Il y a ceux qui ont décrété de façon définitive et péremptoire que le dialogue entre l'islam et l'Occident ne peut aboutir, ni même se concevoir. Position d'autant plus regrettable qu'elle repose le plus souvent sur une représentation grossière et caricaturale de la religion musulmane. Porte-parole de l'islamophobie rampante qui interdit toute réflexion saine, ils trouvent un écho favorable dans une certaine presse qui a parfaitement compris le caractère rentable du tapage médiatique.
Les lobbies militaro-industriels
Ce qui vaut pour le lectorat, vaut pareillement pour l'électorat: on voit des hommes politiques bâtir leur popularité sur la peur de l'islam et le danger que représentent les banlieues et la présence inquiétante des immigrés. L'Europe est envahie par des hordes qui mettent en péril ses valeurs. Le sentiment exacerbé des appartenances nationales, lié à celui d'une nouvelle identité européenne qui se veut résolument moderne, est incompatible avec les principes d'une foi moyenâgeuse.
La dimension pécuniaire ne concerne pas seulement le champ de l'information. Il en est un autre, beaucoup plus vaste, qui explique bien des situations dramatiques que vivent des pays dominés: les lobbies militaro-industriels, concernés par les questions de l'énergie, exercent des pressions politiques constantes pour assurer leur pérennité.
Grossir constamment la menace terroriste, en s'aidant de surcroît d'éléments dits islamistes aisément manipulables, est une stratégie des plus rentables: elle permet de justifier le terrorisme d'Etat présenté comme une «guerre légitime». Il en va de même aussi bien à grande échelle - voyez le chaos dans lequel vivent à présent les Afghans et les Irakiens - qu'à moindre échelle - voyez les raids israéliens auxquels des civils palestiniens et libanais sont soumis actuellement.
Le moindre prétexte est bon pour enclencher la machine de guerre. Le rapt de militaires israéliens permet à une armée de prendre en otage toute la bande de Gaza, et d’agresser une nation dans son ensemble. Mais que dire des milliers de prisonniers palestiniens qui depuis de longues années attendent dans leurs geôles d'être équitablement jugés ?
Ne pas renoncer au dialogue
Aux niveaux de leurs stratégies gouvernementales, ni les Etats-Unis, ni Israël ne veulent en réalité la paix. La paix signifie l'abolition de la suprématie militaire dans les faits. Elle élève notre faible voisin, dont la propriété est définie, au rang d'un égal avec lequel il convient précisément de dialoguer. Elle nous rappelle des valeurs essentielles: la grandeur des hommes ne se mesure pas à leur capacité de nuire militairement, mais à la profondeur des qualités morales qui animent leur engagement en faveur de tous. De tous, et non pas d'une nation suprême au-dessus des nations.
D'autre part, les enjeux de la domination économique du monde musulman, qui regorge des ressources énergétiques que l'on connaît, sont tels que l'on voit mal par quel sursaut de conscience on arrêtera les massacres à venir.
Faut-il pour autant renoncer au dialogue? Ce ne sont pas deux mondes qui s'affrontent en réalité. L'Occident n'est pas l'ennemi. Il ne constitue pas un bloc uniforme. Et l'islam recèle des trésors d'humanisme permettant de préserver et consolider les ponts que d'autres aimeraient voir détruits. Enrichir ce dialogue, comprendre l'autre dans sa spécificité, rejeter les amalgames et la superficialité des discours, c'est marquer avec vigueur notre refus de la logique de confrontation, qui ne sert qu'un unilatéralisme borgne et inhumain. Le dialogue contre les armes, donc. Lutte inégale. Le bruit des canons couvre nos voix. Qui gagnera?