Points de vue

Moralité, l’ascenseur politique n’est pas en panne !

Rédigé par Iyad Abbara | Mercredi 9 Mai 2007 à 21:47

En finir avec « la société de castes et de ghettos » pour aller vers « une société ouverte, offrant des chances de rattrapage à ceux qui ont manqué la première marche ». Voilà un bel objectif exprimé par M. François Bayrou dans un texte de la motion d'orientation politique de l’UDF datée de fin décembre 2005 et dont il a fait l’un des thèmes de sa campagne présidentielle.



M. Bayrou est revenu sur ce thème à plusieurs reprises et d’une manière symbolique en assénant ses critiques au système de l’ENA. Ainsi, dans un déplacement à Reims le 02 avril, il déclare : « Il n'est pas sain que tous les responsables de la haute fonction publique et de pans entiers du secteur privé sortent du même moule ». M. Bayrou voulait ouvrir l’accès à ces hautes fonctions à d’autres voies et pour des personnes ayant fait leurs preuves. Il était persuadé que cette réforme changerait les mentalités et permettrait à une personne qui a le potentiel de « commencer comme ouvrier dans une entreprise et de finir PDG ». M. Bayrou pensait à l’Allemagne où M. Gerhard Schröder avait commencé comme ouvrier pour finir comme chancelier de l’état allemand.

M. Sarkozy, avocat de formation, n’a pas tardé de répondre avec ironie à M. Bayrou : « En ce qui me concerne, je ne suis ni énarque ni agrégé, ça me permet de ne pas être démagogique », par allusion au fait que Ségolène Royal est diplômée de l'ENA, et François Bayrou, agrégé de lettres.

M. Bayrou a-t-il raison ? L’ascenseur politique, une variante de l’ascenseur social, est-il vraiment bloqué ? Dans la République Française, tout citoyen (homme ou femme), a-t-il la même chance, en fonction de son potentiel, son travail et son mérite, d’accéder à des hautes fonctions de l’Etat ou à des postes de haute responsabilité et de décision politique quelque soit son origine, sa confession et sa formation initiale ?


Si on considère un groupe de personnes de nationalité française et identifiées par une caractéristique propre comme la religion, le pays ou la région d’origine, une langue et une culture, l’appartenance à une ethnie etc., un groupe communément appelé « communauté », quelle est la probabilité que cette communauté voie ses enfants emprunter l’ascenseur politique et monter aux étages supérieurs ? Quels sont les éléments intrinsèques, ne dépendant que de cette communauté, qui influent la montée de cet ascenseur politique ?


J’émets l’hypothèse que cette probabilité « P » est gouvernée par trois lois intrinsèques :
1. La loi du nombre : « P » croit proportionnellement au nombre de personnes d’une communauté. Autrement dit, plus les membres d’une communauté sont nombreux plus il y a de la chance que l’un d’eux parvient à monter avec succès.
2. La loi du temps : « P » augmente avec le temps d’installation d’une communauté en France. Autrement dit, plus l’ancienneté de l’installation ou le nombre de générations d’une communauté en France est grand, plus il y a de la chance que l’un de ses membres parvient à monter avec succès.
3. La loi de l’intellect : « P » augmente avec le niveau d’intellect. Autrement dit, plus des membres d’une communauté acquièrent des hauts niveaux études, des compétences et des expériences professionnelles, plus il y a de la chance que l’un d’eux parvient à monter avec succès.


Examinons maintenant les faits dans notre société française. Arrêtons-nous d’abord sur le cas de M. Nicolas Sarkozy. N’est il pas la preuve que l’ascenseur politique en France n’est pas en panne ? Voici un résumé de sa vie et de son ascension extrait de l’encyclopédie Wikipédia.

Nicolas Sarkozy est le fils d’un immigré hongrois, Paul Sarkozy de Nagy-Bocsa, issu d’une famille de la petite noblesse hongroise. Contraint à l’exil à l’arrivée de l’Armée rouge en Hongrie, Paul Sarkozy arrive en France en 1948. Il se marie en 1949 d’une fille de médecin parisien, juif séfarade convertie au catholicisme. Le petit Nicolas voit le jour à Paris en 1955.

