Société

Mort de Nahel : l’apaisement, « seul chemin possible et constructif pour accéder à la justice »

Rédigé par | Vendredi 30 Juin 2023 à 07:30

La mort à Nanterre de Nahel, tué par un policier, suscite un émoi national. Alors que les tensions se manifestent partout en France, des mosquées et des organisations musulmanes aussi réagissent.



La mort brutale du jeune Nahel, 17 ans, survenue à Nanterre (Hauts-de-Seine) mardi 28 juin pour « refus d’obtempérer », embrase des quartiers populaires par dizaines à travers la France. Le policier mis en cause dans la mort de l'adolescent a été mis en examen pour « homicide volontaire », fait rare pour être souligné dans de tels cas et que l'on doit en grande partie à une vidéo amateur de la scène fatidique. Bien que l'agent ait été placé en détention provisoire, l'émotion reste vive, la colère aussi.

Plusieurs milliers de personnes ont exprimé leur solidarité envers la famille de Nahel mais aussi leur ras-le-bol des violences policières au cours d'une marche blanche organisée jeudi 30 juin à Nanterre, à l'appel de la mère du défunt. Des échauffourées ont ensuite de nouveau éclaté dans cette ville comme ailleurs en région francilienne et en province, poussant le gouvernement à déployer non plus 9 000 mais 40 000 policiers et gendarmes par crainte d'émeutes urbaines similaires à celles de 2005 après la mort tragique de Zyed et Bouna à Clichy-sous-Bois.

Pour la Grande Mosquée de Paris, « l’incompréhension, la douleur et la colère sont légitimes à la suite d’un tel drame ». Elle appelle néanmoins les jeunes « à ne pas réagir par la violence » mais plutôt « à faire entendre leurs voix et à se mobiliser pacifiquement pour que la mémoire de Nahel soit respectée et pour que la justice soit rendue ».

Un message qu'elle entend transmettre à ses fidèles ce vendredi 30 juin à l’occasion de la prière hebdomadaire dans les mosquées affiliées à la GMP car « il est du rôle d’une institution religieuse et des hommes de foi de montrer que l’apaisement est le seul chemin possible et constructif pour accéder à la vérité et à la justice ».

« L’escalade de la violence ne résout rien »

En pleine période de l'Aïd al-Adha, qui se déroule du mercredi 28 au vendredi 30 juin, plusieurs responsables religieux ont lancé des appels similaires à la GMP. Le Conseil régional du culte musulman (CRCM) Rhône-Alpes a incité les imams à saisir l'occasion de la grande prière du vendredi « pour faire passer le message de l'apaisement, du calme et de la retenue » et à « élever des prières pour que des solutions soient trouvées pour rétablir la confiance partagée, entre les jeunes et des pouvoirs publics ».

Le Conseil des mosquées du Rhône (CMR), qui compte en son sein une quarantaine de mosquées dont la Grande Mosquée de Lyon, a lancé un appel à l’apaisement et au dialogue, assurant que « l’escalade de la violence ne résout rien » et
« ne fera qu’augmenter les difficultés des citoyens qui souffrent tous les jours de leurs mauvaises conditions de vie ».

Le CMR, qui demande aux lieux de culte musulmans à élever une prière de l’absent en mémoire de Nahel, dit comprendre « la colère des jeunes citoyens qui ont été touchés de façon particulière par cet assassinat mais regrette les violences qui se sont produites » depuis et qui ont notamment engendré de très nombreuses dégradations.

Le non du CFCM à la stigmatisation des musulmans comme des policiers

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) s'est aussi fendu d'un communiqué dans lequel il condamne « la violence intolérable des émeutiers et des casseurs qui s’en prennent aux biens publics et privés et dont les premières victimes sont les citoyens que nous sommes ».

Dans le même temps, l'instance, qui n'est à l'heure actuelle plus l'interlocuteur des pouvoirs publics, convient que « les premiers éléments sur le drame, notamment les déclarations des policiers contredites par les images, pourraient ébranler durablement la confiance d’une partie de nos citoyens dans nos forces de l’ordre » et déplore « toute attitude de corporatisme aveugle de certains "syndicats" de policiers (qui) ne fera qu’aggraver cette défiance à l’égard d’une institution importante pour notre pays ».

La mise en examen et le placement en détention du policier à l'origine du tir mortel « ne devrait pas jeter l’opprobre sur l’ensemble des femmes et des hommes qui assurent notre sécurité et celle de notre pays au risque de leur vie. Toute stigmatisation est par nature nocive et contreproductive », affirme le CFCM.

Il condamne aussi avec force les « manœuvres nauséabondes » des « prêcheurs de la haine et de la division » qui veulent « voir la religion, notamment l’islam, derrière chaque évènement tragique », ce qui « relève d’une obsession maladive et malveillante ».

« Notre pays comme tant d’autres connait des problèmes sociaux et parfois des échecs dans ses politiques publiques qui n’ont rien à voir avec la religion, soutient le CFCM. Apporter volontairement un faux diagnostic à un vrai problème ne fera que l’aggraver ».

La prière funéraire pour Nahel est prévue samedi 1er juillet à la mosquée Ibn Badis à Nanterre. C'est dans cette même commune, au cimetière du Mont-Valérien, où le jeune homme devrait être inhumé.

Mise à jour : « Bien que le CFCM doute sincèrement que ces très jeunes casseurs fréquentent assidument les mosquées de France ou soient prompts à suivre les recommandations des responsables religieux musulmans, il lance tout de même un appel à l’ensemble des mosquées de France afin qu’elles soient avec leurs fidèles des acteurs d’apaisement de notre société en ces moments de tensions », assure l'organisation dans un nouveau communiqué dénonçant des émeutes « intolérables, inacceptables et condamnables sans aucune réserve ».

Et de prévenir les émeutiers que « les images choquantes, dont ils sont en grande partie responsables, ne feront que conforter ceux qui stigmatisent leurs quartiers ainsi que leurs habitants ».

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur