Contrairement à ce qui est véhiculé, l’islam ne fait peser aucune une menace existentielle sur la République, sur la laïcité ou sur l’égalité hommes-femmes. Le droit de porter le voile dans l'espace public est une liberté fondamentale dans notre pays. Mais il est aisé d’imputer à ceux qui sont discriminés la responsabilité de leur situation. En réalité, on continue à fabriquer un problème musulman là où il n’y en a pas afin de mieux dissimuler les vrais malaises sociétaux et d’éviter de mettre en évidence les fiascos à répétition d’une partie de notre élite dirigeante
Depuis novembre 2021, j’assume la présidence du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN). Pour la première fois, un président de confession musulmane est nommé à sa tête. Au-delà de la symbolique, c’est avant tout une évolution vers une meilleure compréhension entre les uns et les autres. Comme je l’ai martelé lors de mon élection, j’aspire à placer ma présidence sous le signe de la réconciliation nationale. Et de rappeler que l’islam est une composante essentielle de notre pays ; elle est structurante de mon identité. Être Noir ne veut pas dire rester indifférent aux formes de racisme autre que la négrophobie.
C’est donc en tant que citoyen français de confession musulmane que je souhaite condamner les dernières dérives islamophobes qui se manifestent en France. Le terme « islamophobie » semble donner de l’allergie à certains mais la haine désignée par ce terme est compréhensible de tous. Une haine qui vient d’abord de l’extrême droite, puis de la droite et d’une partie de la gauche prétendument républicaine et laïque. L’islamophobie s’est peu à peu banalisée dans notre société. Cette haine quasi institutionnelle fait des musulmans une menace prétendument existentielle pour la nation française, pour les institutions républicaines, pour la laïcité, pour l’identité nationale. On assiste à une stupéfiante involution politique.
Depuis novembre 2021, j’assume la présidence du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN). Pour la première fois, un président de confession musulmane est nommé à sa tête. Au-delà de la symbolique, c’est avant tout une évolution vers une meilleure compréhension entre les uns et les autres. Comme je l’ai martelé lors de mon élection, j’aspire à placer ma présidence sous le signe de la réconciliation nationale. Et de rappeler que l’islam est une composante essentielle de notre pays ; elle est structurante de mon identité. Être Noir ne veut pas dire rester indifférent aux formes de racisme autre que la négrophobie.
C’est donc en tant que citoyen français de confession musulmane que je souhaite condamner les dernières dérives islamophobes qui se manifestent en France. Le terme « islamophobie » semble donner de l’allergie à certains mais la haine désignée par ce terme est compréhensible de tous. Une haine qui vient d’abord de l’extrême droite, puis de la droite et d’une partie de la gauche prétendument républicaine et laïque. L’islamophobie s’est peu à peu banalisée dans notre société. Cette haine quasi institutionnelle fait des musulmans une menace prétendument existentielle pour la nation française, pour les institutions républicaines, pour la laïcité, pour l’identité nationale. On assiste à une stupéfiante involution politique.
La faute aux musulmans ?
Ce Ramadan 2022 n’a pas été épargné par des sorties médiatiques qu’il faut condamner avec force et conviction. Un reportage de BFM TV Paris a ainsi fait le lien entre la période de jeûne observée par les musulmans et la pénurie d'huile de tournesol : « Cette pénurie s’explique dans un premier temps par l’arrivée du Ramadan. Cette huile est très utilisée pour préparer les beignets traditionnels de rupture du jeûne. » Je ne me souviens pas qu’il existait existe un beignet spécifique au Ramadan.
Invité à s'exprimer le 4 mai sur la chaîne CNews sur cette pénurie, le PDG du distributeur Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, déclare que l’origine de cette rareté vient du fait que les musulmans stockent de « l’huile à frire pour le mouton » (sic). Une déclaration d’autant plus surprenante que le mouton n’est pas consommé durant l’Aïd al-Fitr mais lors de l’Aïd el-Kebir. On peut noter tout de même qu’il a depuis regretté ses propos.
Comment peut-on faire porter à toute une partie de la communauté nationale la responsabilité de cette pénurie mondiale alors que la cause première de cette pénurie est en réalité la guerre en Ukraine, premier exportateur de l’huile de tournesol ? « La pénurie s’est déclenchée depuis que les ports ukrainiens sont à l'arrêt », s’était même fendu d’un communiqué alarmant l’Association européenne des industriels d’huiles végétales. Je rappelle aussi que la hausse des prix de l’huile avait débuté dès février, bien avant le Ramadan.
Pascale Hébel, directrice du département consommation du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), a mis en avant le fait que les rationnements d’huile étaient dû à la dépendance de la France à l’égard de l’Ukraine car l’Hexagone ne cultive plus assez de tournesols et non pas du fait des musulmans. Ce n’est donc ni le Ramadan ni les musulmans qui ont eu un effet relatif sur l’épuisement des stocks d’huile, mais c’est surtout la peur de la pénurie qui pousse les consommateurs à faire des sur-stockages de façon disproportionnée et déraisonnable.
L'hostilité à l'encontre des Français de confession musulmane se traduit presque quotidiennement par des dialectiques de la peur, des discours stigmatisants, des pratiques discriminatoires ou des agressions physiques. Nous assistons à un ballet de déclarations qui montrent l’inculture religieuse de leurs auteurs.