Le jeune Nicolas commence ses études de collège au lycée public Chaptal. Il y redouble sa sixième, puis entre au lycée privé Saint-Louis de Monceau. Il obtient le Bac B en 1973 et sa famille s’installe à Neuilly Sur Seine. Après des études universitaires, il obtient une maîtrise de droit privé en 1978 et il soutient un mémoire de DEA en 1981. Entre 1979 et 1981 il entre à l’Institut d’études politiques à Paris mais il échoue à obtenir le diplôme de fin d’études à cause de notes éliminatoires en anglais. En 1981 il réussit à passer le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA).


M. Nicolas Sarkozy est donc un enfant de la deuxième génération issue de l’immigration. Mais c’est un enfant de la République et la République le reconnaît comme un citoyen français à part entière. Et cette reconnaissance de la République est d’autant plus forte que M. Sarkozy n’appartient pas à une grande communauté installée en France depuis plusieurs générations, et ses parents ou grands parents n’ont pas combattu sous le drapeau français et n’ont pas payé de leur sang la liberté des français.

Et comme nous venons de voir, M. Nicolas Sarkozy a fait un parcours scolaire d’un élève moyen et a poursuivi avec des études universitaires pour atteindre et dépasser le niveau de « Bac+5 ». Cependant, c’était un parcours classique, le parcours de dizaines de milliers d’étudiants. Mais cela n’a pas empêché la République de lui reconnaître son potentiel, ses talents, son travail et son mérite.

La preuve est dans son ascension politique :
- Maire de Neuilly-sur-Seine à 28 ans de 1983 à 2002.
- Député des Hauts-de-Seine (6ème circonscription) de 1988 à 2002.
- Ministre du Budget (1993-1995) et de la Communication (1994-1995).
- Ministre de l'Intérieur (2002/2004).
- Ministre d’Etat, ministre l’Economie, des Finances et de l’Industrie (2004).
- Elu Président du Conseil Général des Hauts-de-Seine le 1er avril 2004.
- Elu président de l’UMP le 28 novembre 2004.
- De mai 2005 à mars 2007, ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du Territoire.
- Candidat UMP à l'élection présidentielle (14/01/07).
- Monsieur Sarkozy vient enfin d’être élu Président de la République Française.

Le cas de M. Sarkozy démontre bien que l’ascenseur politique fonctionne bien, et très bien même, dans la République Française. C’est d’ailleurs ce que confirme M. Sarkozy en déclarant après son élection : « La France m’a tout donné, le temps est venu pour moi de tout lui rendre ».

Regardons maintenant une autre situation. Il s’agit de ces millions de françaises et français de confession musulmane quelques soient leurs pays d’origines. Ces françaises et français sont déjà à la troisième ou quatrième génération. Ces françaises et français ont vu beaucoup de leurs parents, grands parents ou arrière grands parents combattre et mourir pour la France. Parmi ces françaises et français, il y en a de plus en plus qui font des études supérieurs et il y en a qui ont des parcours brillants. Venons-en au compte. Combien de maires ? Combien de députés à l’assemblée nationale ? Combien de ministres avec un vrai pouvoir ? Combien de ... ??? A moins que ces françaises et français soient génétiquement inaptes, force est de constater que l’ascenseur politique est bloqué pour cette « communauté ». Bien entendu, l’on peut faire le même constat pour d’autres « communautés ».

Moralité de l’histoire, le contre-exemple de M. Sarkozy démontre que l’ascenseur politique n’est pas en panne, mais il semble qu’il y aie plus de chance pour que l’ascenseur monte aux étages supérieurs si on est issu d’une famille aisée, on a des racines judéo-chrétiennes et on n’a pas d’origine dans une ex-colonie française !

J’espère que la nouvelle ère qui s’ouvre devant la France montrera que j’ai tort !