed Moussaoui a abondé en ce sens. Il ne faut malheureusement « pas s'attendre à de grands changements ». « Des crises très importantes ont accompagné tout le long de l'existence de l'humanité et le monde n'a pas changé. »
Pour l’archevêque de Reims, la crise du Covid-19 est « un avertissement de plus ». « Nous savons tous depuis longtemps qu'il nous faut changer de mode de consommation et de production à cause de la contrainte écologique mais je ne sais pas si la crise sera un avertissement suffisamment fort pour nous mobiliser dans un changement radical qui est pourtant nécessaire », déclare-t-il. Seulement, « tout le monde a l’air bien pressé de faire redémarrer le monde d’hier. »
Lire aussi : Ecologie et climat : les religions de France unies pour préserver la Création en danger
Mohammed Moussaoui a abondé en ce sens. Il ne faut malheureusement « pas s'attendre à de grands changements ». « Des crises très importantes ont accompagné tout le long de l'existence de l'humanité et le monde n'a pas changé. »
Pour l’archevêque de Reims, la crise du Covid-19 est « un avertissement de plus ». « Nous savons tous depuis longtemps qu'il nous faut changer de mode de consommation et de production à cause de la contrainte écologique mais je ne sais pas si la crise sera un avertissement suffisamment fort pour nous mobiliser dans un changement radical qui est pourtant nécessaire », déclare-t-il. Seulement, « tout le monde a l’air bien pressé de faire redémarrer le monde d’hier. »
Lire aussi : Ecologie et climat : les religions de France unies pour préserver la Création en danger
Tous les représentants des cultes ont été unanimes : les religions ont et auront toujours une place dans nos sociétés.
« Les religions ont quelque chose à dire à la société. Ce que peut apporter les religions, c'est l'espérance. (…) Une société qui espère vainc toutes les précarités, les injustices, les inégalités qui se creusent en ce moment même », a lancé le président du FPF. Dans la période de déconfinement, il faut « un réapprentissage de la proximité physique, du rassemblement, (...) apprendre à être humain à côté de l'autre. Et là, les cultes ont une expertise indépassable ».
« Dieu renouvelle tous les jours la Création donc c'est un appel à ce que nous réinventions tous les jours ce monde dans laquelle nous vivons », a indiqué Haïm Korsia.
Pour Minh Tri Vô, si la crise a amené beaucoup de souffrances physiques, « il faut faire attention à la santé mentale, c’est la boussole qui va conditionner nos pensées, nos paroles individuelles qui vont conditionner l'échelle collective. A ce moment, les décisions des décideurs comporteront moins de violence, plus de justice, moins d'avidité et d'ignorance ». « Il faut se méfier de la maladie de l'esprit, ce qui nous impose de rester rationnel, clair et lucide et de ne pas tomber dans les extrêmes, c'est ce que nous appelons la voie du milieu. »
« Les religions ont quelque chose à dire à la société. Ce que peut apporter les religions, c'est l'espérance. (…) Une société qui espère vainc toutes les précarités, les injustices, les inégalités qui se creusent en ce moment même », a lancé le président du FPF. Dans la période de déconfinement, il faut « un réapprentissage de la proximité physique, du rassemblement, (...) apprendre à être humain à côté de l'autre. Et là, les cultes ont une expertise indépassable ».
« Dieu renouvelle tous les jours la Création donc c'est un appel à ce que nous réinventions tous les jours ce monde dans laquelle nous vivons », a indiqué Haïm Korsia.
Pour Minh Tri Vô, si la crise a amené beaucoup de souffrances physiques, « il faut faire attention à la santé mentale, c’est la boussole qui va conditionner nos pensées, nos paroles individuelles qui vont conditionner l'échelle collective. A ce moment, les décisions des décideurs comporteront moins de violence, plus de justice, moins d'avidité et d'ignorance ». « Il faut se méfier de la maladie de l'esprit, ce qui nous impose de rester rationnel, clair et lucide et de ne pas tomber dans les extrêmes, c'est ce que nous appelons la voie du milieu. »
Vers un renouveau spirituel avec la crise du Covid-19 ?
Pour le grand rabbin de France, « le bonheur, la souffrance, (…) le simple fait de se questionner apporte un renouveau spirituel ».
« Si on veut la paix dans le monde, il faut générer la paix en soi », a déclaré, pour sa part, Minh Tri Vô, qui évoque « la faculté d’éveil en nous » qui fait que « nous sommes tous des bouddhas en devenir ». Le confinement a été « une pause obligatoire qui permet de toucher ce que Bouddha a offert comme vision profonde » comme « l'impermanence, le fait que rien ne dure et que tout est transitoire » et « l'interdépendance, l’interpénétration » entre les êtres et les mondes.
« Privilégier la vie et la mettre au centre de toutes nos préoccupations, c'est le point qui va rassembler croyants comme les non croyants », a conclu Mohammed Moussaoui. « Avec le confinement, nous avons vécu une épreuve et c'est à chacun de voir ce qu'il en tire », a signifié Mgr Éric de Moulins Beaufort. « L'histoire biblique nous montre que l'histoire est faite à la fois d'avertissements et de promesses. Il est toujours temps de vivre mieux et autrement. »
Lire aussi :
Dossier spécial coronavirus : retrouvez tous nos articles sur la pandémie de Covid-19
Penser l’après Covid-19 ne suppose pas que la pandémie est dernière nous : des interrogations et des enseignements
Plaidoyer pour une écologie islamique de transformation
« Si on veut la paix dans le monde, il faut générer la paix en soi », a déclaré, pour sa part, Minh Tri Vô, qui évoque « la faculté d’éveil en nous » qui fait que « nous sommes tous des bouddhas en devenir ». Le confinement a été « une pause obligatoire qui permet de toucher ce que Bouddha a offert comme vision profonde » comme « l'impermanence, le fait que rien ne dure et que tout est transitoire » et « l'interdépendance, l’interpénétration » entre les êtres et les mondes.
« Privilégier la vie et la mettre au centre de toutes nos préoccupations, c'est le point qui va rassembler croyants comme les non croyants », a conclu Mohammed Moussaoui. « Avec le confinement, nous avons vécu une épreuve et c'est à chacun de voir ce qu'il en tire », a signifié Mgr Éric de Moulins Beaufort. « L'histoire biblique nous montre que l'histoire est faite à la fois d'avertissements et de promesses. Il est toujours temps de vivre mieux et autrement. »
Lire aussi :
Dossier spécial coronavirus : retrouvez tous nos articles sur la pandémie de Covid-19
Penser l’après Covid-19 ne suppose pas que la pandémie est dernière nous : des interrogations et des enseignements
Plaidoyer pour une écologie islamique de transformation