Emmanuel Macron doit largement sa victoire à un excellent marketing et à un habile positionnement sur l’échiquier politique français. Il a certes su capter le refus de la majorité des Français de l’extrémisme de droite comme de gauche, et cela reste son principal accomplissement. Son positionnement « extrême-centriste », oscillant au gré des circonstances entre le « ni-ni » et le « et-et », lui a permis de ratisser le plus large possible, à savoir et la gauche et la droite et le centre, et ceux qui ne veulent aucun de ces trois-là. Force et faiblesse d’une majorité composite, la plus diversifiée depuis Chirac 2002.
D’autres facteurs ont créé l’illusion – car il s’agit d’une illusion – que Macron renouvelle et qui chamboule la vie politique en France.
Parmi les traits saillants qui l’ont singularisé pendant la campagne présidentielle, son optimisme assumé a intelligemment contrecarré la sinistrose et le déclinisme ambiant, projetant là une image tonique et offrant une « bouffée d’air frais » comme en son temps Nicolas Sarkozy avec son énergie débridée.
Son charme certain, la relative nouveauté de ce visage neuf, lisse et avenant, son style (pondéré, posé, rassurant, confiant sans arrogance, toujours dans le « pas trop »), son côté gendre-grand frère-jeune papa idéal ont complété l’opération de séduction avec l’aide de la souriante Brigitte.
Dans l’offre du marché politique actuel, Macron se distingue aussi de façon positive par son discours pacifié, unitaire, rassembleur, qui le différencie fortement des braillards et excités à la Le Pen, Mélenchon, Dupont-Aignan ou Poutou, eux constamment dans le clivage, la confrontation, l’agression, voire la haine et l’hystérie.
D’autres facteurs ont créé l’illusion – car il s’agit d’une illusion – que Macron renouvelle et qui chamboule la vie politique en France.
Parmi les traits saillants qui l’ont singularisé pendant la campagne présidentielle, son optimisme assumé a intelligemment contrecarré la sinistrose et le déclinisme ambiant, projetant là une image tonique et offrant une « bouffée d’air frais » comme en son temps Nicolas Sarkozy avec son énergie débridée.
Son charme certain, la relative nouveauté de ce visage neuf, lisse et avenant, son style (pondéré, posé, rassurant, confiant sans arrogance, toujours dans le « pas trop »), son côté gendre-grand frère-jeune papa idéal ont complété l’opération de séduction avec l’aide de la souriante Brigitte.
Dans l’offre du marché politique actuel, Macron se distingue aussi de façon positive par son discours pacifié, unitaire, rassembleur, qui le différencie fortement des braillards et excités à la Le Pen, Mélenchon, Dupont-Aignan ou Poutou, eux constamment dans le clivage, la confrontation, l’agression, voire la haine et l’hystérie.
Macron, « chouchou des médias »
Le traitement de faveur éhonté dont Emmanuel Macron a bénéficié, depuis le début, de la part de peu ou prou tous les grands médias, qui l’ont glorifié, célébré et glamourisé à outrance, doit également être pris en considération, surtout à l’ère de la politique-spectacle.
Oui, Macron est bien le « chouchou du système médiatique », dénoncé par Marine Le Pen. Là aussi, bien plus qu’une simple complaisance ou un traitement de faveur, ce qui serait déjà inacceptable, il y a bien eu et il continue à y avoir non pas une simple préférence mais un véritable matraquage publicitaire, une campagne de propagande pro-Macron de grande ampleur, visant, par exemple, à faire passer sa « jeunesse », célébrée par tous dans la plus parfaite niaiserie, pour un renouvellement politique de fond.
Quelle mystification que de vouloir nous faire prendre la forme pour le fond !
Oui, Macron est bien le « chouchou du système médiatique », dénoncé par Marine Le Pen. Là aussi, bien plus qu’une simple complaisance ou un traitement de faveur, ce qui serait déjà inacceptable, il y a bien eu et il continue à y avoir non pas une simple préférence mais un véritable matraquage publicitaire, une campagne de propagande pro-Macron de grande ampleur, visant, par exemple, à faire passer sa « jeunesse », célébrée par tous dans la plus parfaite niaiserie, pour un renouvellement politique de fond.
Quelle mystification que de vouloir nous faire prendre la forme pour le fond !
Partout, pendant des mois, on a eu droit aux unes glorifiantes, aux photos systématiquement avantageuses, aux commentaires dithyrambiques et aux reportages héroïsants du style « Macron : l’homme qui a osé » (comme De Gaulle), « Macron l’homme pressé » (comme Alain Delon dans le film tiré du roman de Paul Morand), « Macron : l’irrésistible ascension d’un ambitieux » (en héros balzacien à la Rastignac), Macron « le rebelle qui dynamite les règles du jeu » (comme ces « maverick » de la mythologie populaire américaine, qu’il s’évertue à copier, histoire de se la jouer « jeune Kennedy français »), « Macron, l’éternel gagnant destiné à régner » (le vieux mythe bourgeois de la « destinée »)... Et on en passe, jusqu’à plus soif.
On a assisté là à un véritable culte de la personnalité, délibéré et organisé, qui pourrait presque faire pâlir d’envie un Poutine ou un Kim Jong-un !
Heureusement, l’illusion commence déjà à se disperser à l’épreuve du pouvoir réel, autrement plus complexe et moins facilement manipulable qu’une bonne campagne de marketing politique.
Mais cet éloge hagiographique permanent de Macron que l’on a dû avaler tous les jours contraste d’ailleurs en tous point avec l’autre campagne de propagande anti-Le Pen, celle-là diabolisante. Quoi que l’on pense de ces deux candidats, cette élection a été marquée, du début à la fin, par une double propagande de la part de nos grands médias.
Ces quelques facteurs suffiraient déjà quasi à expliquer le phénomène EM par une approche purement « positionnement-marketing électoral », un besoin de « renouvellement », fut-il, comme c’est le cas, limité à des nouveaux visages, le tout renforcé par un soutien partisan des grands médias à notre golden boy national.
On a assisté là à un véritable culte de la personnalité, délibéré et organisé, qui pourrait presque faire pâlir d’envie un Poutine ou un Kim Jong-un !
Heureusement, l’illusion commence déjà à se disperser à l’épreuve du pouvoir réel, autrement plus complexe et moins facilement manipulable qu’une bonne campagne de marketing politique.
Mais cet éloge hagiographique permanent de Macron que l’on a dû avaler tous les jours contraste d’ailleurs en tous point avec l’autre campagne de propagande anti-Le Pen, celle-là diabolisante. Quoi que l’on pense de ces deux candidats, cette élection a été marquée, du début à la fin, par une double propagande de la part de nos grands médias.
Ces quelques facteurs suffiraient déjà quasi à expliquer le phénomène EM par une approche purement « positionnement-marketing électoral », un besoin de « renouvellement », fut-il, comme c’est le cas, limité à des nouveaux visages, le tout renforcé par un soutien partisan des grands médias à notre golden boy national.
Un concours de circonstances exceptionnel
Mais Macron a surtout élu grâce à un concours de circonstances exceptionnel dans l’Histoire de la Ve République et dans lequel il n’a strictement rien à voir.
D’abord, le candidat que tous donnait gagnant (Fillon) se saborde tout seul avec ses affaires puis sa gestion immonde et méprisable de la situation qui lui ont fait perdre une énorme partie de ses électeurs, ceux-ci allant se consoler chez En Marche.
Ensuite, Les Républicains eux-mêmes, tétanisés, commettent un spectaculaire suicide politique en ne faisant strictement rien tout en sachant pourtant que, avec Fillon, ils vont droit dans le mur.
Dans le même temps, Benoît Hamon (véritable novateur en politique) se voit trahi par son propre parti, à commencer par Manuel Valls. Hamon finira la course totalement seul, démoralisé, en rase campagne, lâché par les siens et avec, en plus, une couverture média très négative.
Ajoutez à cela le report des voix pour faire barrage à Marine Le Pen au second tour, qui a joué à plein tout comme en son temps pour Chirac face à Jean-Marie. Chacun savait bien, au fond, que Le Pen n’avait aucune chance de gagner, que les Français auraient encore préféré voter pour un chien galeux ou un singe savant, et que quiconque se trouvait face à elle au second tour était assuré de la victoire.
Enfin, le calamiteux entre-deux-tours de Marine Le Pen et son débat raté ne lui permirent pas de remonter la pente.
D’abord, le candidat que tous donnait gagnant (Fillon) se saborde tout seul avec ses affaires puis sa gestion immonde et méprisable de la situation qui lui ont fait perdre une énorme partie de ses électeurs, ceux-ci allant se consoler chez En Marche.
Ensuite, Les Républicains eux-mêmes, tétanisés, commettent un spectaculaire suicide politique en ne faisant strictement rien tout en sachant pourtant que, avec Fillon, ils vont droit dans le mur.
Dans le même temps, Benoît Hamon (véritable novateur en politique) se voit trahi par son propre parti, à commencer par Manuel Valls. Hamon finira la course totalement seul, démoralisé, en rase campagne, lâché par les siens et avec, en plus, une couverture média très négative.
Ajoutez à cela le report des voix pour faire barrage à Marine Le Pen au second tour, qui a joué à plein tout comme en son temps pour Chirac face à Jean-Marie. Chacun savait bien, au fond, que Le Pen n’avait aucune chance de gagner, que les Français auraient encore préféré voter pour un chien galeux ou un singe savant, et que quiconque se trouvait face à elle au second tour était assuré de la victoire.
Enfin, le calamiteux entre-deux-tours de Marine Le Pen et son débat raté ne lui permirent pas de remonter la pente.
