De janvier à mai 2016, 27 sénateurs se sont penchés sur les modalités d’organisation et de financement du culte musulman. Une commission d'information présidée par Corinne Féret (Parti socialiste) et avec pour co-rapporteurs Nathalie Goulet (UDI-UC) et André Reichardt (Les Républicains).
Après 79 heures d’auditions auprès de 115 personnalités, le rapport de la mission sénatoriale, rendu public le 6 juillet, permet de battre en brèche un certain nombre d’idées reçues et émet des préconisations sur la formation des imams, le financement du culte, la filière halal, la représentativité des musulmans et l’enseignement privé islamique.
Lire le rapport d'information de la mission d’information sur l’organisation, la place et le financement de l’Islam en France et de ses lieux de culte
Lire l'abstract du rapport
Lire aussi : Au Sénat, pleins feux sur l’organisation et le financement de l’islam de France
Après 79 heures d’auditions auprès de 115 personnalités, le rapport de la mission sénatoriale, rendu public le 6 juillet, permet de battre en brèche un certain nombre d’idées reçues et émet des préconisations sur la formation des imams, le financement du culte, la filière halal, la représentativité des musulmans et l’enseignement privé islamique.
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Salamnews : Quelles sont les trois priorités à défendre, selon la mission d’information ?
Nathalie Goulet : La formation des imams à l’étranger doit s’arrêter, c’est une certitude. On pourrait très bien imaginer une école normale de formation d’imams en France, dotée d’un conseil scientifique unique. Les musulmans pourraient la créer.
Il faut la transparence des financements, y compris étrangers, qu’ils ne soient pas conditionnés et qu’ils transitent par la Fondation pour l’islam de France. Nous souhaitons la résurrection de la Fondation avec un comptable de l’État y siégeant.
Il faut aussi une réforme du Conseil français du culte musulman (CFCM). Il pourrait décider qu’il se saborde au profit d’une instance plus représentative et appeler à l’élection d’une assemblée constituante […] qui soit représentative des musulmans et non des mosquées.
Il faut la transparence des financements, y compris étrangers, qu’ils ne soient pas conditionnés et qu’ils transitent par la Fondation pour l’islam de France. Nous souhaitons la résurrection de la Fondation avec un comptable de l’État y siégeant.
Il faut aussi une réforme du Conseil français du culte musulman (CFCM). Il pourrait décider qu’il se saborde au profit d’une instance plus représentative et appeler à l’élection d’une assemblée constituante […] qui soit représentative des musulmans et non des mosquées.
Que préconisez-vous, dès lors, s’agissant du financement ?
Nathalie Goulet : Le financement des cultes est occulte aujourd’hui. Nous demandons la transparence absolue sur les financements étrangers et sur les circuits financiers nationaux. Une redevance halal peut être mise en place par la communauté, avec une meilleure distribution des cartes de certification et une meilleure transparence de la filière halal.
Tout cela doit être organisé par la communauté elle-même. Or le CFCM devient au fur et à mesure une institution politique, elle devient de moins en moins représentative.
Tout cela doit être organisé par la communauté elle-même. Or le CFCM devient au fur et à mesure une institution politique, elle devient de moins en moins représentative.
Mais sa légitimité vient aussi du fait que ce soit l’État qui l’a aidé à se constituer, à rédiger ses statuts et l’a choisi comme seul interlocuteur…
Nathalie Goulet : À l’époque, il n’y avait pas du tout d’interlocuteurs. C’est l’absence d’interlocuteurs qui fait que l’on a été très en retard s’agissant des aumôniers. C’est aussi parce que les textes juridiques sont faits pour des religions existantes et organisées. Et on a un culte musulman qui est arrivé tardivement et qui n’est pas organisé.
On a le syndrome de la décalcomanie, c’est-à-dire qu’on essaie de dupliquer ce qui existe, mais ce qui existe ne colle pas au culte musulman : ni dans son fonctionnement, ni dans son appréhension, ni dans le fait que l’islam est considéré comme une religion étrangère, voire de l’étranger.
On a le syndrome de la décalcomanie, c’est-à-dire qu’on essaie de dupliquer ce qui existe, mais ce qui existe ne colle pas au culte musulman : ni dans son fonctionnement, ni dans son appréhension, ni dans le fait que l’islam est considéré comme une religion étrangère, voire de l’étranger.
Que fait-on alors ?
Nathalie Goulet : Déjà, on évite les concours Lépine de toutes ces personnes qui font des propositions comme un « contrat entre les musulmans et la France ». On parle ici de citoyens français de confession musulmane ! […] On travaille avec la communauté et on lui suggère des choses, mais l’État ne peut pas s’en mêler, sauf à considérer qu’on est à l’ère de Napoléon et on viole la loi de 1905.
Compte tenu du contexte actuel, cette loi de 1905 est-elle encore adaptée, selon vous ?
Nathalie Goulet : J’encourage justement mes collègues à proposer une autre mission d’information sénatoriale pour l’année prochaine sur la loi de 1905. À titre personnel, je n’ai pas de problème, par exemple, sur les horaires distincts pour hommes et femmes dans les piscines, pour des raisons religieuses ou esthétiques. Je ne suis pas pour cette militarisation de la laïcité.
Le travail qu’on a réalisé, avec une convergence politique réussie, a été un exploit. Cela dit, quand vous avez affaire à un ensemble qui ressemble à un Rubik’s cube, la laïcité reste un point d’ancrage. On ne pouvait pas faire de propositions (à l’issue de la mission, ndlr) puisqu’on était parti du postulat qu’on ne pouvait pas toucher à la loi de 1905. Mais si on retravaille le dossier, on va pouvoir réfléchir sur la durée.
Le travail qu’on a réalisé, avec une convergence politique réussie, a été un exploit. Cela dit, quand vous avez affaire à un ensemble qui ressemble à un Rubik’s cube, la laïcité reste un point d’ancrage. On ne pouvait pas faire de propositions (à l’issue de la mission, ndlr) puisqu’on était parti du postulat qu’on ne pouvait pas toucher à la loi de 1905. Mais si on retravaille le dossier, on va pouvoir réfléchir sur la durée.
* Interview réalisée le 6 juillet, première parution de l'article dans Salamnews, n° 59, septembre-octobre 2016.
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