Société

Menteur Menteur !

Rédigé par Zaïri Rachid | Lundi 21 Juillet 2003 à 00:00

Rien ne va plus pour Georges Bush et Tony Blair. Avec le suicide présumé de l’expert en armement David Kelly, le ministre britannique est sommé d'expliquer à son opinion publique pourquoi les troupes de la coalition en Irak n'ont toujours pas trouvé d'armes de destruction massive, tandis que Georges Bush subit une descente aux enfers causée par ses déclarations controversées pour obliger son pays à mener la guerre contre le régime irakien.



Rien ne va plus pour Georges Bush et Tony Blair. Avec le suicide présumé de l’expert en armement David Kelly, le ministre britannique est sommé d'expliquer à son opinion publique pourquoi les troupes de la coalition en Irak n'ont toujours pas trouvé d'armes de destruction massive, tandis que Georges Bush subit une descente aux enfers causée par ses déclarations controversées pour obliger son pays à mener la guerre contre le régime irakien.

 

Tout semble partir d'une courte phrase de seize mots contenue dans le discours sur l'état de l'Union prononcé par George Bush le 28 janvier dernier : le président, citant un renseignement britannique, affirmait que l'Irak avait cherché à se procurer de l'uranium à des fins militaires au Niger et que par conséquent Saddam Hussein ne méritait que la guerre. Plus précisément, le président américain expliquait que l'Irak avait tenté d'acheter 500 tonnes d'oxyde d'uranium au Niger, pouvant servir dans la fabrication de l'arme atomique. Le secrétaire d'Etat Colin Powell avait alors remis des documents à l'Organisation des Nations unies (ONU) pour étayer ces accusations…

Mais l'histoire de l'uranium était un mensonge, et depuis l'an passé déjà, beaucoup de responsables américains le savaient. En effet, dès le 7 mars, tout cet édifice s'effondrait. Le directeur général de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradei, annonçait que les dossiers remis contenaient de grossières falsifications...

La vérité remonte aujourd’hui, de plus en plus, à la surface, à tel point que la Maison Blanche a reconnu, il y a une semaine, que le fait d'avoir mentionné de tels propos avait été une erreur…

 

Retour sur la fabrication d’un mensonge international

 

Le premier trimestre de cette année a été fortement marqué par une tension diplomatique majeure. L’Irak était suspecté par les Etats-Unis de détenir des armes de destruction massive (ADM) et constituait, par conséquent, une menace pour toute la planète. Des mesures ont donc été prises au Conseil de sécurité de l’ONU et une équipe d’inspecteurs en désarmement s’était dépêchée sur place pour trouver ces armes. Après quelques semaines et de nombreux rapports, rien ne rendait véridiques les accusations de Washington. Pourtant la détermination américaine pour intervenir en Irak n’avait cessé de s’amplifier et la recherche de preuves pour justifier une intervention s’accélérait rapidement. L’opinion mondiale, étant contre le recours à la force, avec à sa tête 'la vieille Europe', a exigé au Conseil de sécurité une poursuite des inspections, conformément à la résolution 1441 de l'ONU.

 

C’est le 28 janvier durant le discours sur l’état de l’Union que le président Bush expliquait que l'Irak avait tenté d'acheter 500 tonnes d'oxyde d'uranium au Niger, pouvant servir dans la fabrication d'armes atomiques. Par la suite, le secrétaire d'Etat Colin Powell avait alors remis des documents à l'Organisation des Nations unies (ONU) pour étayer ces accusations. Dans son intervention au Conseil de sécurité, M. Powell déclarait : 'Saddam Hussein a entrepris des recherches sur des douzaines d'agents biologiques provoquant des maladies telles que la gangrène gazeuse, la peste, le typhus, le choléra, la variole et la fièvre hémorragique.'

Reprises et amplifiées par les grands médias, transformées en organes de propagande, toutes ces dénonciations ont été répétées par les réseaux de télévision Fox News, CNN et MSNC, la chaîne de radio Clear Channel (1 225 stations aux Etats-Unis) et même des journaux prestigieux comme le Washington Post ou le Wall Street Journal. A travers le monde, ces accusations mensongères ont constitué l'argument principal de tous les va-t-en-guerre.

En France, par exemple, elles furent reprises sans hésitations par des personnalités comme Pierre Lelouche, Bernard Kouchner, Yves Roucaute, Pascal Bruckner, Guy Millière, André Glucksmann, Alain Finkielkraut, Pierre Rigoulot, etc.

 

 

Ces accusations furent également répétées par tous les alliés de M. Bush. Devant la Chambre des communes à Londres, le 24 septembre 2002, son allié Tony Blair, premier ministre britannique, affirmait : 'L'Irak possède des armes chimiques et biologiques. (...) Ses missiles peuvent être déployés en 45 minutes.' 'Nous croyons que Saddam Hussein a, en fait, reconstitué des armes nucléaires ', soutenait le vice-président Cheney en mars 2003 à la veille de la guerre. M. José Maria Aznar, président du gouvernement espagnol, qui, aux Cortés de Madrid, le 5 février 2003, certifiait : 'Nous savons tous que Saddam Hussein possède des armes de destruction massive. (...) Nous savons tous également qu'il détient des armes chimiques'. Quelques jours auparavant, le 30 janvier, exécutant une commande formulée par M. Bush, M. Aznar avait rédigé une déclaration de soutien aux Etats-Unis, la 'Lettre des Huit', signée entre autres par MM. Blair, Silvio Berlusconi et Vaclav Havel. Ils y affirmaient que 'le régime irakien et ses armes de destruction massive représentent une menace pour la sécurité mondiale'.

 

De vives réactions face aux Accusations Destructrices Massives (ADM) !

 

Les partisans de l'intervention armée en Irak sont accusés d'avoir exagéré les menaces présentées par le régime de Saddam Hussein pour entrer en guerre contre Bagdad. Le fait qu'aucune arme de destruction massive ni de preuve de lien entre l'ancien régime et Oussama ben Laden n'ait été découvert en Irak, a suscité de vives réactions. En effet, l'équipe de 1 400 inspecteurs de l'Iraq Survey Group que dirige le général Dayton n'a toujours pas trouvé l'ombre du début d'une preuve.

 

Nous découvrons aujourd'hui que, au moment même où M. Bush lançait de telles accusations, il avait déjà reçu des rapports de ses services d'intelligence démontrant que tout cela était faux. Selon Mme Jane Harman, représentante démocrate de Californie, nous serions en présence de 'la plus grande manoeuvre d'intoxication de tous les temps'. Le 7 mars, le directeur général de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradei, annonçait que les dossiers remis contenaient de grossières falsifications. Dans un entretien publié par l'hebdomadaire portugais 'Visao', le chef des inspecteurs en désarmement de l'ONU, Hans Blix, a confié être arrivé à la conclusion que les informations fournies par les services de renseignement des Etats-Unis et d'autres pays 'n'étaient pas solides'.

 

Scandalisé par ces manipulations, et s'exprimant sous le nom de Veteran Intelligence Professionals for Sanity, un groupe anonyme d'anciens experts de la CIA et du département d'Etat a affirmé le 29 mai, dans un mémorandum adressé au président Bush, que dans le passé des renseignements avaient 'déjà été faussés pour des raisons politiques, mais jamais de façon aussi systématique pour tromper nos représentants élus afin d'autoriser une guerre'.

 

Le journaliste de la BBC, spécialiste des questions de défense, affirmait que le dossier publié en septembre dernier sur l'arsenal irakien par le gouvernement de Tony Blair avait été délibérément « gonflé ». Il précisait notamment que la mention selon laquelle le régime de Saddam Hussein pouvait déployer ses armes chimiques et biologiques dans un délai de 45 minutes, avait été ajoutée en dernière instance, contre l'avis des services de renseignement. Dans le New York Times, l'ancien ambassadeur américain en Irak, Joseph Wilson assure que la Maison Blanche a forgé volontairement ces conclusions pour 'justifier la guerre'.

 

 

Reconnaissances et conséquences

 

Le président des Etats-Unis a donc menti. Cherchant désespérément une preuve pour contourner l'ONU et rallier à son projet de conquête de l'Irak quelques complices (Royaume-Uni, Espagne), M. Bush n'a pas hésité à fabriquer l'un des plus grands mensonges d'Etat.

 

M. Wolfowitz, n°2 de la défense américaine, a reconnu ce mensonge. Il a avoué que la décision de mettre en avant la menace des ADM pour justifier une guerre préventive contre l'Irak avait été adoptée 'pour des raisons bureaucratiques'. 'Nous nous sommes entendus sur un point, a-t-il précisé, les armes de destruction massive, parce que c'était le seul argument sur lequel tout le monde pouvait tomber d'accord'.

 

Le directeur de la CIA, George Tenet, a comparu à huis clos devant la commission sénatoriale du renseignement pour l'interroger sur la fausse allégation sur le programme nucléaire irakien contenue dans un discours présidentiel avant la guerre en Irak. 'Il est absolument vital que nous établissions la vérité', a commenté avant l'audience la sénatrice républicaine du Maine, Olympia Snowe, insistant sur la nécessité de 'reconstituer le puzzle' pour savoir comment cette assertion erronée avait fait son chemin jusqu'au discours annuel sur l'état de l'Union, prononcé le 28 janvier par le président George W. Bush devant les deux chambres du Congrès.

 

Aujourd'hui, le président américain est face à la polémique pour ses déclarations controversées concernant les tentatives irakiennes d'achat d'uranium. En Grande-Bretagne, Tony Blair fait, lui aussi, les frais de la polémique suscitée par les introuvables armes de destruction massive. Avec le suicide présumé de l’expert en armement, David Kelly, retrouvé mort vendredi 18 juillet, cette polémique risque de devenir une crise politique sans précédent en Grande Bretagne.  Les deux hommes perdent de plus en plus de crédibilité. La cote de popularité de M. Bush a chuté de 74% en avril dernier à 53% actuellement, selon un sondage du magazine Newsweek. Une enquête d'opinion conduite la semaine dernière montrait que les deux tiers des électeurs considéraient que M. Blair les avait trompés sur les raisons d'aller en guerre.

 

Après le scandale de l'« Irangate » (vente clandestine d'armes à Téhéran pour financer la guérilla au Nicaragua), une commission avait été nommée afin d'empêcher ce genre de dérives. Son rapport affirmait que le processus démocratique est perverti quand le renseignement est manipulé pour influencer les décisions des élus et du public. Y aura-t-il une autre commission ? Dira-t-on Irakgate ?