Je peux disserter à l’envi sur la pertinence ou non de l’état d’urgence. Évoquer doctement les processus de radicalisation des jeunes. Dénoncer avec force les dérives communautaires et les demandes d’accommodements bien moins raisonnables qu’il n’y paraît. Rappeler avec emphase les choix politiques hasardeux, les nombreuses injustices sociales qui en découlent et sous-tendent ces phénomènes. Appeler à une lecture du Coran intégrant avec enthousiasme les sciences humaines. Souscrire sans retenue à la laïcité telle qu’elle s’exprime en France depuis 1882. Me considérer pleinement citoyen. Aimer cette terre. Être profondément meurtri par tous ces actes qui ont ensanglanté notre pays. Et estimer que la sécurité pour toutes et tous est une nécessité que doit prendre en charge la force publique.
Pour autant, je ne peux pas rester insensible aux injustices qui se multiplient et qui touchent au quotidien des « musulmans » ordinaires. Certains de nos concitoyens se sont saisis de la situation d’exception que nous vivons pour laisser libre cours aux plus vils de leurs instincts d’exclusion. Ainsi, de pesantes tracasseries administratives, d’amères humiliations et la répétition d’insultes dans l’espace public sont le fait de citoyens ordinaires s’improvisant grands résistants face à de supposées hordes musulmanes sanguinaires. En réalité, leurs voisins, leurs collègues de travail ou de simples usagers de nos services publics.
Ce n’est pas une érudite analyse que je voudrais vous soumettre aujourd’hui mais un simple fait qui témoigne, s’il en était besoin, du climat délétère qu’encouragent tant les islamistes radicaux que les xénophobes invétérés. Et qui fait le jeu de tous les agités communautaires.
Pour autant, je ne peux pas rester insensible aux injustices qui se multiplient et qui touchent au quotidien des « musulmans » ordinaires. Certains de nos concitoyens se sont saisis de la situation d’exception que nous vivons pour laisser libre cours aux plus vils de leurs instincts d’exclusion. Ainsi, de pesantes tracasseries administratives, d’amères humiliations et la répétition d’insultes dans l’espace public sont le fait de citoyens ordinaires s’improvisant grands résistants face à de supposées hordes musulmanes sanguinaires. En réalité, leurs voisins, leurs collègues de travail ou de simples usagers de nos services publics.
Ce n’est pas une érudite analyse que je voudrais vous soumettre aujourd’hui mais un simple fait qui témoigne, s’il en était besoin, du climat délétère qu’encouragent tant les islamistes radicaux que les xénophobes invétérés. Et qui fait le jeu de tous les agités communautaires.
L'histoire de Momo Roots
Momo Roots est originaire du Maroc. Musulman pratiquant, il mène une honnête carrière artistique en France depuis de nombreuses années sous l’égide d’un style musical métissé qu’il définit comme du Reggae Gnawa. De nombreux concerts en France mais aussi à l’étranger. Des textes appelant à la paix et au respect de l’Autre.
Des actes forts comme la défense active de la synagogue de Montfermeil, en 2005, au plus fort des événements des banlieues. Un premier album puis un second qui devait paraître fin 2014. Mais voilà, sa maman, âgée de 74 ans, fait en octobre de cette année-là une rupture d’anévrisme.
Dans le coma, elle est prise en charge au centre hospitalier Sainte-Anne. Depuis le premier jour, Momo Roots force mon admiration. Il ne quitte jamais sa mère. Il dort dans sa voiture garée sur le parking de l’hôpital et passe toutes ses journées auprès d’elle. Des membres du personnel sont touchés par son comportement exemplaire. Mais Momo Roots agace aussi. Il s’inquiète pour la santé de sa maman, interroge beaucoup, interpelle parfois sur les traitements administrés ou des prises en charge thérapeutique qui, à ses yeux, semblent tarder à se mettre en place.
Des actes forts comme la défense active de la synagogue de Montfermeil, en 2005, au plus fort des événements des banlieues. Un premier album puis un second qui devait paraître fin 2014. Mais voilà, sa maman, âgée de 74 ans, fait en octobre de cette année-là une rupture d’anévrisme.
