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Nanterre révèle l’indignation des mamans musulmanes

Rédigé par Amara Bamba | Vendredi 3 Décembre 2004 à 00:00

Des mères musulmanes manifestent pour leur dignité mardi 7 décembre. Réunies au sein du Collectif pour la dignité des mères parents d’élèves (CDMPE), elles tentent l’alerter l’opinion publique sur ce qui prend l’allure d’une dérive de la loi anti-foulard concernant l'interdiction du port des insignes religieux à l’école pour les mères musulmanes. Pour Farida Benmerabet, présidente du CDMPE, il s’agit de « faire appliquer le circulaire d’application de la loi qui précise que l’interdiction du foulard ne concerne pas les parents. » Mais certains chefs d’établissements de Nanterre (Hauts-de-Seine) ne l’entendent pas de cette oreille. Le bras de fer s’est installé, en l’absence de médiateur.



Depuis le début de l’année scolaire, certaines écoles (Voltaire, Wallon, Soufflot, Joinville, Casanova et Centre) de la ville de Nanterre se sont installées dans un bras de fer avec le Collectif pour la dignité des mères parents d’élèves (CDMPE).

L’affaire remonte au mois d’octobre 2003, bien avant la loi anti-foulard. Une maman dont l’enfant fréquente l’école maternelle Henri Wallon est gentiment refusée d’accompagner son enfant à une sortie scolaire. L’affaire fait un peu de bruit et aucun arrangement n’est trouvé. En janvier 2004, en pleine période de débats sur l’opportunité d’une nouvelle loi sur les signes religieux à l’école, c’est l’école primaire Voltaire qui empêche une autre mère d’accompagner son enfant à une sortie. Dans les deux cas, il s’agit de femmes musulmanes que les chefs d’établissement veulent bien laisser accompagner les sorties à condition qu’elles retirent leur hijab. C’est dans ce contexte que naît le CDMPE pour défendre ces mamans qui s’étaient jusqu’alors investies dans la vie scolaire de leurs enfants.

Pour Farida Benmerabet, « il fallait informer les parents d’élèves parce que l’attitude des chefs d’établissement ne se fondait sur aucun texte de loi. La loi n’était pas encore votée. En plus c’était une injustice pour ces mères et pour leurs enfants. Parce que dans d’autres écoles de notre ville, des mères, qui sont aussi voilées, pouvaient accompagner leurs enfants en sortie. Ces chefs d’établissements nous disaient qu’ils n’avaient pas encore reçu de consignes concernant la loi. Mais que s’il y avait une consigne, ils l’appliqueraient comme telle… Donc nous attendions fermement les termes de la loi ».

Ne pas perdre la face pour les chefs d'établissement

Dès lors, le CDMPE tient des réunions hebdomadaires pour « permettre aux mamans de s’exprimer. C’est important, quand on est face à une telle frustration, dans un tel contexte, d’avoir un espace de parole pouvoir exprimer ses sentiments ». Aucun soutien, aucune médiation n'est venu au secours de ces mères qui s’estiment rejetées dans leur rôle de mères mais aussi de citoyennes. « Les enseignants sont gentils, ils nous écoutent, mais ils ne s’expriment pas sur le sujet », indique Farida Benmerabet.

Du côté de la mairie de la ville, sollicitée pour une médiation, le CDMPE est poliment réorienté vers le ministère. Et le ministère, à son tour, renvoie les mères indignées vers l’inspection académique. Des échanges avec l’inspection de la 10e circonscription de Nanterre, les textes de lois, dont certains sans âge, sont passés au peigne fin. Mais ce dialogue juridique laisse la présidente du CDMPE sceptique : « L’inspection académique a essayé de nous sortir des textes pour justifier l’attitude des chefs d’établissement et maintenir le statue quo. » A son avis, il ne fait de doute que la situation est du fait de chefs d’établissements qui s’entêtent dans leur décision première, « peut-être pour ne pas perdre la face », explique-t-elle.

Grève de sorties pour les enfants de parents musulmans

Après le vote de la loi, et la diffusion du formulaire d’application, il devint clair, pour le CDMPE, que ses sympathisantes pourraient accompagner leurs enfants en sortie « puisque le formulaire précise que la loi ne concerne pas les parents ». Mais ce ne fut pas le cas. L’indignation est donc montée d’un cran. Le 23 mars 2004, une semaine après la publication du formulaire, des mamans portant le foulard sont interdites à une sortie d’école. Le CDMPE organise une « journée morte ».

Accompagnées de leurs enfants les mamans se sont données rendez-vous devant la grille de l’école Voltaire. Une trentaine d’enfants manquent à l’appel dans les classes. Une « grève de sorties » est aussi enclenchée par le mouvement : les jours de sortie pédagogique, les parents envoient leurs enfants à l’école et ne signent pas l’autorisation de sortie. « C’est vrai que ce sont nos gamins qui sont pénalisés », reconnaît Farida Benmerabet. « Et ce n’est pas facile pour eux de voir qu’ils ne peuvent pas sortir et que leurs camarades peuvent sortir. C’est même très dur pour les mamans de prendre une telle décision. Mais il faut expliquer ces choses aux enfants. Il faut leur expliquer que c’est pour leur bien… Parce que si nous ne faisons rien aujourd’hui contre ce genre d’injustice, que sera demain ? », s’interroge-t-elle.

D'une école à une autre, les règles changent

Le combat juridique se poursuit entre le CDMPE et les chefs d’établissement. « Maintenant que le circulaire nous donne le droit d’accompagner nos enfants en sortie, ils (les chefs d’établissement, ndlr) entretiennent le flou juridique. Ils argumentent maintenant que nous sommes considérées comme des "collaborateurs occasionnels". Ils ne nous avaient jamais sorti cet argument avant. Comment peut-on parler de collaborateurs puisque nous ne signons aucun contrat de travail et que nous ne sommes pas rémunérées quand nous accompagnons les classes de nos enfants ? », indique le collectif.

L’ironie veut que, dans certains établissements de la même circonscription académique, des mamans sont bel et bien admises en sortie. Pour ces mères, rien n’a changé. Mais notre enquête révèle que, dans certaines écoles, les seules mères investies et disponibles pour accompagner les sorties d’enfants sont des mères qui portent le hijab. Ces dernières vivent leur condition comme une faveur car « il ne faut pas trop le dire », nous confie l’une d’elles. De peur que leurs chefs d’établissements veuillent se montrer récalcitrants à la loi ? En attendant, le CDMPE appelle à manifester mardi 7 décembre 2004 à 9h devant l'école Voltaire, à Nanterre, « pour témoigner et appeler à témoigner de cette injustice ».