Société

Mosquée de Poitiers : Génération Identitaire condamné, refuser « un chèque en blanc aux extrémistes »

Rédigé par Imane Youssfi et H. Ben Rhouma | Vendredi 8 Décembre 2017 à 18:40

En octobre 2012, des militants du groupuscule d'extrême droite Génération Identitaire occupait le chantier de la mosquée de Poitiers, alors en construction. Des slogans anti-musulmans avaient été proférés. Cinq ans après les faits, cinq d'entre eux ont été condamnés pour provocation à la haine raciale ou religieuse et dégradation de biens d'autrui. Le recteur de la mosquée visée Boubeker El Hadj Amor revient sur cet épisode marquant pour les musulmans de Poitiers et réagit à ce verdict.



C'était, il y a cinq ans, le 20 octobre 2012. « A 6h du matin, un groupe de personnes étrangers à la région, au nombre de 74, ont envahi la mosquée », alors en chantier, se souvient Boubeker El Hadj Amor, président et recteur de ce lieu de culte. Tous militaient pour Génération identitaire, un groupuscule d'extrême droite qui aiment à cibler l'islam et les musulmans comme un danger pour la France.

Les militants sont alors montés sur le toit du chantier d'où ils ont déployé une banderole « 732 Génération Identitaire », tout en scandant durant des heures des slogans anti-musulmans tels que « L’identité, on s’est battu pour la reprendre, on se battra pour la défendre », « Gaulois, réveille-toi, pas de mosquée chez toi ! ».

Les militants du mouvement d'extrême droite avaient aussi récupéré des tapis de prière au rez-de-chaussée. « C'était une journée où il pleuvait pas mal, il faisait un peu froid. Comme ils sont restés des heures pour la toiture, ils avaient des besoins personnels à faire, ils ont uriné sur la toiture, probablement sur les tapis », raconte Boubeker El Hadj Amor.

Après six heures d'occupation, les forces de l'ordre ont fait évacuer les militants. La plainte déposée, l'UOIF (aujourd’hui Musulmans de France) et l'association « Communauté musulmane de Poitiers » (CMP) qui gère la mosquée se sont constituées parties civiles avec trois associations : le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), le Comité 15 mars & Libertés et la Maison des potes.

Une lourde condamnation financière

Cinq ans après, cinq militants sur les 74 présents sont poursuivis pour « provocation à la haine raciale ou religieuse » et « dégradation de biens appartenant à autrui ». Seuls deux des prévenus ont répondu présents : Arnaud Martin, le président du mouvement Génération Identitaire, et Damien Lefèvre (alias Rieu), ancien porte-parole du mouvement.

Lors de l'audience le 20 octobre, les prévenus s'étaient présentés comme des « lanceurs d'alerte » en mettant en avant le principe de liberté d'expression. Selon eux, leur action se justifiait par la volonté de... promouvoir « un référendum » sur la construction de mosquées et l’immigration en France.

Quatre des cinq militants ont été condamnés, jeudi 7 décembre, à un an de prison avec sursis, deux ans de mise à l'épreuve et cinq ans de privation de leurs droits civiques, civils et de famille. Les cinq ont écopé solidairement à 25 000 € d'indemnisation à Musulmans de France et à l'association qui gère la mosquée au titre du préjudice matériel. A cette dernière, les prévenus sont aussi condamnés à verser 3 000 € en réparation du préjudice moral et 600 € à chacun des parties civiles en frais de dédommagement de justice.

Quant à Génération Identitaire, le groupuscule a été condamné à 10 000 € d'amende à titre de personne morale. Au total, ce sont 40 000 € qui vont devoir être déboursés.

« On s’y attendait »

Un an de prison avec sursis, n’est-ce pas une peine insuffisante ? « Nous avons été prévenus par notre avocat qu’il est très difficile, dans ce type d’affaires, de s’attendre à de la prison ferme. On s’y attendait », répond Boubeker El Hadj Amor. « On voulait essentiellement que les personnes ne soient pas relaxées » et, de ce point de vue, « nous sommes globalement satisfaits », indique le président de la mosquée, qui veut « un coup d’arrêt à ce genre d’agissements ».

Ne pas condamner aurait été « un chèque en blanc pour que tout extrémiste demain viennent attaquer une mosquée, un groupe de musulmans, une personne musulmane prétendant que c'est sa liberté d'expression. Parce que c'était toute la ligne de défense des militants de l’ultra-droite », poursuit le président de la mosquée de Poitiers, qui estime que la condamnation financière, lourde, « n’est pas négligeable ».

A la mosquée de Poitiers, les fidèles continuent de venir prier et d'assister aux prêches. La vigilance s'est depuis accrue, « des caméras ont été installées et la police est beaucoup plus présente qu’avant », indique-t-il. Mais « l'acte des militants (de Génération Identitaire) était prémédité et préparé. Caméras ou pas, on n'est pas à l'abri de comportement de haine qui peuvent aller très loin », signifie-t-il, espérant que la condamnation - financière en particulier - joue un effet dissuasif à l'avenir.

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