Dans toute la France, 926 068 personnes se portent officiellement candidates pour les élections municipales dont le premier tour se tiendra dimanche 23 mars. De l'extrême gauche à l'extrême droite, tous les partis – PS et UMP en tête – sont au taquet pour ce rendez-vous politique. Mais, ici et là, indépendamment des partis politiques, des citoyens et acteurs de terrain se mobilisent en formant leurs propres listes.
Dans les quartiers populaires, ces habitants, souvent issus du monde associatif, s’engagent en politique car ils ne se reconnaissent pas ou plus dans l'offre politique qui leur est donnée de choisir et dont ils ne voient toujours pas la solution à leurs problèmes quotidiens.
Dans les quartiers populaires, ces habitants, souvent issus du monde associatif, s’engagent en politique car ils ne se reconnaissent pas ou plus dans l'offre politique qui leur est donnée de choisir et dont ils ne voient toujours pas la solution à leurs problèmes quotidiens.
Des listes contre l’abstention
« De plus en plus de jeunes et de moins jeunes s’intéressent à la politique », fait remarquer Nadir Kahia. Pour le président de l’association Banlieue Plus, dont l'objectif est de lutter contre les préjugés et les clichés véhiculés sur la banlieue, « l'effervescence dans les quartiers et les villes populaires » est indéniable. Cet attrait pour la politique a « toujours » été présent mais, « aujourd’hui, les listes citoyennes se multiplient », constate le militant.
Son association a co-organisé, le 6 mars dernier, un débat sur les enjeux de ces élections dans les quartiers populaires avec six candidats, dont la moitié figure sur une liste citoyenne. Banlieue Plus estime que l’émergence de listes indépendantes peut inciter les habitants à voter et ainsi à faire baisser le taux d’abstention très élevé dans les banlieues.
La défiance réelle vis-à-vis des politiques ne suscite pas en conséquence l’intérêt de se rendre aux urnes. Et pour cause, 30 ans après la Marche pour l’égalité et contre le racisme, le « constat est négatif », tranche M. Kahia. « Très peu de choses ont évolué et, dans certains secteurs, cela a empiré. »
Les candidats des listes citoyennes peuvent instaurer une « certaine confiance » avec ces habitants dans la mesure où ils les connaissent, indique-t-il. Pour ces prétendants aux municipales, eux-mêmes très souvent originaires des quartiers populaires, il s’agit de faire avancer leurs idées tout en s’assurant d’un vrai gage d’indépendance. Quand les partis traditionnels intègrent les habitants issus de la diversité dans leur liste, c’est surtout « en termes d’image ou de représentativité » et ces derniers n’ont pas la « possibilité d’évoluer », dénonce Nadir Kahia. « Les grands partis sont fermés. Il y a du racisme dans les partis politiques », fustige-t-il.
Son association a co-organisé, le 6 mars dernier, un débat sur les enjeux de ces élections dans les quartiers populaires avec six candidats, dont la moitié figure sur une liste citoyenne. Banlieue Plus estime que l’émergence de listes indépendantes peut inciter les habitants à voter et ainsi à faire baisser le taux d’abstention très élevé dans les banlieues.
La défiance réelle vis-à-vis des politiques ne suscite pas en conséquence l’intérêt de se rendre aux urnes. Et pour cause, 30 ans après la Marche pour l’égalité et contre le racisme, le « constat est négatif », tranche M. Kahia. « Très peu de choses ont évolué et, dans certains secteurs, cela a empiré. »
Les candidats des listes citoyennes peuvent instaurer une « certaine confiance » avec ces habitants dans la mesure où ils les connaissent, indique-t-il. Pour ces prétendants aux municipales, eux-mêmes très souvent originaires des quartiers populaires, il s’agit de faire avancer leurs idées tout en s’assurant d’un vrai gage d’indépendance. Quand les partis traditionnels intègrent les habitants issus de la diversité dans leur liste, c’est surtout « en termes d’image ou de représentativité » et ces derniers n’ont pas la « possibilité d’évoluer », dénonce Nadir Kahia. « Les grands partis sont fermés. Il y a du racisme dans les partis politiques », fustige-t-il.
« Liste communautariste des quartiers populaires »
Hakim Mimoun et Pape Diouf.
Akim Mimoun en a fait l’amère expérience. Lors des élections municipales de 2008, le Marseillais décide de prendre part à la liste de rassemblement de la gauche unitaire, regroupant notamment le PS et Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Déterminé à s’impliquer dans le renouveau de la deuxième ville de France, il déchante rapidement quand il constate que les personnalités issues de la diversité sont intégrées non « pas pour leur compétences » mais dans l’optique de récupérer un certain électorat. « Lors de meetings dans des salles de quartier avec un public composé de personnes d'origine africaine et nord-africaine, on nous laisse nous exprimer mais, lors de meetings avec un public majoritairement composé de Français de souche, on est boycottés », raconte le président fondateur de la Fédération de la mixité de France, qui vise à lutter contre les inégalités.
Aujourd’hui, il a retenu la leçon. Toujours engagé en politique, il fait partie d’un mouvement baptisé Génération marseillaise, qui a décidé de s’allier avec Pape Diouf dans la liste Changer la donne, présente dans les quartiers nord de la ville.
« A la base, je ne suis pas un enfant de la politique. Mais trop de choses se font et, nous, nous sommes spectateurs. La politique appartient non pas aux politiques mais à ceux qui veulent faire de la politique », argue-t-il. Que les citoyens lambda s’emparent de la chose politique est une vraie nécessité à ses yeux. « Précarité, taux de chômage 5 ou 6 fois supérieur au taux national, habitations de plus en plus insalubres, clientélisme dans l’attribution des logements » : le chantier est vaste dans les quartiers défavorisés de Marseille, constate-t-il.
A ceux qui taxent la liste à laquelle il appartient de « communautariste » il répond que c’est une « liste communautariste des quartiers populaires ». Les 46 personnes issues de diverses origines qui la composent représentent « la population marseillaise », ajoute-t-il.
Aujourd’hui, il a retenu la leçon. Toujours engagé en politique, il fait partie d’un mouvement baptisé Génération marseillaise, qui a décidé de s’allier avec Pape Diouf dans la liste Changer la donne, présente dans les quartiers nord de la ville.
« A la base, je ne suis pas un enfant de la politique. Mais trop de choses se font et, nous, nous sommes spectateurs. La politique appartient non pas aux politiques mais à ceux qui veulent faire de la politique », argue-t-il. Que les citoyens lambda s’emparent de la chose politique est une vraie nécessité à ses yeux. « Précarité, taux de chômage 5 ou 6 fois supérieur au taux national, habitations de plus en plus insalubres, clientélisme dans l’attribution des logements » : le chantier est vaste dans les quartiers défavorisés de Marseille, constate-t-il.
A ceux qui taxent la liste à laquelle il appartient de « communautariste » il répond que c’est une « liste communautariste des quartiers populaires ». Les 46 personnes issues de diverses origines qui la composent représentent « la population marseillaise », ajoute-t-il.
Pas de sectarisme au niveau local ?
Être accusé de faire du « communautarisme » : cette attaque n’est jamais loin pour tenter de décrédibiliser les listes citoyennes composées d’habitants issus de quartiers populaires aux origines diverses mais qui n’en restent pas moins Français.
Ces listes, qui peuvent attirer dans leur filet des électeurs se sentant pour une fois représentés, dérangent. A Massy, en Essonne, Dawari Horsfall a également été confronté à ce type de critiques lorsqu’il s’est lancé en politique en 2008, en étant tête de liste de la liste indépendante Massy Plus Juste. Ces attaques « venaient essentiellement du PS », nous dit-il. Sa liste fit « un peu plus de 9 % ». Le score est honorable ; mais décidant de ne pas négocier avec d’autres partis, ses membres ne remportent aucun siège au conseil municipal.
Aujourd’hui, la stratégie adoptée par Dawari et son groupe est tout autre. Voyant que le maire centre-droit a réalisé « 75 % » de leurs propositions faites en 2008, ils ont décidé de s’allier avec l’édile dont la liste comportera dix candidats de l’ancienne liste indépendante. Ils devraient constater rapidement si ce choix est le bon. « Au niveau local, le sectarisme ne marche pas », se justifie M. Horsfall, qui explique qu’une alliance de cette sorte était inenvisageable avec le PS car ils ne sont « d’accord sur rien ».
Ces listes, qui peuvent attirer dans leur filet des électeurs se sentant pour une fois représentés, dérangent. A Massy, en Essonne, Dawari Horsfall a également été confronté à ce type de critiques lorsqu’il s’est lancé en politique en 2008, en étant tête de liste de la liste indépendante Massy Plus Juste. Ces attaques « venaient essentiellement du PS », nous dit-il. Sa liste fit « un peu plus de 9 % ». Le score est honorable ; mais décidant de ne pas négocier avec d’autres partis, ses membres ne remportent aucun siège au conseil municipal.
Aujourd’hui, la stratégie adoptée par Dawari et son groupe est tout autre. Voyant que le maire centre-droit a réalisé « 75 % » de leurs propositions faites en 2008, ils ont décidé de s’allier avec l’édile dont la liste comportera dix candidats de l’ancienne liste indépendante. Ils devraient constater rapidement si ce choix est le bon. « Au niveau local, le sectarisme ne marche pas », se justifie M. Horsfall, qui explique qu’une alliance de cette sorte était inenvisageable avec le PS car ils ne sont « d’accord sur rien ».
Jeu des alliances
Dans le Collectif Citoyens duquel il fait partie, tout comme Akim Mimoun, d’autres membres sont alliés pour les élections municipales avec le PS, indique Kamel Djellal, le président de ce collectif national. Si trois quarts de listes regroupées dans ce collectif sont des « listes citoyennes pures et dures », certaines sont le fruit d’alliance avec des politiques de droite comme de gauche. « Nous faisons une différence entre l’élu et le parti », explique M. Djellal, qui insiste sur le caractère spécifique des élections locales. « Un bilan positif » et une « main tendue » d’un élu peuvent permettre une alliance, selon lui.
Dans tous les cas, l’ambition est de « créer un rapport de forces », ajoute cet ancien membre du mouvement politique Emergence, créée en 2009 et aujourd'hui présent dans plusieurs villes de la région parisienne comme à Bondy (Seine-Saint-Denis). Dans un terrain miné par l’abstention, le Collectif Citoyens, qui fait campagne pour inciter les citoyens à aller voter, n’hésite pas à faire part de l’existence de telles listes auprès de ceux qu'ils sensibilisent sans pour autant « donner de consignes de vote », indique son président.
Fort d’une quarantaine de partenaires, le Collectif estime que la différence des candidats qu’il soutient réside « plus dans la volonté que dans le programme ». « Nous avons une gauche qui n’a fait que des promesses et une droite qui divise les Français », constate M. Djellal.
Dans tous les cas, l’ambition est de « créer un rapport de forces », ajoute cet ancien membre du mouvement politique Emergence, créée en 2009 et aujourd'hui présent dans plusieurs villes de la région parisienne comme à Bondy (Seine-Saint-Denis). Dans un terrain miné par l’abstention, le Collectif Citoyens, qui fait campagne pour inciter les citoyens à aller voter, n’hésite pas à faire part de l’existence de telles listes auprès de ceux qu'ils sensibilisent sans pour autant « donner de consignes de vote », indique son président.
Fort d’une quarantaine de partenaires, le Collectif estime que la différence des candidats qu’il soutient réside « plus dans la volonté que dans le programme ». « Nous avons une gauche qui n’a fait que des promesses et une droite qui divise les Français », constate M. Djellal.
Vers un lobby des quartiers populaires ?
L'un des visuels de la campagne menée par le Collectif citoyens.
Pour les candidats issus des quartiers qui choisissent cependant d'intégrer les partis traditionnels, certains estiment qu’ils « peuvent changer le parti de l’intérieur », note-t-il, sans porter de jugement négatif sur ceux qui adoptent cette façon de faire.
Pour être reconnu des électeurs, une chose est toutefois sûre pour M. Djellal : il n’est « pas nécessaire d'avoir une étiquette politique », citant en exemple le score de 26 % obtenu au second tour, en 2008, par Prendre le parti des Grignois, une liste citoyenne de Grigny (Essonne), grâce à laquelle cinq sièges ont été remportés au conseil municipal. La liste, qui se représente cette année, peut compter sur le soutien de l'UDI locale et « d'autres partis », nous apprend Omar Dawson, l'un des candidats de cette liste. Pour lui aussi, les clivages politiques n'ont « plus de sens » au niveau local. Les idées de son mouvement se font en « fonction du pragmatisme et de leur efficacité sur leur terrain », dit-il.
L'entrée de candidats plus citoyens que politiciens dans les conseils municipaux signe le début d’un changement local. La prise de pouvoir des habitants de banlieues n’en est qu’à ses débuts, juge Nadir Kahia de Banlieue Plus, qui pense que leur renforcement passe par la constitution d'un « lobby » pour un impact au niveau national. « Il faut un réseau ou de l’argent », lance-t-il.
Le chemin à parcourir est encore long. Pour l'heure, les résultats de ce travail de longue haleine reposant sur la création d'un contre-pouvoir seront visibles dès le premier tour dimanche 23 mars.
Pour être reconnu des électeurs, une chose est toutefois sûre pour M. Djellal : il n’est « pas nécessaire d'avoir une étiquette politique », citant en exemple le score de 26 % obtenu au second tour, en 2008, par Prendre le parti des Grignois, une liste citoyenne de Grigny (Essonne), grâce à laquelle cinq sièges ont été remportés au conseil municipal. La liste, qui se représente cette année, peut compter sur le soutien de l'UDI locale et « d'autres partis », nous apprend Omar Dawson, l'un des candidats de cette liste. Pour lui aussi, les clivages politiques n'ont « plus de sens » au niveau local. Les idées de son mouvement se font en « fonction du pragmatisme et de leur efficacité sur leur terrain », dit-il.
L'entrée de candidats plus citoyens que politiciens dans les conseils municipaux signe le début d’un changement local. La prise de pouvoir des habitants de banlieues n’en est qu’à ses débuts, juge Nadir Kahia de Banlieue Plus, qui pense que leur renforcement passe par la constitution d'un « lobby » pour un impact au niveau national. « Il faut un réseau ou de l’argent », lance-t-il.
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