Psycho

Loubna : « Même après un cancer, mon mari fume encore »

Rédigé par Sabah Babelmin | Mercredi 16 Mai 2018 à 08:30



Je m’appelle Loubna, j’ai 23 ans et je suis convertie depuis trois ans et en couple avec mon mari depuis presque quatre ans.

Nous nous aimons plus que tout et tout se passe très bien dans notre vie, Dieu merci. Seulement mon mari a un défaut qui est plus fort que lui : il fume.

Quand je l’ai connu, il fumait des joints et la cigarette. Au début, comme je ne connaissais pas l’islam et que je n’étais pas croyante, je n’y prêtais pas plus attention que ça, puis quand je me suis convertie cela me gênait beaucoup et a été la cause de nombreuses disputes.

J’allais le chercher à des heures tardives chez ses copains pour le sortir de là, etc. Je ne compte plus les fois où je l’ai sermonné à ne plus avoir la force de parler.

Il s’est progressivement calmé et a arrêté de fumer du cannabis car je lui ai dit qu’il était hors de question que je fasse ma vie avec un homme qui fume ça.

Il m’a dit avoir arrêté la cigarette. Puis quelques mois après je me rendais compte qu’il me mentait et qu’il fumait en cachette, je ne compte plus non plus le nombre de fois où je l’ai entendu dire : « Je te promets : c’est fini, je ne refumerai plus. »

L’année dernière, Dieu a décidé de lui donner la maladie. Il a eu un cancer, une énorme tumeur de 15 cm entre les poumons, le cœur et les bronches.

À l’annonce de son cancer, il m’a demandé si j’allais partir et le laisser tout seul. Je lui ai répondu qu’il en était hors de question, que c’était l’homme de ma vie et que jamais je ne l’abandonnerai, que je serai toujours près de lui.

Et c’est ce que j’ai fait, cinq mois de chimiothérapie et pas une seule fois je l’ai laissé tout seul. Je dormais avec lui à l’hôpital, je l’emmenais aux toilettes, je le lavais, etc. Il avait tellement maigri qu’il ne pouvait plus rien faire.

À l’été dernier, on a appris, Dieu merci, qu’il était en rémission et qu’il pouvait reprendre une vie normale. Je pensais que cette épreuve allait le faire grandir, mais non...

J’ai appris à l’automne qu’il refumait et pas uniquement la cigarette. Je suis devenue hystérique, j’ai voulu le quitter pour l’aider et que ça lui fasse un électrochoc.

Mais après longue réflexion, je l’ai écouté, il m’a juré de ne plus jamais recommencer et je suis restée.

Son médecin lui a dit qu’il ne devait absolument pas fumer avec la maladie qu’il a eue, sinon il augmenterait ses chances de mourir de 50 %.

Hélas je viens encore d’apprendre aujourd’hui qu’il a recommencé la cigarette. Je viens d’avoir une discussion avec lui, je lui ai dit tout ce que je pensais, que ce n’était pas pour moi que je faisais tout ça mais pour lui, pour sa santé et pour après la vie d’ici bas.

Je ne sais plus quoi faire, je suis démunie... Il me dit : « Je suis qu’un con, je sais que je te fais du mal et je ne veux pas te perdre mais c’est plus fort que moi, dès que tu n’es pas là (je suis à la faculté toute la journée), je n’y arrive pas... »

Pour moi, il n’y a pas d’excuse, surtout avec la maladie qu’il a traversée. Si avec ça il n’arrête pas, alors il n’arrêtera jamais ...

J’ai peur que la maladie revienne, qu’elle emporte mon mari avec elle et je ne pourrai que lui en vouloir à lui, de ne pas avoir pris soin de sa santé...

Je ne sais pas si je dois rester ou partir, je ne sais plus quoi faire...
Loubna

Sabah Babelmin, psychothérapeute

Chère Loubna,

Votre lettre est très émouvante, vous êtes tellement jeune mais tellement dévouée et mature en amour.

Vous dites plusieurs choses qui m’interpellent : vous êtes très amoureuse et votre compagnon aussi mais je pense que ce n’est pas du même ordre. Il me semble que lui projette sur vous un manque abyssal d’amour, de sa mère ou de son père ; mais, vous, vous êtes intègre et vous l’aimez malgré les difficultés.

Il fume et est tombé malade et s’en est sorti une première fois. Vous avez été très dévouée et l’avez beaucoup aidé et soutenu. Malgré tout cela, il récidive. Quand vous menacez de le quitter, il vous dit que quand « vous n’êtes pas là il est perdu ».

Il me semble qu’il ya là quelque chose de très régressif dans son comportement et vous ne pouvez pas l’aider plus que ce que vous faites déjà !

Il est important qu’il aille consulter un thérapeute pour l’aider à comprendre son histoire et vous permettre de vous reposer et surtout de vous déculpabiliser car vous n’êtes pas responsable de sa santé, de sa vie, si lui ne veut pas en prendre soin.

Vous êtes jeunes tous les deux et tous les espoirs sont permis, mais à condition que votre mari se prenne en charge et de victime devienne responsable de son addiction, de sa maladie, de sa vie ou de sa mort.

Quoi que vous fassiez, vous ne pourrez pas l’empêcher de s’autodétruire comme il le fait ! S’il ne décide pas de lui-même de changer la situation en se faisant aider d’abord pour se sevrer car le cannabis et la cigarette, c’est une drogue ! Et puis de prendre soin de sa santé, de lui-même et de vous.

L’amour signifie aussi respecter l’autre et se mettre à sa place et non pas le vampiriser sans aucun effort en retour.

Le comportement de votre mari est suicidaire et vous avez raison de dire que vous pensez à partir ! Il est très important qu’il se prenne en charge et comprenne que vous risquez de le quitter et aucune autre femme ne pourrait supporter cela.

Il a l’air perdu, en grande souffrance. Est-ce qu’il fait des études ? Est-ce qu’il travaille ? A-t-il gardé des liens avec sa famille ? Quand vous dites que vous allez le chercher chez les copains, on dirait une maman qui va chercher son adolescent !

Vous paraissez être sa seule ressource saine et vous ne parlez nullement ni de sa famille ni de la vôtre. Votre famille vous a-t-elle rejetée après votre conversion à l’islam ? Avez-vous toujours des liens avec elle ?

Vous êtes jeune, vous faites des études vous vous êtes convertie à l’islam. J’imagine pour être en harmonie et en accord avec ce jeune homme ! Mais, apparemment, de son côté, il ne fait pas d’effort. Les paroles et le comportement que vous décrivez de lui montrent très peu d’estime de lui-même et aucune prise en compte de l’autre.

Ne vous isolez pas, vous avez besoin d’être soutenue aussi ! Qu’en pensez-vous ?

Réagissez vite, allez voir un thérapeute de couple qui pourrait vous aider à y voir plus clair. Bon courage.

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Des psychologues et psychanalystes répondent à vos questions. Musulman(e)s du Maghreb ou de France, professionnel(le)s actif(ve)s exerçant en cabinet, ils réfléchissent à votre problématique et tentent de vous éclairer à travers leur expérience professionnelle et leur pratique spirituelle. Ils peuvent vous aider à y voir plus clair en vous-même ou à mieux décrypter le comportement des personnes de votre entourage.
Ils ne sont pas médecins, même si on les désigne parfois comme des « médecins de l’âme », mais leur rôle est de vous aider à trouver en vous-même la meilleure réponse à vos interrogations sur vos relations aux autres, votre conjoint ou conjointe, vos parents, vos frères et sœurs, vos amis, vos collègues de travail, vos voisins...
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