Zinedine Zidane a remporté la Ligue des champions le 2 juin 2017 avec le Real Madrid. © Real Madrid
Mise à jour samedi 26 mai 2018 : Zinedine Zidane a remporté une troisième fois la Ligue des champions avec le Real Madrid, qui compte toujours Karim Benzema dans ses rangs.
Voilà qu'en 18 mois à la tête du Real Madrid, Zinedine Zidane a gagné deux fois la Ligue des champions, une fois la Supercoupe de l'UEFA et la Coupe du monde des clubs de la FIFA. Il s'est formé, et on lui a donné, en Espagne, la meilleure équipe du monde à diriger. En France, on était encore au stade du pessimisme auquel on s'habitue depuis des années : on moquait cette décision, on disait qu'il n'avait pas la « carrure » d'un entraîneur et qu'il ne tiendrait pas. Lui aurait-on, ici, donné le PSG ou la meilleure équipe française ? Jamais. C'est en dehors de son pays, qu'on lui a offert, la confiance. Et c'est ce qui explique le large succès qu'il s’est offert début juin face à la Juventus de Turin : le talent et la confiance.
Oui, Franck Ribéry s'épanouit depuis 10 ans dans l'un des meilleurs clubs du monde en Allemagne, où il a été sept fois champion et est surnommé le Kaiser Franck. Il est rejeté et moqué dans son pays.
Oui, Karim Benzema fait le bonheur du Real Madrid depuis huit ans, l'unanimité en Espagne tandis que les plus grands entraîneurs du monde font ses éloges. Il est presque haï dans son pays.
Oui, Samir Nasri est insulté de « racaille » en France, pas ailleurs. Une « racaille » deux fois champion d'Angleterre avec Manchester City, qui gagne très bien sa vie et qui parle quatre langues.
Ils ont tous, sans supplier naturellement, témoigné leur intérêt de jouer pour leur pays. Mais on est resté méfiant avec ces joueurs et on parle de risque qu'ils « perturbent » la cohésion du groupe. Le « risque ».
En Argentine, ça n'est même envisageable de se séparer de Lionel Messi alors qu'il est condamné à de la prison. Parce qu'on ne se sert pas d'excuses extra-sportives pour atteindre un joueur.
De même qu'en Uruguay, il est juste impensable qu'on se prive de Luis Suarez car il « risque » de mordre au prochain match, qu'on se prive de Zlatan Ibrahimovic (qui lui, en passant, a insulté la France sans qu'on ne remette jamais en cause le joueur) en Suède pour son arrogance, que l'Allemagne remette en cause Mesut Ozil car il ne « court pas assez », que l'Espagne se prive de Sergio Ramos et Gerard Piqué car ils ne peuvent pas se supporter, ou que les Pays-Bas ne sélectionnent pas Arjen Robben au prétexte qu'il se bagarre à l'entraînement.
Dans ces pays, soit on gère les joueurs, soit on les met sur le terrain. Et souvent on les gère pour les mettre sur le terrain ! On ne trouve pas l'excuse du nombre de gouttes sur le maillot ou des statistiques sélectives.
Voilà qu'en 18 mois à la tête du Real Madrid, Zinedine Zidane a gagné deux fois la Ligue des champions, une fois la Supercoupe de l'UEFA et la Coupe du monde des clubs de la FIFA. Il s'est formé, et on lui a donné, en Espagne, la meilleure équipe du monde à diriger. En France, on était encore au stade du pessimisme auquel on s'habitue depuis des années : on moquait cette décision, on disait qu'il n'avait pas la « carrure » d'un entraîneur et qu'il ne tiendrait pas. Lui aurait-on, ici, donné le PSG ou la meilleure équipe française ? Jamais. C'est en dehors de son pays, qu'on lui a offert, la confiance. Et c'est ce qui explique le large succès qu'il s’est offert début juin face à la Juventus de Turin : le talent et la confiance.
Oui, Franck Ribéry s'épanouit depuis 10 ans dans l'un des meilleurs clubs du monde en Allemagne, où il a été sept fois champion et est surnommé le Kaiser Franck. Il est rejeté et moqué dans son pays.
Oui, Karim Benzema fait le bonheur du Real Madrid depuis huit ans, l'unanimité en Espagne tandis que les plus grands entraîneurs du monde font ses éloges. Il est presque haï dans son pays.
Oui, Samir Nasri est insulté de « racaille » en France, pas ailleurs. Une « racaille » deux fois champion d'Angleterre avec Manchester City, qui gagne très bien sa vie et qui parle quatre langues.
Ils ont tous, sans supplier naturellement, témoigné leur intérêt de jouer pour leur pays. Mais on est resté méfiant avec ces joueurs et on parle de risque qu'ils « perturbent » la cohésion du groupe. Le « risque ».
En Argentine, ça n'est même envisageable de se séparer de Lionel Messi alors qu'il est condamné à de la prison. Parce qu'on ne se sert pas d'excuses extra-sportives pour atteindre un joueur.
De même qu'en Uruguay, il est juste impensable qu'on se prive de Luis Suarez car il « risque » de mordre au prochain match, qu'on se prive de Zlatan Ibrahimovic (qui lui, en passant, a insulté la France sans qu'on ne remette jamais en cause le joueur) en Suède pour son arrogance, que l'Allemagne remette en cause Mesut Ozil car il ne « court pas assez », que l'Espagne se prive de Sergio Ramos et Gerard Piqué car ils ne peuvent pas se supporter, ou que les Pays-Bas ne sélectionnent pas Arjen Robben au prétexte qu'il se bagarre à l'entraînement.
Dans ces pays, soit on gère les joueurs, soit on les met sur le terrain. Et souvent on les gère pour les mettre sur le terrain ! On ne trouve pas l'excuse du nombre de gouttes sur le maillot ou des statistiques sélectives.
Opposer des personnes qui ne veulent pas s'opposer
Ici, toutes les excuses sont bonnes pour rabaisser nos joueurs : Yohann Gourcuff, Antoine Griezmann, Matthieu Valbuena, Olivier Giroud sont utilisés, contre leur gré, comme alibi pour des perceptions qui dépassent leur personne et le football. Tant que l'on trouve un joueur qui puisse nous faire dire cette phrase rêvée : « On n’a pas besoin d'eux ! », alors on les oppose. Ce qui témoigne finalement de l'aigreur et la haine dans laquelle on se trouve.
La France est presque divisée en deux : Ceux qui détestent Benzema, et ceux qui détestent Giroud. Les uns ne savent pas même pourquoi tant de haine, les autres voient en cela une injustice énorme, et parfois le symbole d'une frustration.
Bien que l'un gagne sa troisième Ligue des champions, et que l'autre n'est pas titulaire à Arsenal, on veut tout de même les opposer (ce que Giroud n'a jamais demandé). On veut tellement les opposer d'ailleurs que cela montre en soit le ridicule de la situation.
Bon nombre foncent tête baissée. Cela marche tellement bien que même l’ex-Premier ministre Manuel Valls se mêlait, sans étonnement, du cas (électoraliste) Benzema.
La France est presque divisée en deux : Ceux qui détestent Benzema, et ceux qui détestent Giroud. Les uns ne savent pas même pourquoi tant de haine, les autres voient en cela une injustice énorme, et parfois le symbole d'une frustration.
Bien que l'un gagne sa troisième Ligue des champions, et que l'autre n'est pas titulaire à Arsenal, on veut tout de même les opposer (ce que Giroud n'a jamais demandé). On veut tellement les opposer d'ailleurs que cela montre en soit le ridicule de la situation.
Bon nombre foncent tête baissée. Cela marche tellement bien que même l’ex-Premier ministre Manuel Valls se mêlait, sans étonnement, du cas (électoraliste) Benzema.
Idriss Aberkane
L’argument du « risque », encore, ce vecteur de frilosité et d'instrumentalisation
Dans le sport comme dans d'autres domaines, les valeurs ajoutées s'en vont.
Idriss Aberkane a 31 ans et trois doctorats. Il a créé trois entreprises et a donné des conférences dans plus de 170 pays dans le monde. Ou a-t-on remis en cause ses diplômes, et donc ses compétences ? En France. On oublie ainsi son apport positif, constructif et pédagogique aux sciences, à l'éducation, à l'environnement ou ses travaux sur la neuro-sagesse. Ici encore, on passe à côté d'un esprit brillant pour des « doutes » et des réticences. Ailleurs, on collabore et on construit avec lui sans hésiter.
Tariq Ramadan, qui a le droit d'être autant suisse que français enseigne à Oxford et à Doshisha, au Japon. On lui a proposé d'enseigner à Harvard et à Stanford, et le Times Magasine le considère comme l'un des 10 penseurs les plus influents du monde. Mais c'est en France, encore, qu'on met la pression pour que toutes les universités et nombreuses salles lui soient fermées. Ici aussi, que certains, sans l'avoir jamais lu, répètent tous ensemble la même chose à son sujet, tout en étant persuadé d'avoir un discours « original » ou accessoirement « courageux ». On reste donc toujours méfiants lors de ses déplacements, avec le fameux « risque de trouble à l'ordre public ». Le « risque », encore, ce vecteur de frilosité et d'instrumentalisation.
Idriss Aberkane a 31 ans et trois doctorats. Il a créé trois entreprises et a donné des conférences dans plus de 170 pays dans le monde. Ou a-t-on remis en cause ses diplômes, et donc ses compétences ? En France. On oublie ainsi son apport positif, constructif et pédagogique aux sciences, à l'éducation, à l'environnement ou ses travaux sur la neuro-sagesse. Ici encore, on passe à côté d'un esprit brillant pour des « doutes » et des réticences. Ailleurs, on collabore et on construit avec lui sans hésiter.
Tariq Ramadan, qui a le droit d'être autant suisse que français enseigne à Oxford et à Doshisha, au Japon. On lui a proposé d'enseigner à Harvard et à Stanford, et le Times Magasine le considère comme l'un des 10 penseurs les plus influents du monde. Mais c'est en France, encore, qu'on met la pression pour que toutes les universités et nombreuses salles lui soient fermées. Ici aussi, que certains, sans l'avoir jamais lu, répètent tous ensemble la même chose à son sujet, tout en étant persuadé d'avoir un discours « original » ou accessoirement « courageux ». On reste donc toujours méfiants lors de ses déplacements, avec le fameux « risque de trouble à l'ordre public ». Le « risque », encore, ce vecteur de frilosité et d'instrumentalisation.
En se libérant de la « visibilité qui nous gêne », on perd de potentiels talents
C'est aussi ici qu'on fait une obsession sur ce qu'une femme porte sur la tête avant de s'intéresser à ce qu'elle a dans la tête. Combien sont-elles, toutes ces femmes, pesées par le regard des autres, et qui décident de s'en libérer en changeant de vie ? On se libère d'une « visibilité qui nous gêne », on perd des potentielles contributions énormes pour la France.
Faute de débattre, de dialoguer ou de confronter, on doute, on rejette, on censure, on se replie sur soi.
Certains se soulagent en se faisant croire que nous seuls avons raison et que le monde entier « n'a pas vraiment compris ». En réalité, il serait vraiment temps de changer nos mentalités et arrêter d'écouter nombre de propagandistes, sans quoi notre vie se résumera à continuer à admirer le reste du monde. Dans nos aigreurs et nos impuissances.
Les talents viennent d'ici, et ce sont les autres qui en récoltent les fruits.
*****
Soufiane Brahimi est éducateur et président de l'association Valeurs ajoutées.
Faute de débattre, de dialoguer ou de confronter, on doute, on rejette, on censure, on se replie sur soi.
Certains se soulagent en se faisant croire que nous seuls avons raison et que le monde entier « n'a pas vraiment compris ». En réalité, il serait vraiment temps de changer nos mentalités et arrêter d'écouter nombre de propagandistes, sans quoi notre vie se résumera à continuer à admirer le reste du monde. Dans nos aigreurs et nos impuissances.
Les talents viennent d'ici, et ce sont les autres qui en récoltent les fruits.
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Soufiane Brahimi est éducateur et président de l'association Valeurs ajoutées.