Un président élu par défaut
Si la prétendue défaite de Marine Le Pen est bien une défaite en trompe-l’œil, il en est de même de la victoire d’Emmanuel Macron.
Il ne faut en effet pas oublier que celui-ci n’obtient que 24 % des votes au premier tour. Et en prenant en considération l’abstention à 23 %, c’est encore moins de Français qui l’ont réellement choisi.
Macron est certes le président légalement élu, mais sa légitimité reste faible, sans même parler de sa base sociale très limitée (cadres et professions supérieures et, dans une moindre mesure, les professions intermédiaires, soit « la France d’en haut », celle qui se porte bien). Comme toutes les études l’ont montré, l’axiome est assez simple : plus on est riche, plus on vote Macron. Moins on l’est, moins on vote pour lui. Et l’analyse détaillée, ville par ville, quartier par quartier, commune par commune, ne souffre aucune exception.
Cependant, lui et les siens s’efforcent, depuis le 7 mai, de nous faire oublier tout cela. Il n’est que de l’entendre désormais affirmer à propos de ses réformes que c’est « ce que veulent les Français » – ignoble mensonge au regard des faits rappelés ci-dessus – pour comprendre qu’il n’a que faire de ces réalités. Macron entend gouverner comme si une majorité de Français l’avaient choisi, et choisi sur son programme.
Or, il n’en est rien. Au second tour, la situation est encore pire : si l’on considère le vote ABN (abstention, blancs, nuls), qui a atteint 34 % (un record), alors ce n’est plus que 44 % des inscrits qui l’ont effectivement choisi.
Pire, parmi ses électeurs et selon leurs propres déclarations, ils ont avant tout voté pour lui par défaut : en effet, 43 % d’entre eux ont voté pour Emmanuel Macron afin de faire barrage à Le Pen, alors que seulement 16 % ont voté pour son programme (30 % pour voté pour lui « pour le renouvellement » ; 8 % « pour sa personnalité »).
Les Français qui ont voté pour le programme d’Emmanuel Macron représentent donc 16 % de 44 %, à savoir… 7 % ! Voilà le nombre de Français, bien minoritaire, qui approuvent et souhaitent véritablement la mise en œuvre de la politique de Macron. Loin des fanfaronnades, le président de la République fraîchement élu ferait bien de garder cela à l’esprit.
****
Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est maître de conférences. Il est l’auteur de nombreux articles sur la France contemporaine et la culture française.
Il ne faut en effet pas oublier que celui-ci n’obtient que 24 % des votes au premier tour. Et en prenant en considération l’abstention à 23 %, c’est encore moins de Français qui l’ont réellement choisi.
Macron est certes le président légalement élu, mais sa légitimité reste faible, sans même parler de sa base sociale très limitée (cadres et professions supérieures et, dans une moindre mesure, les professions intermédiaires, soit « la France d’en haut », celle qui se porte bien). Comme toutes les études l’ont montré, l’axiome est assez simple : plus on est riche, plus on vote Macron. Moins on l’est, moins on vote pour lui. Et l’analyse détaillée, ville par ville, quartier par quartier, commune par commune, ne souffre aucune exception.
Cependant, lui et les siens s’efforcent, depuis le 7 mai, de nous faire oublier tout cela. Il n’est que de l’entendre désormais affirmer à propos de ses réformes que c’est « ce que veulent les Français » – ignoble mensonge au regard des faits rappelés ci-dessus – pour comprendre qu’il n’a que faire de ces réalités. Macron entend gouverner comme si une majorité de Français l’avaient choisi, et choisi sur son programme.
Or, il n’en est rien. Au second tour, la situation est encore pire : si l’on considère le vote ABN (abstention, blancs, nuls), qui a atteint 34 % (un record), alors ce n’est plus que 44 % des inscrits qui l’ont effectivement choisi.
Pire, parmi ses électeurs et selon leurs propres déclarations, ils ont avant tout voté pour lui par défaut : en effet, 43 % d’entre eux ont voté pour Emmanuel Macron afin de faire barrage à Le Pen, alors que seulement 16 % ont voté pour son programme (30 % pour voté pour lui « pour le renouvellement » ; 8 % « pour sa personnalité »).
Les Français qui ont voté pour le programme d’Emmanuel Macron représentent donc 16 % de 44 %, à savoir… 7 % ! Voilà le nombre de Français, bien minoritaire, qui approuvent et souhaitent véritablement la mise en œuvre de la politique de Macron. Loin des fanfaronnades, le président de la République fraîchement élu ferait bien de garder cela à l’esprit.
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Alain Gabon, professeur des universités aux États-Unis, dirige le programme de français à Virginia Wesleyan College (université affiliée à l’Église méthodiste de John Wesley), où il est maître de conférences. Il est l’auteur de nombreux articles sur la France contemporaine et la culture française.
Du même auteur :
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