Le Mouvement justice et dignité (MJD) appelle à manifester le samedi 22 janvier à Paris. A la tête de cette association créée il y a un an, Bagdad Maata dénonce le rôle des médias dans la banalisation de l’islamophobie. Le rassemblement est prévu devant le siège de France télévisions*. Entretien avec un leader en lutte contre la gradation des racismes.
Saphirnet.info : Vous manifestez le samedi 22 janvier devant France télévisions. Qu’est ce qui motive ce choix du lieu de votre manifestation ?
Bagdad Maata : Parcque que France télévisions représente ce que l’on peut appeler les « médias de la haine ». Actuellement il y a une orientation de certains médias vers une incitation à la haine. Or France télévisions est un service public. Les contribuables que nous sommes, participons donc à son développement et à son organisation par la redevance que nous versons. En tant que contribuables, nous exigeons que France télévisions fasse son devoir. Son cahier des charges entre dans le cadre de la loi. France télévisions doit au citoyen une information réelle, pas une information islamophobe ou négrophobe...
Concrètement, comment se manifeste cette islamophobie ?
Bagdad Maata : Bien entendu, ils n’appellent pas ouvertement le téléspectateur à la haine des musulmans. Mais ils opèrent parfois par des juxtapositions d’images. Par exemple : chaque fois qu’un délit est commis, ils montrent automatiquement les banlieues. Lorsqu’un acte terroriste est commis quelque part dans le monde, l’image suivante montre des musulmans en prière ou une mosquée sinon une femme musulmane voilée. Et ces juxtapositions sont récurrentes depuis le 11 septembre 2001. Tous les jours ils nous soumettent à ce type de montages d’images.
Autre chose que vous leur reprochez ?
Bagdad Maata : Vous avez aussi le choix des mots. Nous avons le cas des présentateurs qui parlent d’attentats terroristes lorsqu’ils commentent les événements de la Palestine. Et les mêmes présentateurs nous parlent d’attentats séparatistes lorsqu’ils commentent les événements au Pays basque. Il y a donc toute cette sémantique derrière leurs propos qui fait que les Arabes sont des musulmans et les musulmans sont des islamistes et les islamistes sont des terroristes. Finalement, le téléspectateur retient que les musulmans sont des terroristes. L’équation Islam égal terrorisme s’installe de cette manière dans l’inconscient collectif.
C’est donc une manifestation contre les médias ?
Bagdad Maata : Nous ne manifestons pas contre les médias, mais nous manifestons contre certains médias. Nous n’avons rien à reprocher aux journalistes, mais nous sommes contre les journaleux. Ceux-là sont aux journalistes ce que le violoneux est au violoniste. Le journaliste a une éthique professionnelle à laquelle il se conforme. Il n’apporte pas une information, mais il apporte l’information. Mais le journaleux n’a pas de conscience professionnelle. Nous n’avons donc pas de respect pour lui.
L’an dernier, le MJD avait boycotté certains journaux jugés islamophobes. Ne pensez-vous pas que ce choix empêche les confrères d’avoir accès à l’information vous concernant ? Puisque vous leur refusez justement cette information…
Bagdad Maata : De toute façon, nous n’attendons pas grand chose de ceux que nous avons boycottés : nous savons qu’ils ne font pas correctement leur travail. Mais encore une fois, nous souhaitons la bienvenue aux journalistes à condition qu’ils rapportent les faits tels qu’ils se sont passés et non pas comme ils voudraient qu’ils se passent. Nous n’avons pas encore pris de décision de boycott cette année. Nous verrons sur le terrain. Mais nous ne voulons pas avoir affaire à des journaleux.
Avez-vous des partenaires pour cette manifestation ?
Bagdad Maata : Nous avons des associations qui viendront manifester avec nous. Nous sommes une association régie par la loi de 1901. Nous ne sommes ni une association cultuelle, ni une association musulmane, ni une association arabe. Nous sommes une association qui dénonce le racisme de quelque bord qu’il vienne. Nous dénonçons les racismes sans y mettre de gradation. Nous n’avons aucun problème à manifester avec des associations qui partagent cette philosophie.
Quand pourra-t-on parler de victoire sur l’islamophobie ? Le mot islamophobie n’existe même pas dans le dictionnaire.
Bagdad Maata : Eh bien, il faudra un jour qu’il y figure. Nous sommes aussi sur le terrain pour qu’il finisse par exister. Et nous dirons que nous avons gagné notre pari lorsque nous verrons le Président de la République dire que celui qui offense un musulman à cause de sa religion, celui-là offense toute la France. Nous aurons gagné notre pari lorsque le Président de la République dénoncera l’islamophobie de manière officielle. Actuellement, nous sommes encore au point où monsieur Baroin (ndr, François Baroin, député UMP de l’Aube) qui est pourtant député, affirme qu’il n’y a pas d’islamophobie en France. Ce qui est totalement faux. Nous le savons très bien. Donc, comme le Président de la République dénonce l’antisémitisme, nous souhaiterions qu’il dénonce l’islamophobie.
L’islamophobie n’est-elle pas un racisme comme les autres ? Qu’a-t-elle de particulier ?
Bagdad Maata : Bien sûr que l’islamophobie est un racisme. L’antisémitisme aussi est un racisme. Et il existe bien une homophobie dans ce pays. Je ne vois donc pas pourquoi on ne reconnaîtrait pas l’islamophobie. Mais la particularité de l’islamophobie est que ce racisme s’attaque à une religion. Dans nos statuts, nous avons clairement spécifié que nous ne faisons pas de hiérarchisations dans le racisme. Parce que les racismes sont équivalents. Qu’il s’exprime contre un juif, un chrétien, un musulman, un Noir, un Blanc, un Arabe… le racisme est une discrimination qui s’exprime contre un être humain. Et nous n’avons pas le droit de nous taire quant à cela !
Après cette manifestation, que prévoit le MJD ?
Bagdad Maata : Notre mouvement s’inscrit dans une logique de protestation contre tout manquement à la justice et tout manquement à la dignité humaine. Et, à compter de cette manif du 22 janvier, nous allons mettre en place un programme de manifestations pour tenir des rassemblements tous les premiers samedis du mois, à partir du mois de février. Les citoyens s’inscriront sur une liste et viendront, avec des pancartes, manifester devant France télévisions.
Certaines sources nous ont parlé d’un projet de Livre blanc contre l’islamophobie, rédigé par les soins du MJD…
Bagdad Maata : C’est fait, le livre est achevé. Nous en enverrons un exemplaire au Président de la République. Nous le remettrons au ministre de la Culture et de la Communication et au Président de France télévisions. Nous lui avons demandé audience ce samedi. Nous comptons lui remettre un exemplaire de notre Livre blanc contre l’islamophobie.
Propos recueillis par Amara Bamba
* 13 Bd Général Martial Valin
et/ou 8, rue du professeur Florian Delebarre
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