Faut-il faire un parallèle entre l'époque coloniale et la situation actuelle en France ? Actuellement, nous assistons à une réhabilitation de la pensée coloniale par des politiciens, généralement en quête de pouvoir ou de sa préservation, et des médias mainstream en quête d’audimat. Malheureusement, la répétition d’une fable finit par la rendre de plus en plus crédible, surtout lorsque cette fable est également diffusée par une partie des académiciens et intellectuels français. À son époque déjà, Ernest Renan, grand professeur au Collège de France, utilisait sa légitimité académique, scientifique et politique pour développer la thèse selon laquelle « l’islam serait une religion de guerre et qui favorise le fanatisme ».
Invité à s'exprimer le 4 mai sur la chaîne CNews sur cette pénurie, le PDG du distributeur Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, déclare que l’origine de cette rareté vient du fait que les musulmans stockent de « l’huile à frire pour le mouton » (sic). Une déclaration d’autant plus surprenante que le mouton n’est pas consommé durant l’Aïd al-Fitr mais lors de l’Aïd el-Kebir. On peut noter tout de même qu’il a depuis regretté ses propos.
Comment peut-on faire porter à toute une partie de la communauté nationale la responsabilité de cette pénurie mondiale alors que la cause première de cette pénurie est en réalité la guerre en Ukraine, premier exportateur de l’huile de tournesol ? « La pénurie s’est déclenchée depuis que les ports ukrainiens sont à l'arrêt », s’était même fendu d’un communiqué alarmant l’Association européenne des industriels d’huiles végétales. Je rappelle aussi que la hausse des prix de l’huile avait débuté dès février, bien avant le Ramadan.
Pascale Hébel, directrice du département consommation du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), a mis en avant le fait que les rationnements d’huile étaient dû à la dépendance de la France à l’égard de l’Ukraine car l’Hexagone ne cultive plus assez de tournesols et non pas du fait des musulmans. Ce n’est donc ni le Ramadan ni les musulmans qui ont eu un effet relatif sur l’épuisement des stocks d’huile, mais c’est surtout la peur de la pénurie qui pousse les consommateurs à faire des sur-stockages de façon disproportionnée et déraisonnable.
L'hostilité à l'encontre des Français de confession musulmane se traduit presque quotidiennement par des dialectiques de la peur, des discours stigmatisants, des pratiques discriminatoires ou des agressions physiques. Nous assistons à un ballet de déclarations qui montrent l’inculture religieuse de leurs auteurs.
Faut-il faire un parallèle entre l'époque coloniale et la situation actuelle en France ? Actuellement, nous assistons à une réhabilitation de la pensée coloniale par des politiciens, généralement en quête de pouvoir ou de sa préservation, et des médias mainstream en quête d’audimat. Malheureusement, la répétition d’une fable finit par la rendre de plus en plus crédible, surtout lorsque cette fable est également diffusée par une partie des académiciens et intellectuels français. À son époque déjà, Ernest Renan, grand professeur au Collège de France, utilisait sa légitimité académique, scientifique et politique pour développer la thèse selon laquelle « l’islam serait une religion de guerre et qui favorise le fanatisme ».
Refuser la « légitimation » de l’islamophobie
Condamner l’islamophobie, ce n’est pas non plus occulter certaines réalités. J’ai apporté mon témoignage dans le documentaire Djellaba-Basket des journalistes Philippe Pujol et Jean-Christophe Gaudry, qui traite de l'intérêt grandissant des jeunes pour l'islam. Dans ce documentaire, j’explique comment, pour de nombreux jeunes, la réponse identitaire consiste à se réfugier dans une mauvaise interprétation de l'islam, qui prend le relai sur la démocratie républicaine, et créé ainsi les conditions idéales à de nouvelles formes d’expressions radicales et extrémistes de la religion.
Toutefois, en tant que président du CRAN, je n’accepte pas que l’on puisse imaginer une quelconque « légitimation » de l’islamophobie, même sous le fallacieux prétexte de la lutte antiterroriste. Ce n’est pas parce que les attentats qui ont frappé la France ont participé à la résonance d'un contexte national hostile aux musulmans que nous devions hurler avec la meute.
Pour conclure, je voudrais souligner le fait que le discours islamophobe ne fait pas que stigmatiser la communauté musulmane mais il fait le lit d’autres formes d’intolérance telles que l’antisémitisme et la négrophobie. Les attaques permanentes dirigées contre les Français musulmans peuvent vite s’orienter vers d’autres composantes de la communauté nationale. L’Histoire et le passé de la France doivent nous pousser à la vigilance si nous voulons préserver la cohésion nationale et le pacte républicain.
*****
Nassurdine Haidari, ancien élu socialiste de Marseille, est président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).
Lire aussi :
Nassurdine Haidari à la tête du CRAN : « Que notre République se tienne debout pour assurer l’égalité des droits de tous »
Et aussi :
Panthéonisation de Joséphine Baker : luttons contre les discriminations de toutes nos forces
Contre la radicalisation, ne tombons pas dans le piège tendu par les charognards de l'unité nationale
Toutefois, en tant que président du CRAN, je n’accepte pas que l’on puisse imaginer une quelconque « légitimation » de l’islamophobie, même sous le fallacieux prétexte de la lutte antiterroriste. Ce n’est pas parce que les attentats qui ont frappé la France ont participé à la résonance d'un contexte national hostile aux musulmans que nous devions hurler avec la meute.
Pour conclure, je voudrais souligner le fait que le discours islamophobe ne fait pas que stigmatiser la communauté musulmane mais il fait le lit d’autres formes d’intolérance telles que l’antisémitisme et la négrophobie. Les attaques permanentes dirigées contre les Français musulmans peuvent vite s’orienter vers d’autres composantes de la communauté nationale. L’Histoire et le passé de la France doivent nous pousser à la vigilance si nous voulons préserver la cohésion nationale et le pacte républicain.
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Nassurdine Haidari, ancien élu socialiste de Marseille, est président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN).
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