Dans le coma, elle est prise en charge au centre hospitalier Sainte-Anne. Depuis le premier jour, Momo Roots force mon admiration. Il ne quitte jamais sa mère. Il dort dans sa voiture garée sur le parking de l’hôpital et passe toutes ses journées auprès d’elle. Des membres du personnel sont touchés par son comportement exemplaire. Mais Momo Roots agace aussi. Il s’inquiète pour la santé de sa maman, interroge beaucoup, interpelle parfois sur les traitements administrés ou des prises en charge thérapeutique qui, à ses yeux, semblent tarder à se mettre en place.
Exclu de l'hôpital pour avoir psalmodié du Coran
Assez vite, il a le sentiment que la psalmodie du Coran à mi-voix qu’il dispense à sa maman la soulage. À l’issue de deux mois de coma, elle reprend connaissance. Un lent retour à la vie s’opère. La main de son fils posée sur elle la réconforte. Momo Roots est toujours auprès de sa mère, premier témoin de chacun de ses infimes progrès.
Aujourd’hui, elle reconnaît les siens et arrive à parler, un peu. À tort ou à raison, Momo Roots est toujours persuadé que ses prières et sa psalmodie contribuent directement à son rétablissement. Mais cette pratique n’est définitivement pas du goût de tout le monde dans le service.
Quelques jours avant Noël 2015, la sanction tombe : il n’est plus le bienvenu dans l’établissement. Ses visites sont limitées à deux heures par jour. Un martyr pour celui qui accompagne au plus près sa maman depuis près de quinze mois. Et un véritable choc lorsqu’il découvre, par confidence, le mail à l’origine de sa mise à l’écart, daté du 20 octobre 2015 :
« Je pense qu’il faut intervenir de façon urgente et interdire l’accès à l’hôpital à cet individu. D’ailleurs, je l’ai vu dimanche soir prier à haute voix dans la chambre de sa mère à 21 h !!!!! Pas de laisser aller avec les terroristes qui qu’ils soient ! Courage pour l’équipe. »
Aujourd’hui, elle reconnaît les siens et arrive à parler, un peu. À tort ou à raison, Momo Roots est toujours persuadé que ses prières et sa psalmodie contribuent directement à son rétablissement. Mais cette pratique n’est définitivement pas du goût de tout le monde dans le service.
Quelques jours avant Noël 2015, la sanction tombe : il n’est plus le bienvenu dans l’établissement. Ses visites sont limitées à deux heures par jour. Un martyr pour celui qui accompagne au plus près sa maman depuis près de quinze mois. Et un véritable choc lorsqu’il découvre, par confidence, le mail à l’origine de sa mise à l’écart, daté du 20 octobre 2015 :
« Je pense qu’il faut intervenir de façon urgente et interdire l’accès à l’hôpital à cet individu. D’ailleurs, je l’ai vu dimanche soir prier à haute voix dans la chambre de sa mère à 21 h !!!!! Pas de laisser aller avec les terroristes qui qu’ils soient ! Courage pour l’équipe. »
Les sacrifiés d'un moment de notre histoire
Depuis, Momo Roots essaye de faire transférer en vain sa maman dans un autre hôpital. Il a le sentiment que sa santé se dégrade. Victimes expiatoires d’une justice hospitalière à l’emporte-pièce, qui voit dans un fils attentionné un visage de la barbarie, Momo Roots et sa maman sont les sacrifiés d’un moment de notre histoire où chacun croît pouvoir impunément dicter sa loi.
Si, en cette période trouble, l’État a toute légitimité à prendre des mesures appropriées pour assurer la sécurité des populations dont il a la charge, il a aussi le devoir de réparer, au plus tôt, les injustices flagrantes perpétrées par des apprentis sorciers qui dénaturent son action et génèrent de légitimes ressentiments.
*****
Première publication de l'article dans Le Plus le 23 janvier 2016.
Si, en cette période trouble, l’État a toute légitimité à prendre des mesures appropriées pour assurer la sécurité des populations dont il a la charge, il a aussi le devoir de réparer, au plus tôt, les injustices flagrantes perpétrées par des apprentis sorciers qui dénaturent son action et génèrent de légitimes ressentiments.
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Première publication de l'article dans Le Plus le 23 janvier 2016.
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