Société

Marche contre l’antisémitisme : le CFCM déplore une initiative qui n’est « pas de nature à rassembler »

Rédigé par | Mercredi 8 Novembre 2023 à 17:55

Une grande marche contre l’antisémitisme est prévue dimanche 12 novembre à Paris à l’appel des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Mais, avec la participation annoncée de partis d'extrême droite, l’initiative divise dans les rangs de la gauche. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a aussi exprimé de grandes réserves sur l'initiative.



La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, et le président du Sénat, Gérard Larcher, ont appelé, mardi 7 novembre, à une marche contre l'antisémitisme pour dimanche 12 novembre entre le palais Bourbon et le palais du Luxembourg. Les chefs des deux chambres ont invité « tous ceux qui se reconnaissent dans les valeurs de notre République » à s’y joindre. Le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen et Reconquête d’Eric Zemmour se sont précipités pour annoncer leur venue, ce qui pose problème à des élus et des partis de gauche, La France Insoumise (LFI) en particulier.

Le parti dont le groupe parlementaire est dirigé par Mathilde Panot a ainsi indiqué son refus net de répondre présent. « L’ambiguïté des objectifs de cette démarche permet les soutiens les plus insupportables », dénonce-t-il dans un communiqué. « Lutter contre l’antisémitisme et contre toutes les formes de racisme est impraticable aux côtés d’un parti qui trouve ses origines dans l’histoire de la collaboration avec le nazisme. (…) Et quelle hypocrisie de prétendre dénoncer l’antisémitisme aux côtés de responsables politiques qui ne cessent de prendre prétexte de la religion de chacun pour en faire un sujet de discrimination indigne ! », poursuit LFI.

Une gauche divisée sur la participation à la marche

En outre, estime le groupe politique, « notre pays a besoin d’initiatives qui unifient notre peuple. Il a besoin de combattre toutes les formes de racisme et d’antisémitisme. Et si l'on veut évoquer le conflit au Proche-Orient, il est nécessaire de se réunir autour des objectifs de paix pour exiger clairement un cessez-le-feu et la libération des otages à laquelle il faut travailler sans relâche ». Son leader, Jean-Luc Mélenchon, ne s'est pas privé de qualifier le rendez-vous dominical comme celui des « amis du soutien inconditionnel au massacre » à Gaza du fait de l'absence de revendication d'un cessez-le-feu humanitaire.

Du côté des partenaires de LFI au sein de la NUPES – PS, EELV et PCF –, tous ont signifié, en revanche, qu’ils y participeront malgré leurs réserves sur la présence de l’extrême droite pendant la marche à laquelle la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé sa participation.

« Nous dénonçons la montée d'actes antisémites dans le pays. Nous refusons toute instrumentalisation du conflit israélo-palestinien qui mérite tout au contraire un engagement de la France pour la paix et la justice. Nous appelons largement les citoyennes et les citoyens à marcher contre l'antisémitisme et tous les fauteurs de haine et de racisme » en réalisant « un cordon républicain permettant de distinguer dans la manifestation un cortège rassemblant tous les républicains et progressistes d'une part et le Rassemblement national et les forces d'extrême droite d'autre part, auxquels nous ne reconnaissons aucune légitimité à manifester contre l'antisémitisme », ont fait savoir les trois forces politiques dans une déclaration commune. Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher sont aussi appelés à « déclarer publiquement que les forces d'extrême droite ne sont pas les bienvenues ».

Dire non à l’antisémitisme mais aussi à toutes les formes de haine

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) et le Consistoire central de France ont appelé, pour leur part, à participer à la marche. Pour le Conseil français du culte musulman (CFCM), « cette marche qui a comme objectif exclusif de dénoncer l’antisémitisme sans un mot sur l’islamophobie n’est malheureusement pas de nature à rassembler. Elle peut en outre être interprétée par les islamophobes comme un signe d’impunité », à l’heure d’un « déferlement décomplexé de la haine des musulmans » qui s’exprime notamment « sur les réseaux sociaux et sur des médias de grande audience ». Une situation qui a suscité dernièrement l’inquiétude de la Grande Mosquée de Paris.

Dans un communiqué en date du mercredi 8 novembre, l’instance répète sa lutte inlassable contre l’antisémitisme, « un poison et une déchéance de l’esprit qu’il faut combattre sans relâche ». « Il doit en être de même pour toutes les autres formes de haine et de racisme qui sévissent actuellement, notamment à l’encontre des citoyens de confession musulmane. Aucune de ces formes ne doit être ignorée. La dignité de celles et ceux qui en sont victimes est la même, leur souffrance l’est également », ajoute-t-elle.

« Lors de la marche contre l'islamophobie du 19 novembre 2019, des responsables politiques et de cultes avaient refusé de défiler contre l'islamophobie au prétexte que figureraient dans le cortège des "islamistes". Le CFCM comprend donc la réticence des Français de confession musulmane à défiler aujourd’hui aux côtés de racistes antimusulmans déclarés et assumés », fait-on savoir.

Oui à la libération des otages mais aussi à l’arrêt des bombardements à Gaza

La marche « pour la République et contre l’antisémitisme » sera aussi une occasion d’appel à la libération par le Hamas des quelque 240 otages dont huit Français. « L’appel à la libération des otages innocents détenus à Gaza est une nécessité humanitaire. Le CFCM partage leur souffrance et leur angoisse et celles de leurs proches », indique l’organisation musulmane.

Néanmoins, « il est insoutenable de ne pas appeler en même temps à l’arrêt des bombardements aveugles qui, non seulement font des milliers de victimes dont une majorité d’enfants et de femmes, mais mettent aussi en danger la vie des otages. En outre, ne pas appeler à la levée du blocus inhumain qui asphyxie plus de deux millions de personnes détenues dans une prison qui se transforme jour après jour en un charnier, est déplorable ». Et de conclure que « le CFCM n'a pas de leçon à recevoir dans sa lutte contre l’antisémitisme et toutes les formes de haine. Il laisse à ses concitoyens la libre appréciation de participer ou non à cette marche ».

Selon le ministère de l'Intérieur, un millier d'actes antisémites ont été enregistrés en France depuis le 7 octobre, menant à 486 interpellations jusqu'à présent. Emmanuel Macron n’a pas déclaré, à ce stade, son intention ou non de participer à la marche mais le chef de l’Etat a mis en garde, mercredi 8 novembre, ceux qui « prétendent soutenir nos compatriotes de confession juive en confondant le rejet des musulmans et le soutien des juifs en refusant, ceux-là mêmes, de condamner clairement leur position passée et tous les mots définitifs d’hier ».

Le chef de l’Etat a ainsi fait référence à l’extrême droite et aux récents propos du président du RN, Jordan Bardella, qui a jugé que le fondateur du Front national Jean-Marie Le Pen n’était « pas antisémite » malgré ses nombreuses condamnations. Emmanuel Macron a aussi taclé, sans le nommer, LFI parmi ceux qui « préfèrent rester ambigus sur la question de l’antisémitisme par souci de flatter de nouveaux communautarismes ».

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur