Société

Mariage gay : ces maires qui veulent défier Hollande, quelle légalité ?

Rédigé par | Mercredi 22 Mai 2013 à 07:00

Les opposants au mariage pour tous n'ont finalement pas réussi à faire reculer François Hollande et son équipe gouvernementale dans leur volonté d'autoriser le mariage et l'adoption aux couples gays. Au lendemain de la promulgation de la loi, des maires ont affiché leur refus de l'appliquer. Mais ces derniers risquent de payer cher leur refus. Explications.



Vincent et Bruno se marient le 29 mai. Ce sera le tout premier mariage homosexuel célébré en France. Un fait inédit qui, pour marquer le coup, se fera sous l’œil des caméras et même de hauts membres du gouvernement comme sa porte-parole, Najat Vallaud-Belkacem.

La cérémonie se passera à Montpellier, sous les bons auspices de la maire PS, Hélène Mandroux, qui marie les deux hommes en vertu de la loi sur le mariage pour tous, entrée en vigueur samedi 18 mai.

Défendre le modèle familial traditionnel

Si l’édile socialiste accepte volontiers de procéder au mariage civil, il n’en vaut pas de même pour tous ses homologues de part et d’autre du pays. Ils sont nombreux à avoir signifié leur refus d’unir des couples de même sexe, en invoquant la liberté de conscience.

La pétition, lancée en septembre 2012 par le député-maire (ex-FN) d'Orange, Jacques Bompard, avait été signée par plus de 2 200 élus pour défendre fermement le modèle familial traditionnel. « C’est une loi qui touche à la structure même de notre société, en même temps qu’à la conscience de chacun. À ce titre, il n’est pas admissible qu’un élu se trouve privé de la liberté primordiale de ne pas cautionner ce qui ne correspond pas à son éthique », avaient-ils fait savoir.

La clause de conscience non introduite dans la loi

Pour éviter d’avoir à célébrer des mariages gays, ils proposaient d’inclure dans la loi « un droit au retrait, en vertu d’une clause de conscience, pour les maires et les adjoints aux maires » qui souhaitent ne pas appliquer la loi. Beaucoup émettaient par ailleurs déjà la possibilité de déléguer cette tâche qui leur incombe aux élus de leur commune qui le désirent.

Pour calmer la colère des maires, François Hollande avait reconnu la liberté de conscience des maires lors du congrès des maires de France en novembre 2012. Mais la clause de conscience n’a pas été incluse dans la loi, ce qui fait naître des doutes quant à la légalité des dérogations que voudraient s’octroyer des élus.

Tous les élus anti-mariage gay, y compris les signataires de la pétition de Jacques Bompard, n'entendent pas défier la loi. Un de leurs leaders, le député-maire UMP de Crest, Hervé Mariton, a ainsi fait savoir qu'il l'appliquera. Ce n'est pas le cas de Jacques Remiller, le maire UMP de Vienne (Isère). Il envisage même de décréter un arrêté municipal afin que les membres de l'opposition municipale de gauche se chargent de célébrer les mariages gays. « Pour moi, le mariage, c'est un homme et une femme, même si je reconnais le droit à chacun de vivre comme il l'entend », déclare-t-il, affirmant avoir écrit au chef de l’Etat pour l’appeler à « respecter sa parole ».

Des maires passibles de poursuites pour discriminations

En tant que représentants de l’Etat, les maires peuvent-ils refuser d’appliquer la loi ? Cette question, nous l’avons posée à Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux. « Les maires sont des représentants de la loi et sont tenus d’appliquer la loi sur le mariage. Je trouve logique en termes juridiques qu’on ne puisse pas autoriser des représentants de la loi à faire passer leurs convictions avant l’application de la loi puisqu’elle a été votée », nous déclare-t-elle.

« Le changement peut passer par une remise en question de la loi mais une fois qu’elle est là, il n’y a pas de marge de négociation. Sinon, c’est chacun sa loi », ajoute l’anthropologue, en référence aux arrêtés municipaux envisagés par des opposants au mariage pour tous.

« Un couple homosexuel peut porter plainte pour refus d’un service administratif pour un des 19 motifs de discriminations, l’orientation sexuelle », précise Dounia Bouzar. En cas de poursuites judiciaires, un maire refusant de célébrer un mariage gay s’exposerait ainsi à une amende de 45 000 euros et trois ans de prison. Si condamné, son refus sera cher payé.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur