Mayotte souffre, brûle et chasse. Mayotte souffre d’une colonisation qui ne dit pas son nom et d’une départementalisation qui n’est pas encore effective. Mayotte est prise en tenailles entre les eaux troubles d’une République qui fuit ses responsabilités et les vœux pieux d’égalité qui tardent à venir pour construire le quotidien de la jeunesse mahoraise.
En fait, Mayotte s’inscrit dans ce continuum colonial qui a toujours entretenu la souffrance des populations comme gage de survie et qui a orchestré l'instrumentalisation de la différence comme facteur de stabilisation. L’histoire commune et la proclamation l'indépendance avaient créé le Comorien… La colonisation a créé le Mahorais contre le Comorien. Comment pourrions-nous oublier que la situation actuelle prend racine dans cette indépendance spoliée lors de la consultation du 22 décembre 1974 sur l’indépendance des Comores, où près de 95 % des suffrages exprimés sur l’ensemble des quatre îles des Comores avaient en conscience opté pour l’indépendance ?
Furieuse et vexée, la France avait recherché par tous les moyens à invalider les résultats en activant certains réseaux d’extrême droite (notamment l’Action Française avec Pierre Pujo), et en envoyant au front des milices organisées (les chatouilleuses et les bastonneurs), pour étouffer dans l’œuf toute tentative de contestation. Un caprice colonial condamné par toutes les institutions internationales.
En fait, Mayotte s’inscrit dans ce continuum colonial qui a toujours entretenu la souffrance des populations comme gage de survie et qui a orchestré l'instrumentalisation de la différence comme facteur de stabilisation. L’histoire commune et la proclamation l'indépendance avaient créé le Comorien… La colonisation a créé le Mahorais contre le Comorien. Comment pourrions-nous oublier que la situation actuelle prend racine dans cette indépendance spoliée lors de la consultation du 22 décembre 1974 sur l’indépendance des Comores, où près de 95 % des suffrages exprimés sur l’ensemble des quatre îles des Comores avaient en conscience opté pour l’indépendance ?
Furieuse et vexée, la France avait recherché par tous les moyens à invalider les résultats en activant certains réseaux d’extrême droite (notamment l’Action Française avec Pierre Pujo), et en envoyant au front des milices organisées (les chatouilleuses et les bastonneurs), pour étouffer dans l’œuf toute tentative de contestation. Un caprice colonial condamné par toutes les institutions internationales.
Ce que la colonisation a fait de l’image du Comorien
Durant ces 40 dernières années d’occupation, la néo-colonisation a affirmé que les Comoriens ne parlaient pas la même langue, qu’ils n’appartenaient pas au même peuple et ne partageaient point le même espace culturel. La colonisation a insufflé le poison de la division. Et même si la population mahoraise est l’une des plus métissées des îles de l’océan Indien, le « Comorien » est devenu au fil des décennies, le visage de la précarité, de la perte de revenu, de l'explosion de la délinquance juvénile, de la taxation foncière, de la pression fiscale. Bref, le visage du mal et la cause première de tous les problèmes de la vie des habitants de Mayotte.
Le Comorien est devenu « l’étranger » de l’intérieur, celui qui porte en lui toutes les frustrations d’un avenir compromis et toutes les peurs d’une population acculée par la misère sociale. Drôle de République, à 8 000 kilomètres de Paris qui gère cette île comme elle aurait pu administrer jadis un comptoir colonial. Et ces expulsions de femmes et d’enfants, pour l’écrasante majorité, sous la pression du feu, des machettes et des coups, représentent aujourd'hui l’expression la plus vive de cette haine fabriquée à l’encontre des Comoriens.
Mayotte brûle socialement et économiquement sans pouvoir prétendre à un avenir meilleur. Les boucs émissaires désignés doivent alors obligatoirement comparaitre devant la justice populaire pour répondre à toutes les déceptions d'un peuple délaissé, abandonné par les autorités successives, de gauche ou de droite, et même comoriennes, qui toutes ont été incapables de résoudre le problème de la misère du peuple comorien.
Le Comorien est devenu « l’étranger » de l’intérieur, celui qui porte en lui toutes les frustrations d’un avenir compromis et toutes les peurs d’une population acculée par la misère sociale. Drôle de République, à 8 000 kilomètres de Paris qui gère cette île comme elle aurait pu administrer jadis un comptoir colonial. Et ces expulsions de femmes et d’enfants, pour l’écrasante majorité, sous la pression du feu, des machettes et des coups, représentent aujourd'hui l’expression la plus vive de cette haine fabriquée à l’encontre des Comoriens.
Mayotte brûle socialement et économiquement sans pouvoir prétendre à un avenir meilleur. Les boucs émissaires désignés doivent alors obligatoirement comparaitre devant la justice populaire pour répondre à toutes les déceptions d'un peuple délaissé, abandonné par les autorités successives, de gauche ou de droite, et même comoriennes, qui toutes ont été incapables de résoudre le problème de la misère du peuple comorien.
L’ambiguïté de la France face à la situation
Aujourd'hui plus que jamais, la question de Mayotte reste explosive. Les responsables politiques de France comme ceux des Comores, qui feignent de ne pas voir ces milliers de malheureux et de morts engloutis par des vagues successives du mépris et de la trahison, ne doivent plus se boucher le nez ! Ces responsables politiques ne doivent plus rester insensibles à ces visages d'enfants dormant à même le sol, criant leur désarroi, leur désespoir face à une République prompte à condamner par le verbe et incapable d'arrêter ces exactions punitives dans les rues de Tsimkoura, de Poroani, de Mbouini, de Choungui, de Mtsangamboua, de Koungoun et de Bouéni.
Mayotte chasse son mal en renvoyant des hommes, des femmes et des enfants comoriens apeurés, hors des villages. Le mode opératoire est simple mais d’une redoutable efficacité. Rentrer dans les maisons de fortune (bangas), détruire les habitations, agresser verbalement ou physiquement les personnes présentes sans aucune distinction et donner comme consigne claire la valise ou le cercueil… Mayotte chasse en meute ses immigrés car, comme l’affirme le porte-parole du gouvernement Stéphane le Foll, l’immigration comorienne serait un problème ! Alors comment condamner ceux qui, conscients du « problème », décident de l’expulser, diront certains ?
Toute l’ambiguïté de la présence française sur cette île comorienne est donc là, incarnée d’une part par cette position tranchante qui justifie implicitement les expulsions et, d’autre part, par le communiqué des ministres de l’Intérieur et de l’Outre-mer qui condamnent ces agissements, en annonçant des poursuites judiciaires. Une duplicité déconcertante où la fermeté de l’Etat, face à des actes xénophobes, épouse les thèses les plus rances d’une immigration comorienne responsable de cette situation. Devant cette explosion de xénophobie, les mots ne suffiront pas à ramener le calme et la sérénité dans une ile gangrenée par la violence, la misère, le chômage, et le désespoir.
Mayotte chasse son mal en renvoyant des hommes, des femmes et des enfants comoriens apeurés, hors des villages. Le mode opératoire est simple mais d’une redoutable efficacité. Rentrer dans les maisons de fortune (bangas), détruire les habitations, agresser verbalement ou physiquement les personnes présentes sans aucune distinction et donner comme consigne claire la valise ou le cercueil… Mayotte chasse en meute ses immigrés car, comme l’affirme le porte-parole du gouvernement Stéphane le Foll, l’immigration comorienne serait un problème ! Alors comment condamner ceux qui, conscients du « problème », décident de l’expulser, diront certains ?
Toute l’ambiguïté de la présence française sur cette île comorienne est donc là, incarnée d’une part par cette position tranchante qui justifie implicitement les expulsions et, d’autre part, par le communiqué des ministres de l’Intérieur et de l’Outre-mer qui condamnent ces agissements, en annonçant des poursuites judiciaires. Une duplicité déconcertante où la fermeté de l’Etat, face à des actes xénophobes, épouse les thèses les plus rances d’une immigration comorienne responsable de cette situation. Devant cette explosion de xénophobie, les mots ne suffiront pas à ramener le calme et la sérénité dans une ile gangrenée par la violence, la misère, le chômage, et le désespoir.
Vers la balkanisation de Mayotte
La France devra tôt ou tard se conformer au droit international et retrouver les chemins de la raison devant la gravité de la situation qui pourrait bien finir tragiquement par la balkanisation de Mayotte. Les Comores devront également prendre leurs responsabilités en améliorant les conditions de vie de leurs populations afin qu’elles ne bravent plus la mort pour se donner une raison de vivre et d’espérer.
Sous ce chaos mahorais, des solutions existent. Elles commencent par une prise en charge de ces populations en situation d’urgence et par la mise en place d’une mission parlementaire travaillant main dans la main avec les parlementaires comoriens, afin de ne plus accepter que, sur ce territoire, la violence devienne la seule issue. Les associations présentes sur le terrain devront également être accompagnées pour répondre à la détresse de ces familles livrées à la vindicte populaire. Mais sans réponse politique forte de la France et des Comores, la situation ira de mal en pis. Des expulsions, des exactions et des morts...
Si rien ne change des vies cassées, éteintes, viendront inexorablement s’échouer sur ces rives du désespoir et de la désolation sans pour autant arrêter ces drames de « kwassa » qui constituent, dans une cruelle indifférence, le plus grand cimetière marin du monde.
*****
Nassurdine Haidari est ancien élu socialiste et président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) dans la région PACA.
Sous ce chaos mahorais, des solutions existent. Elles commencent par une prise en charge de ces populations en situation d’urgence et par la mise en place d’une mission parlementaire travaillant main dans la main avec les parlementaires comoriens, afin de ne plus accepter que, sur ce territoire, la violence devienne la seule issue. Les associations présentes sur le terrain devront également être accompagnées pour répondre à la détresse de ces familles livrées à la vindicte populaire. Mais sans réponse politique forte de la France et des Comores, la situation ira de mal en pis. Des expulsions, des exactions et des morts...
Si rien ne change des vies cassées, éteintes, viendront inexorablement s’échouer sur ces rives du désespoir et de la désolation sans pour autant arrêter ces drames de « kwassa » qui constituent, dans une cruelle indifférence, le plus grand cimetière marin du monde.
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Nassurdine Haidari est ancien élu socialiste et président du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN) dans la région PACA.
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