Monsieur le Premier ministre,
Le mardi 20 janvier 2014, lors de vos vœux à la presse, vous avez courageusement donné un nom à cette logique de séparation qui frappe des millions de nos concitoyens, cette bombe à fragmentation sociale, économique et ethnique qui a ravagé plus de trois générations. Des vies brisées qui ont cherché cette République qui protège, cette République qui éduque, cette République qui affranchit les hommes et les femmes de leurs conditions élémentaires. Mais force est de constater que ce qu’ils ont trouvé ne ressemblait en rien aux valeurs que nous défendons.
Ces hommes et ces femmes ont été durement confrontés au chômage de masse (en moyenne deux à trois fois plus concentré dans les quartiers populaires), aux inégalités scolaires, aux conditions de logement indécentes, à relégation sociale, à la marginalisation économique, à la normalisation de la parole raciste en politique comme dans les médias, à l’instrumentalisation de l’Islam, à la stigmatisation de l’immigration, ou encore au mépris le plus brutal qui les accusaient sournoisement d'être responsables de presque tous les maux de la société. Une société spectacle qui provoquait en nous une immense colère.
Cette rage grandissante s’était transformée en 2005 en émeutes. Depuis, elle trouve son chemin dans une déception sourde, muette, dont le silence et le repli sont les signes le plus alarmants. Une situation qui pousse des hommes et des femmes à se retrancher à l’intérieur de ces frontières invisibles de France, à ne plus participer à une société qui nous a tourné le dos, et a condamné nos enfants à vivre dans l’angoisse permanente des discriminations et dans l’acceptation douloureuse des exclusions.
Le mardi 20 janvier 2014, lors de vos vœux à la presse, vous avez courageusement donné un nom à cette logique de séparation qui frappe des millions de nos concitoyens, cette bombe à fragmentation sociale, économique et ethnique qui a ravagé plus de trois générations. Des vies brisées qui ont cherché cette République qui protège, cette République qui éduque, cette République qui affranchit les hommes et les femmes de leurs conditions élémentaires. Mais force est de constater que ce qu’ils ont trouvé ne ressemblait en rien aux valeurs que nous défendons.
Ces hommes et ces femmes ont été durement confrontés au chômage de masse (en moyenne deux à trois fois plus concentré dans les quartiers populaires), aux inégalités scolaires, aux conditions de logement indécentes, à relégation sociale, à la marginalisation économique, à la normalisation de la parole raciste en politique comme dans les médias, à l’instrumentalisation de l’Islam, à la stigmatisation de l’immigration, ou encore au mépris le plus brutal qui les accusaient sournoisement d'être responsables de presque tous les maux de la société. Une société spectacle qui provoquait en nous une immense colère.
Cette rage grandissante s’était transformée en 2005 en émeutes. Depuis, elle trouve son chemin dans une déception sourde, muette, dont le silence et le repli sont les signes le plus alarmants. Une situation qui pousse des hommes et des femmes à se retrancher à l’intérieur de ces frontières invisibles de France, à ne plus participer à une société qui nous a tourné le dos, et a condamné nos enfants à vivre dans l’angoisse permanente des discriminations et dans l’acceptation douloureuse des exclusions.
Dure réalité, triste fraternité
Je suis l’un de ces enfants qui perd patience et perd espoir lorsque je regarde toutes ces générations sacrifiées sur l’autel de nos valeurs, qui criaient du plus profond de leur âme leur volonté de faire France et qui se voyaient vivre en dehors du destin et du rêve français.
Monsieur le Premier ministre,
Comme vous le savez, l’apartheid français n’a jamais pris source dans la politique ignoble, inhumaine, de l’ancienne Afrique du Sud, et les Français l’on bien compris (plus de 50 % des Français approuvent l’utilisation du mot apartheid pour qualifier cette situation). Toutefois, il s’est édifié sur une succession de renoncements et s'est aggravé par la construction d’une société parallèle où jamais un enfant de ces quartiers, titulaire d’une licence d’histoire, ne pourra accéder, comme vous, à la fonction de Premier ministre de son propre pays.
Ces renoncements sont des stigmates de vie et nous les portons sans fierté aucune...
Monsieur le Premier ministre,
Lorsque des personnes sont assignées à résidence, parce que Noirs ou Arabes, dans des quartiers-ghettos, c’est la liberté qui renonce et s'en va. Lorsque nos écoles deviennent des mouroirs éducatifs, où même les miraculés du système sont relégués dans les caves de la société, au « chomdu », sans emploi ou occupant des postes qui ne correspondent en rien à leur niveau de qualification, c’est l'égalité qui renonce et s’en va.
Lorsque les petits vendeurs de « shit », en bas des tours, ont plus de prégnance économique que les entreprises, qui ne regardent plus nos jeunes, c’est la fraternité qui renonce et s’en va.
Lorsque la drogue et les armes détruisent nos enfants, alimentent les conflits de voisinage, imposent aux familles de se claquemurer chez elles, délimitent des territoires, organisent une économie parallèle, accompagnent l'insertion sociale des plus jeunes, et obligent les habitants jugés trop encombrants à quitter leurs lieux de résidence, c’est la sécurité qui renonce et s’en va.
Enfin, lorsque le petit Mamadou noir aux yeux noirs s'est forgé l’incurable conviction qu'il n'aura jamais le même destin que le petit Soren, blond aux yeux bleus, c’est la République qui renonce. C’est
cette Républiquelà qui nous tue.
Monsieur le Premier ministre,
On ne guérit pas un cancer avec un petit tube d’aspirine. Vous le savez. Nous le savons. Alors, osez et n’ayez pas peur!
Osez, la République ! Toute la République ! Rien que la République.
Osez sortir des sentiers battus, ne plus tenir compte des petites « mesures placebos » et des calculs politiques à court terme qui installent le désespoir et la déshérence au cœur de nos cités,
Osez la justice sociale et la mise en application du principe constitutionnel d’égalité !
Osez ! Et n'ayez pas peur de réparer les injustices sociales subies par toute ces générations oubliées, lassées et déçues par une politique qui a trop longtemps dénaturé et trahi les valeurs de notre pays, en disqualifiant ses propres citoyens.
Car lorsque la séparation sera définitivement consommée, et nous en sommes tout près, il n'y aura plus une France mais deux France. Ces deux France se regarderont en chien de faïence dans l’impossibilité de se comprendre et dans l’incapacité de vivre ensemble.
****
Nassurdine Haidari est un ex-élu PS de Marseille et délégué du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).
Monsieur le Premier ministre,
Comme vous le savez, l’apartheid français n’a jamais pris source dans la politique ignoble, inhumaine, de l’ancienne Afrique du Sud, et les Français l’on bien compris (plus de 50 % des Français approuvent l’utilisation du mot apartheid pour qualifier cette situation). Toutefois, il s’est édifié sur une succession de renoncements et s'est aggravé par la construction d’une société parallèle où jamais un enfant de ces quartiers, titulaire d’une licence d’histoire, ne pourra accéder, comme vous, à la fonction de Premier ministre de son propre pays.
Ces renoncements sont des stigmates de vie et nous les portons sans fierté aucune...
Monsieur le Premier ministre,
Lorsque des personnes sont assignées à résidence, parce que Noirs ou Arabes, dans des quartiers-ghettos, c’est la liberté qui renonce et s'en va. Lorsque nos écoles deviennent des mouroirs éducatifs, où même les miraculés du système sont relégués dans les caves de la société, au « chomdu », sans emploi ou occupant des postes qui ne correspondent en rien à leur niveau de qualification, c’est l'égalité qui renonce et s’en va.
Lorsque les petits vendeurs de « shit », en bas des tours, ont plus de prégnance économique que les entreprises, qui ne regardent plus nos jeunes, c’est la fraternité qui renonce et s’en va.
Lorsque la drogue et les armes détruisent nos enfants, alimentent les conflits de voisinage, imposent aux familles de se claquemurer chez elles, délimitent des territoires, organisent une économie parallèle, accompagnent l'insertion sociale des plus jeunes, et obligent les habitants jugés trop encombrants à quitter leurs lieux de résidence, c’est la sécurité qui renonce et s’en va.
Enfin, lorsque le petit Mamadou noir aux yeux noirs s'est forgé l’incurable conviction qu'il n'aura jamais le même destin que le petit Soren, blond aux yeux bleus, c’est la République qui renonce. C’est
cette Républiquelà qui nous tue.
Monsieur le Premier ministre,
On ne guérit pas un cancer avec un petit tube d’aspirine. Vous le savez. Nous le savons. Alors, osez et n’ayez pas peur!
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Osez sortir des sentiers battus, ne plus tenir compte des petites « mesures placebos » et des calculs politiques à court terme qui installent le désespoir et la déshérence au cœur de nos cités,
Osez la justice sociale et la mise en application du principe constitutionnel d’égalité !
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Car lorsque la séparation sera définitivement consommée, et nous en sommes tout près, il n'y aura plus une France mais deux France. Ces deux France se regarderont en chien de faïence dans l’impossibilité de se comprendre et dans l’incapacité de vivre ensemble.
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Du même auteur :
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Face à l'attaque de Charlie Hebdo, faisons France ensemble
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Lire aussi :
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