Société

Loi sur la burqa : une bombe à retardement ?

De la résolution à la loi d'interdiction

Rédigé par Propos recueillis par Leïla Belghiti | Mercredi 27 Janvier 2010 à 00:56

Le très controversé voile intégral a enfin reçu son (premier) verdict. Boycotté par le PS et rechigné par certains UMP, le rapport Gerin, remis mardi 26 janvier au président de la République, a été de justesse adopté par les membres de la mission sur le port de la burqa. Et c'est donc pour une interdiction dans les services publics que la mission parlementaire s'est prononcée. Si la majorité des parlementaires est favorable à une loi d'interdiction étendue à tout le territoire, beaucoup ont été freinés par sa légitimité constitutionnelle improbable.
Pour la juriste Lila Charef, chargée du pôle juridique du CCIF (Collectif contre l'islamophobie en France), le choix des parlementaires de recourir à une résolution, par définition non contraignante, accompagnée de dispositions législatives (interdictions dans les services publics, les transports et tous les lieux accueillant du public) favoriserait la transition vers une loi d'interdiction globale, « à la méthode française ». Entretien.




Saphirnews : Loi ou résolution ? Pourquoi une résolution ?

Lila Charef : Les partisans de la loi contre le voile intégral se sont rendu compte qu'une interdiction totale de cette étendue serait difficile à valider. La meilleure solution restait donc la résolution parlementaire. Cela leur laissera évidemment plus de temps pour réfléchir à la définition des contours d'une interdiction législative, dans l'attente également de l'avis du Conseil d'État.

Une loi interdisant le voile intégral dans l'espace public, c'est faisable ?

L. Ch. : En droit français, vous ne pouvez pas émettre d'interdiction aussi large et visant une communauté précise. Le principe est la liberté. Lorsqu'il y a restriction, il doit y avoir des circonstances très strictes qui la valident. Le champ d'application de l'interdiction est donc très restreint ; le risque d'inconstitutionnalité et condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme est très élevé.


Évoquer une menace à la « sécurité publique », n'est-ce pas légitime ?

L. Ch. : Ce débat est un faux débat : ses fondements étaient dès le départ erronés. La première excuse avancée était la sécurité publique. Or, nous disposons déjà d'un cadre législatif, de textes de loi qui réglementent les devoirs en matière de sécurité, comme celui d'être identifiable lors d'un contrôle de police, etc. Il suffit de les mettre en œuvre.

Deuxièmement, on crie à l'égalité des sexes et à la liberté de disposer de son corps. La liberté, c'est justement de pouvoir s'habiller comme on veut, dans le cadre de la loi, comme le prévoit la législation actuelle. C'est assez risible d'entendre certains parler de l'égalité des sexes, comme Elisabeth Badinter, présidente de Publicis, régulièrement condamnée pour ses affiches sexistes. Sans parler de l'égalité salariale, de la parité au Parlement ! Quand on sait que l'UMP préfère payer des amendes plutôt que de respecter cette parité, il y a de quoi rire... Nos donneurs de leçons ne sont pas crédibles.

Quant à la possibilité d'une loi interdisant le voile intégral, vous savez, il y a un grand décalage entre la théorie et la pratique, et c'est une méthode très franco-française : on use d'artifices juridiques pour légaliser des dispositions. Si la loi sur le foulard à l'école est passée, c'est parce qu'elle fait semblant de viser toutes les confessions, sans en cibler aucune de particulière.

Une commission « Stasi bis » ?

L. Ch. : C'est le prolongement de la commission Stasi. C'en est l'épisode 2, contre une autre expression religieuse. Le chiffre extravagant avancé de 1 900 femmes qui le porteraient est très au dessus de la réalité. C'est une pratique très minoritaire, et il y a des sujets beaucoup plus importants et urgents à traiter. Ce faux débat est un stratagème pour réduire la liberté d'une partie de la population.


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