Société

Mariage gay : la liberté de conscience peut-elle surpasser la loi ?

Rédigé par | Lundi 27 Mai 2013 à 06:00

Sitôt validée, sitôt promulguée. La loi ouvrant le droit au mariage et à l’adoption pour les couples de même sexe est en place en France, 14e pays au monde à l’autoriser. Des élus de la République ont toutefois fait comprendre qu’ils ne célébreront pas eux-mêmes de telles unions, contraires à leurs convictions. En tant que représentants de l’Etat, les maires peuvent-ils refuser d’appliquer la loi ? Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux et juriste de formation, répond à nos questions.




Saphirnews : Des maires ont refusé de célébrer des mariages gays en invoquant la liberté de conscience. Pouvez-vous nous dire dans quels cas celle-ci peut être invoquée ?

Dounia Bouzar : Le droit du travail encadre bien cette liberté. Le seul cas où la conscience ou la conviction d’un salarié peut passer avant la réalisation de sa mission concerne les médecins. Ils ont le droit de refuser de pratiquer un avortement dans la mesure où l’institution, le service pour lequel il travaille s’engage à lui trouver un remplaçant et à faire l’acte quand même. C’est le seul cas qui existe. A part les médecins, les consciences de tous les autres salariés ne passent jamais avant la mission.

Je ne suis pas surprise qu’on ait refusé d’intégrer une clause de conscience à la loi (réclamée par les opposants au mariage pour tous, ndlr). Les maires sont plus que des salariés, ce sont des représentants de la loi. Ils sont tenus d’appliquer la loi sur le mariage. Je trouve logique en termes juridiques qu’on ne puisse pas autoriser des représentants de la loi à faire passer leurs convictions avant l’application de la loi, puisqu’elle a été votée.

Les élus qui refuseraient d’appliquer la loi seront alors en infraction. Les arrêtés municipaux, que des maires envisagent d’émettre en vue de déléguer la tâche d’unir les homosexuels aux élus qui le désirent, sont-ils légaux ?

Dounia Bouzar : Le changement peut passer par une remise en question de la loi mais une fois qu’elle est là, il n’y a pas de marge de négociation. Leur conscience passe forcément après leur mission. Sinon, c’est chacun sa loi. Chaque maire ferait la sienne selon sa conscience.

Certains pourraient alors vouloir ne pas marier des musulmans (des cas ont été constatés à Lyon, à Seyne-sur-Mer et à Marseille, ndlr) ou n’importe quelle autre personne qui les dérangerait. (..) Ce serait problématique.

Que risquent-ils ? Sur quelles bases peuvent-ils être poursuivis ?

Dounia Bouzar : Un couple homosexuel peut porter plainte pour refus d’un service administratif pour un des 19 motifs de discriminations, l’orientation sexuelle, interdits par le Code pénal. C’est une discrimination directe. L’élu devient délinquant. (…) Une personne physique s’expose à une amende maximale de 45 000 euros et une peine de trois ans de prison.

Y compris si le maire trouve un remplaçant ?

Dounia Bouzar : On ne pourra jamais contrôler les tambouilles internes. Si jamais ils (les élus) se répartissent entre eux les rôles, on ne pourra pas vérifier. (…) Mais si la demande de dérogation du maire est officielle, il valide l’idée que des élus puissent refuser un mariage en raison de l’orientation sexuelle des mariés et il se rend coupable de discriminations.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur