Nada Dosti, une force militante des Balkans © Nada Dosti
Nada Dosti se définit avant tout par son engagement : « Le militantisme, c’est ma vie », nous dit-elle simplement. Dès son plus jeune âge, elle s’engage dans plusieurs ONG en Albanie et continue à le faire après s’être expatriée en Turquie en 2012, où elle s’investit en faveur de la jeunesse ou plus généralement dans l’humanitaire.
Son attrait pour le bénévolat, Nada nous l’explique à travers deux citations qui l’inspirent : « A le droit de critiquer, celui qui a le cœur pour aider », d'Abraham Lincoln, représentative de son regard critique de journaliste, qui est l’un des moteurs de son activisme. Et un hadith du Prophète Muhammad, qui la pousse à agir en tant que croyante : « Que celui d'entre vous qui voit une chose répréhensible la corrige de sa main ! S'il ne le peut pas de sa main, qu'il la corrige avec sa langue ! S'il ne le peut avec sa langue, que ce soit avec son cœur et c'est là le degré le plus faible de la foi. » (Rapporté par l’imam Muslim)
Son attrait pour le bénévolat, Nada nous l’explique à travers deux citations qui l’inspirent : « A le droit de critiquer, celui qui a le cœur pour aider », d'Abraham Lincoln, représentative de son regard critique de journaliste, qui est l’un des moteurs de son activisme. Et un hadith du Prophète Muhammad, qui la pousse à agir en tant que croyante : « Que celui d'entre vous qui voit une chose répréhensible la corrige de sa main ! S'il ne le peut pas de sa main, qu'il la corrige avec sa langue ! S'il ne le peut avec sa langue, que ce soit avec son cœur et c'est là le degré le plus faible de la foi. » (Rapporté par l’imam Muslim)
Son vécu, un moteur pour la cause qu’elle défend : les droits des femmes musulmanes
Nada nous raconte sa jeunesse en Albanie, rendue profondément difficile par son identité de jeune femme musulmane pratiquante, ayant fait le choix de porter le voile. Décidant de se voiler au collège, elle essuie les refus de l’administration de son école, ainsi que ceux, plus virulents encore, de sa famille.
« Mes parents pensaient que mon voile n’était pour moi qu’un jeu, et que je finirais par m’en lasser après quelque temps. Ils ont abusé de moi physiquement et moralement à tel point qu’il a fallu du temps pour que je me remette des lésions », raconte-t-elle. « Après cela, ils m’ont mise à la porte et j’ai dû aller vivre chez mes grands-parents et d’autres membres de ma famille, jusqu’à ce qu’eux aussi me rejettent parce que je n’obéissais pas à mes parents. J’ai donc commencé à vivre en tant que sans-abri à l’âge de 14 ans, en dormant dans la mosquée principale de ma ville. C’est un épisode très traumatisant dans ma vie, et c’est arrivé uniquement car je souhaitais suivre ma religion et les préceptes de mon Seigneur. Cette expérience a façonné le reste de ma vie. »
Après le lycée, c’est la discrimination à l’université qu’elle subit, suivie de celles sur le marché de l’emploi. « Vous devez enlever votre voile si vous souhaitez que nous vous embauchions », s’entend-elle souvent dire.
Son voile devient alors sa cause : « Et cela, afin de survivre dans ce pays islamophobe et d’aider d’autres femmes à en faire autant. Aujourd’hui, mon but est de travailler dur pour ouvrir ma propre porte vers le succès, et de la laisser bien ouverte pour que d’autres puissent en bénéficier. Je veux pouvoir sensibiliser les femmes musulmanes aux droits qui sont les leurs, renforcer leur image en Albanie et travailler à leur intégration. »
« Mes parents pensaient que mon voile n’était pour moi qu’un jeu, et que je finirais par m’en lasser après quelque temps. Ils ont abusé de moi physiquement et moralement à tel point qu’il a fallu du temps pour que je me remette des lésions », raconte-t-elle. « Après cela, ils m’ont mise à la porte et j’ai dû aller vivre chez mes grands-parents et d’autres membres de ma famille, jusqu’à ce qu’eux aussi me rejettent parce que je n’obéissais pas à mes parents. J’ai donc commencé à vivre en tant que sans-abri à l’âge de 14 ans, en dormant dans la mosquée principale de ma ville. C’est un épisode très traumatisant dans ma vie, et c’est arrivé uniquement car je souhaitais suivre ma religion et les préceptes de mon Seigneur. Cette expérience a façonné le reste de ma vie. »
Après le lycée, c’est la discrimination à l’université qu’elle subit, suivie de celles sur le marché de l’emploi. « Vous devez enlever votre voile si vous souhaitez que nous vous embauchions », s’entend-elle souvent dire.
Son voile devient alors sa cause : « Et cela, afin de survivre dans ce pays islamophobe et d’aider d’autres femmes à en faire autant. Aujourd’hui, mon but est de travailler dur pour ouvrir ma propre porte vers le succès, et de la laisser bien ouverte pour que d’autres puissent en bénéficier. Je veux pouvoir sensibiliser les femmes musulmanes aux droits qui sont les leurs, renforcer leur image en Albanie et travailler à leur intégration. »
Château de Kruja, Albanie © Nada Dosti
L’Albanie, une position sur l’islam bien particulière
Le pays a une histoire complexe de par son passé commun avec l’empire ottoman, son régime communiste de plus de 40 ans, ou encore sa volonté actuelle d’intégrer l’Union européenne. Ces dernières années sont aussi marquées par la montée de l’islamophobie, bien que comptant près de 56 % de citoyens musulmans d’après un sondage national réalisé en 2011.
Nada nous en dit un peu plus à ce sujet : « Selon moi, les médias sont les premiers responsables de la montée du discours islamophobe. En effet, ils soutiennent les politiques gouvernementales en faveur de l’entrée de l’Albanie au sein de l'Union européenne. Il s’agit d’une longue histoire, vieille de plus de 20 ans, qui est devenue la priorité si ce n’est l’addiction du gouvernement albanais. Et cette histoire nourrit et diffuse la légende selon laquelle l’islam est la religion de notre ennemi et envahisseur ottoman. Si nous souhaitons être plus acceptables aux yeux des pays européens, nous devons embrasser les "valeurs européennes". »
Pour appuyer ces faits, Nada nous cite les travaux de Olsi Jazaxhi, qui explique dans son ouvrage Politics of the veil que « le cas de la France présente des similitudes avec le cas de l’Albanie et du Kosovo. En Albanie, depuis le début des années 1990, les femmes voilées sont la cible de discrimination de la part de politiques post-communistes qui décident de les exclure des écoles, des institutions publiques et des emplois gouvernementaux. Ces politiques les ciblent également dans les lois ou à travers les médias ».
Par ailleurs, déçue par les mouvements féministes traditionnels dont aucun n’a « accordé de l’importance ni soutenu les voix des femmes musulmanes qui revendiquent pourtant leur droit d’être acceptées dans la société », Nada souligne le fait qu’il n’y a aucune représentation de femmes musulmanes dans les médias albanais. Et c’est pourquoi, en réponse à tous ces défis, et dans la continuité de son cheminement de femme engagée et militante, Nada a fondé Muslimania.al, première plateforme mettant à l’honneur les femmes musulmanes d’Albanie et d’ailleurs.
Nada nous en dit un peu plus à ce sujet : « Selon moi, les médias sont les premiers responsables de la montée du discours islamophobe. En effet, ils soutiennent les politiques gouvernementales en faveur de l’entrée de l’Albanie au sein de l'Union européenne. Il s’agit d’une longue histoire, vieille de plus de 20 ans, qui est devenue la priorité si ce n’est l’addiction du gouvernement albanais. Et cette histoire nourrit et diffuse la légende selon laquelle l’islam est la religion de notre ennemi et envahisseur ottoman. Si nous souhaitons être plus acceptables aux yeux des pays européens, nous devons embrasser les "valeurs européennes". »
Pour appuyer ces faits, Nada nous cite les travaux de Olsi Jazaxhi, qui explique dans son ouvrage Politics of the veil que « le cas de la France présente des similitudes avec le cas de l’Albanie et du Kosovo. En Albanie, depuis le début des années 1990, les femmes voilées sont la cible de discrimination de la part de politiques post-communistes qui décident de les exclure des écoles, des institutions publiques et des emplois gouvernementaux. Ces politiques les ciblent également dans les lois ou à travers les médias ».
Par ailleurs, déçue par les mouvements féministes traditionnels dont aucun n’a « accordé de l’importance ni soutenu les voix des femmes musulmanes qui revendiquent pourtant leur droit d’être acceptées dans la société », Nada souligne le fait qu’il n’y a aucune représentation de femmes musulmanes dans les médias albanais. Et c’est pourquoi, en réponse à tous ces défis, et dans la continuité de son cheminement de femme engagée et militante, Nada a fondé Muslimania.al, première plateforme mettant à l’honneur les femmes musulmanes d’Albanie et d’ailleurs.
Redonner la parole à celles que l’on n’entend jamais
C’est en collaboration avec d’autres femmes militantes qu’elle se lance alors dans la création de sa plateforme Muslimania en 2015, avec le soutien de son mari sur la partie développement web. Elle entend, par ce biais, donner une réponse aux luttes et aux défis que les femmes musulmanes ont à affronter dans la société albanaise.
« La mission principale de cette plateforme est de motiver et d’encourager l’implication des femmes musulmanes dans la sphère publique. Cela a été pensé pour créer un sanctuaire protégé des préjugés et discriminations. Il est dédié à toute communauté qui souhaite utiliser son potentiel et ses opportunités dans le monde digital afin de faire émerger une génération intégrée et éduquée. Nous l’avons conçue comme un moyen de créer un réseau en ligne pour s’éduquer de manière informelle, mais aussi promouvoir les activités professionnelles de femmes musulmanes entrepreneures », explique-t-elle.
Et Nada ne fait pas que promouvoir les activités professionnelles des femmes musulmanes, puisqu’elle les met régulièrement à l’honneur grâce à son travail de journaliste dans ses reportages. Forte du succès de Muslimania, Nada fonde alors en 2017 son ONG, MiM (Muslimah in Mouvement), dédiée à la promotion des droits des femmes, musulmanes ou non, à travers des séminaires, des rapports de consultation et une mise en réseau.
« La mission principale de cette plateforme est de motiver et d’encourager l’implication des femmes musulmanes dans la sphère publique. Cela a été pensé pour créer un sanctuaire protégé des préjugés et discriminations. Il est dédié à toute communauté qui souhaite utiliser son potentiel et ses opportunités dans le monde digital afin de faire émerger une génération intégrée et éduquée. Nous l’avons conçue comme un moyen de créer un réseau en ligne pour s’éduquer de manière informelle, mais aussi promouvoir les activités professionnelles de femmes musulmanes entrepreneures », explique-t-elle.
Et Nada ne fait pas que promouvoir les activités professionnelles des femmes musulmanes, puisqu’elle les met régulièrement à l’honneur grâce à son travail de journaliste dans ses reportages. Forte du succès de Muslimania, Nada fonde alors en 2017 son ONG, MiM (Muslimah in Mouvement), dédiée à la promotion des droits des femmes, musulmanes ou non, à travers des séminaires, des rapports de consultation et une mise en réseau.
Une femme inspirée et une maman battante
Si l’on demande à Nada de choisir quelles sont les femmes les plus inspirantes qu’elle a pu rencontrer, celle-ci nous cite plusieurs femmes musulmanes engagées, notamment Sonya Emilova, activiste bulgare qui l’a beaucoup inspirée en combinant le fait d’être maman et activiste en même temps.
Comment beaucoup de femmes, Nada avait peur de rester à la maison et d’arrêter ses activités militantes après son accouchement. Les préjugés sur les mères au travail ont la vie dure : « J’ai rencontré Sonya lors d’un congrès pour la jeunesse organisé en Turquie et j’ai été impressionnée, en écoutant son intervention, lorsque j’ai vu son fils jouer à côté d’elle sur la scène. J’ai par la suite appris qu’elle emmenait son fils dans toutes ses activités. J’étais enceinte à ce moment-là et je me suis dit : "Oh mon Dieu, je veux être comme elle". »
Nada s’est ainsi battue pour faire accepter sa maternité au sein de ses activités. Elle a pu bénéficier d’aménagements particuliers pour participer à des séminaires en Bosnie ou en Espagne avec son enfant. Mais en Turquie, beaucoup de ses interventions ont été annulées ou compromises, dès qu’elle informait de la présence de son bébé : « Cela est peut-être dû à l’idée selon laquelle je ne serai pas concentrée sur ma conférence si j’amène mon fils avec moi. Quand bien même on me l’interdisait, je venais avec lui et prouvais ainsi qu’une femme activiste est totalement capable de gérer sa maternité et son travail en même temps. »
Comment beaucoup de femmes, Nada avait peur de rester à la maison et d’arrêter ses activités militantes après son accouchement. Les préjugés sur les mères au travail ont la vie dure : « J’ai rencontré Sonya lors d’un congrès pour la jeunesse organisé en Turquie et j’ai été impressionnée, en écoutant son intervention, lorsque j’ai vu son fils jouer à côté d’elle sur la scène. J’ai par la suite appris qu’elle emmenait son fils dans toutes ses activités. J’étais enceinte à ce moment-là et je me suis dit : "Oh mon Dieu, je veux être comme elle". »
Nada s’est ainsi battue pour faire accepter sa maternité au sein de ses activités. Elle a pu bénéficier d’aménagements particuliers pour participer à des séminaires en Bosnie ou en Espagne avec son enfant. Mais en Turquie, beaucoup de ses interventions ont été annulées ou compromises, dès qu’elle informait de la présence de son bébé : « Cela est peut-être dû à l’idée selon laquelle je ne serai pas concentrée sur ma conférence si j’amène mon fils avec moi. Quand bien même on me l’interdisait, je venais avec lui et prouvais ainsi qu’une femme activiste est totalement capable de gérer sa maternité et son travail en même temps. »
Nous l’aurons compris, Nada cherchera toujours à avoir un impact positif, et à convaincre d’autres d’en faire autant. Aux femmes musulmanes françaises, voici le message qu’elle dédie : « Nos réalités sont presque les mêmes : nous affrontons les mêmes défis, certains sont plus cruels que d’autres. Mais le point principal, c’est que nous devons apporter notre contribution et laisser un impact autour de nous. »
« Essayez de vous soutenir les unes les autres dans vos luttes quotidiennes, mettez en avant les initiatives de chacune, et lorsque que vous trouvez une porte ouverte, laissez-la bien ouverte et partagez-la avec les autres ! Si nous collaborons les unes avec les autres, inchaAllah nous pourrons atteindre des résultats plus grands encore. (…) Et surtout partagez vos histoires ! Qui sait, elles pourront inspirer et en motiver bien d’autres elles aussi », conclut-elle.
« Essayez de vous soutenir les unes les autres dans vos luttes quotidiennes, mettez en avant les initiatives de chacune, et lorsque que vous trouvez une porte ouverte, laissez-la bien ouverte et partagez-la avec les autres ! Si nous collaborons les unes avec les autres, inchaAllah nous pourrons atteindre des résultats plus grands encore. (…) Et surtout partagez vos histoires ! Qui sait, elles pourront inspirer et en motiver bien d’autres elles aussi », conclut-elle.
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Sophia K., ingénieur, est bénévole de l'association Lallab.
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