Cher Samuel,
Si je m’adresse à toi aujourd’hui à titre posthume, c’est parce que ta disparition dans les conditions atroces que nous connaissons vient s’ajouter à une longue et interminable liste d’actes terroristes qui frappent notre pays depuis quelques années et qui sont perpétrés par des barbares qui se réclament de l’islam.
Si je partage le deuil de toute la communauté nationale suite au crime effroyable dont tu as été la victime, je suis davantage et doublement attristé car je suis enseignant de confession musulmane. Et c’est à ce double titre que je t’adresse cette missive.
Cher collègue,
Je suis triste du sort qui t’a été réservé. Je suis attristé que l’innocence soit sacrifiée sur l'autel de l'ignorance et de la barbarie. Je suis peiné car tu as été lâchement et froidement assassiné en raison de tes principes humanistes et éducatifs que nous partageons tous.
En s’attaquant à l’enseignant et à l’éducateur que tu étais, c’est toute l’institution et la symbolique qu’elle véhicule qui ont été visées. Mais sache que ce sanctuaire est sacré et que nous le défendrons tous, quelles que soient nos différences et nos sensibilités. Nous le défendrons en faisant vivre et perpétuer ce principe de liberté pour lequel tu as payé un lourd tribut. Nous lirons et ferons lire Liberté de Paul Eluard et nous l’écrirons partout. Je te le promets.
Lire aussi : La Liberté, notre bien le plus précieux - Hommage à Samuel Paty
Cher collègue,
Rien ne doit justifier cet acte sauvage. Rien ne peut excuser cet assassinat odieux, quelles que soient les raisons avancées par ces bourreaux des temps modernes. Leurs causes sont indéfendables aux yeux de toutes les valeurs humaines et universelles auxquelles nous croyons. Elles sont condamnées par les principes de cette même religion qu’ils croient défendre. Ils se disent porteurs de l’étendard de la religion alors que cette dernière en est innocente et condamne fermement et sans équivoque leurs actes.
Ces obscurantistes qui se proclament de l’islam sont à mille lieues des préceptes de tolérance et du vivre ensemble que prônent toutes les religions et qui sous-tendent même leur esprit et leur essence.
Les musulmans de France et d’Occident condamnent d’une manière qui ne souffre aucun doute ni aucune ambiguïté la barbarie de ces terroristes qui ne peuvent et ne doivent se prétendre de l’islam. Car l'islam, à l’instar des autres religions, est une religion de paix dont les valeurs humaines et humanistes recommandent vivement le respect d’autrui, le respect des autres religions et par-dessus tout le respect de la vie humaine. Ne lit-on pas dans le Saint Coran que celui qui tue une âme humaine c’est comme s’il tuait l'humanité tout entière ? De même celui qui la sauve, c'est comme s'il sauvait tout le genre humain.
Lire aussi : Face à la barbarie, proclamons haut et fort la sacralité de la vie - Après l'attaque à Conflans, l'appel des imams de la paix
Cher collègue,
Ton assassinat commis pour soi-disant venger l'honneur du Prophète est un crime abominable qui va à l'encontre des valeurs de pardon et de miséricorde qu'il enseignait à sa communauté. Le Prophète se retournerait d’ailleurs dans sa tombe en voyant les actes barbares de ces ayatollahs de la terreur et de la violence. Lui qui, disait lorsqu’il était agressé et violenté: « Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Lui qui prêchait la bonne parole de la meilleure des manières suivant le conseil de son Seigneur : « Appelle à la voie de ton Seigneur par la sagesse et la bonne parole et discute avec eux de la façon la plus douce. » (Sourate les Abeilles, verset 125)
Malheureusement, ces actes ignobles sont le résultat de l’ignorance et de l’inculture. Car si la connaissance nous permet d’éviter bien des écueils et d’améliorer notre capacité de jugement et de discernement, l’ignorance, elle, peut engendrer une perte de repères et mener à des postures extrémistes. La tragique actualité que nous venons de vivre en est la preuve.
Cher collègue,
Celui qui t’a ôté la vie méconnaissait non seulement les valeurs de sa propre religion, celles du vivre ensemble et de fraternité mais il ignorait aussi la place importante du maître/professeur et le respect qui lui est porté dans la tradition arabo-musulmane. Le maître/professeur a même été célébré par Ahmed Chawki, le prince des poètes, dans un poème que tout arabophone connait par cœur :
« Lève-toi et marque ton respect à l’égard du maître car le maître a failli être un prophète. »
La rime n’est pas transférable en français mais la beauté du vers en arabe n’a d’égal que cette place de choix due au maitre/professeur dans les sociétés arabo-musulmanes. Et c’est le comble de l’ignorance et de l’inculture lorsqu’un terroriste prétend défendre le Prophète en enlevant la vie à un symbole, à une figure que sa propre tradition élève au rang des prophètes.
Cher Samuel,
Repose en paix. Que ton âme reste libre comme l’a été ton esprit. Tu as payé de ta vie ta soif pour la liberté. Et tu resteras à jamais vivant dans le cœur de tes élèves, de tes collègues et de la nation tout entière.
*****
Abdelghani Aboussena est enseignant.
Lire aussi :
« Ce qui distingue la civilisation de la barbarie, c'est l'Etat de droit » : Éric Dupond-Moretti réagit après l'attentat de Conflans
Un professeur décapité à Conflans-Sainte-Honorine, l’effroi unanime des musulmans de France exprimé
Si je m’adresse à toi aujourd’hui à titre posthume, c’est parce que ta disparition dans les conditions atroces que nous connaissons vient s’ajouter à une longue et interminable liste d’actes terroristes qui frappent notre pays depuis quelques années et qui sont perpétrés par des barbares qui se réclament de l’islam.
Si je partage le deuil de toute la communauté nationale suite au crime effroyable dont tu as été la victime, je suis davantage et doublement attristé car je suis enseignant de confession musulmane. Et c’est à ce double titre que je t’adresse cette missive.
Cher collègue,
Je suis triste du sort qui t’a été réservé. Je suis attristé que l’innocence soit sacrifiée sur l'autel de l'ignorance et de la barbarie. Je suis peiné car tu as été lâchement et froidement assassiné en raison de tes principes humanistes et éducatifs que nous partageons tous.
En s’attaquant à l’enseignant et à l’éducateur que tu étais, c’est toute l’institution et la symbolique qu’elle véhicule qui ont été visées. Mais sache que ce sanctuaire est sacré et que nous le défendrons tous, quelles que soient nos différences et nos sensibilités. Nous le défendrons en faisant vivre et perpétuer ce principe de liberté pour lequel tu as payé un lourd tribut. Nous lirons et ferons lire Liberté de Paul Eluard et nous l’écrirons partout. Je te le promets.
Lire aussi : La Liberté, notre bien le plus précieux - Hommage à Samuel Paty
Cher collègue,
Rien ne doit justifier cet acte sauvage. Rien ne peut excuser cet assassinat odieux, quelles que soient les raisons avancées par ces bourreaux des temps modernes. Leurs causes sont indéfendables aux yeux de toutes les valeurs humaines et universelles auxquelles nous croyons. Elles sont condamnées par les principes de cette même religion qu’ils croient défendre. Ils se disent porteurs de l’étendard de la religion alors que cette dernière en est innocente et condamne fermement et sans équivoque leurs actes.
Ces obscurantistes qui se proclament de l’islam sont à mille lieues des préceptes de tolérance et du vivre ensemble que prônent toutes les religions et qui sous-tendent même leur esprit et leur essence.
Les musulmans de France et d’Occident condamnent d’une manière qui ne souffre aucun doute ni aucune ambiguïté la barbarie de ces terroristes qui ne peuvent et ne doivent se prétendre de l’islam. Car l'islam, à l’instar des autres religions, est une religion de paix dont les valeurs humaines et humanistes recommandent vivement le respect d’autrui, le respect des autres religions et par-dessus tout le respect de la vie humaine. Ne lit-on pas dans le Saint Coran que celui qui tue une âme humaine c’est comme s’il tuait l'humanité tout entière ? De même celui qui la sauve, c'est comme s'il sauvait tout le genre humain.
Lire aussi : Face à la barbarie, proclamons haut et fort la sacralité de la vie - Après l'attaque à Conflans, l'appel des imams de la paix
Cher collègue,
Ton assassinat commis pour soi-disant venger l'honneur du Prophète est un crime abominable qui va à l'encontre des valeurs de pardon et de miséricorde qu'il enseignait à sa communauté. Le Prophète se retournerait d’ailleurs dans sa tombe en voyant les actes barbares de ces ayatollahs de la terreur et de la violence. Lui qui, disait lorsqu’il était agressé et violenté: « Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Lui qui prêchait la bonne parole de la meilleure des manières suivant le conseil de son Seigneur : « Appelle à la voie de ton Seigneur par la sagesse et la bonne parole et discute avec eux de la façon la plus douce. » (Sourate les Abeilles, verset 125)
Malheureusement, ces actes ignobles sont le résultat de l’ignorance et de l’inculture. Car si la connaissance nous permet d’éviter bien des écueils et d’améliorer notre capacité de jugement et de discernement, l’ignorance, elle, peut engendrer une perte de repères et mener à des postures extrémistes. La tragique actualité que nous venons de vivre en est la preuve.
Cher collègue,
Celui qui t’a ôté la vie méconnaissait non seulement les valeurs de sa propre religion, celles du vivre ensemble et de fraternité mais il ignorait aussi la place importante du maître/professeur et le respect qui lui est porté dans la tradition arabo-musulmane. Le maître/professeur a même été célébré par Ahmed Chawki, le prince des poètes, dans un poème que tout arabophone connait par cœur :
« Lève-toi et marque ton respect à l’égard du maître car le maître a failli être un prophète. »
La rime n’est pas transférable en français mais la beauté du vers en arabe n’a d’égal que cette place de choix due au maitre/professeur dans les sociétés arabo-musulmanes. Et c’est le comble de l’ignorance et de l’inculture lorsqu’un terroriste prétend défendre le Prophète en enlevant la vie à un symbole, à une figure que sa propre tradition élève au rang des prophètes.
Cher Samuel,
Repose en paix. Que ton âme reste libre comme l’a été ton esprit. Tu as payé de ta vie ta soif pour la liberté. Et tu resteras à jamais vivant dans le cœur de tes élèves, de tes collègues et de la nation tout entière.
*****
Abdelghani Aboussena est enseignant.
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