Politique

« Nègres pour l'esclavage » : le réquisitoire anti-voile de Laurence Rossignol qui choque

Rédigé par Samba Doucouré et H. Ben Rhouma | Mercredi 30 Mars 2016 à 13:22

La ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, était l’invitée de la matinale de BFMTV/RMC mercredi 30 mars. L’animateur Jean-Jacques Bourdin a demandé à Laurence Rossignol ce qu’elle pensait des grandes marques qui s’attaquent au marché de l'habillement destiné aux femmes musulmanes. La ministre ne s'est pas privée de répondre d'une manière déconcertante, créant une énorme polémique. L'Observatoire national contre l'islamophobie réagit.



La ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol a accordé une interview tonitruante à BFMTV où elle dénonce la mode islamique que suivent les grandes marques de vêtements.
Les droits des femmes ? Pas pour les femmes musulmanes qui choisissent, en toute liberté, de porter le voile, à entendre Laurence Rossignol. La ministre, assignée à cette fonction au gouvernement depuis le remaniement ministériel du 11 février dernier, s’est dite choquée par le nouveau phénomène de mode pour les femmes musulmanes dans une interview sur RMC (plus bas) mercredi 30 mars. « Ce qui m'a frappé, ce sont les arguments que donnent ces marques, qui disent ne faire la promotion d'aucun mode de vie, comme s'il y avait une dissociation entre les vêtements et les modes de vie », a-t-elle déclaré.

Pour la ministre, la liberté des femmes est mesurable à la longueur des jupes et le port ou non de pantalon en mentionnant des faits de l'histoire (très) récente en France s'agissant des droits accordés aux femmes. « Par exemple, à la fin des années 1960, les femmes peuvent avoir un compte en banque, elles vont à l'école, à l'université, elles accèdent à la contraception et en même temps, les jupes raccourcissent ou elles mettent des pantalons aussi », signale-t-elle. La ministre conclut magistralement sa leçon d’Histoire en affirmant que cela « prouve bien qu'entre la tenue des femmes et leurs droits, il y a un lien, parce que l'enjeu est celui du contrôle social sur les corps des femmes ».

L’ancienne sénatrice de l’Oise pointe ainsi les marques qui « investissent ce marché lucratif pour les pays d'Europe », « se mettent en retrait de leur responsabilité sociale et d'un certain point de vue, font la promotion de cet enfermement du corps des femmes ».

Laurence Rossignol persiste et signe une seconde fois, déclarant que « quand on enferme le corps des femmes sous des vêtements qui vont des orteils jusqu'au bout des doigts, l'enfermement global n'est pas loin pour elles derrière ».

« Des nègres américains étaient pour l'esclavage »

Laurence Rossignol se lance ensuite dans une diatribe contre « l’emprise des salafistes » qu’elle assimile à celle de sectes dont elle voudrait libérer les musulmanes de France. Précisant de façon utile (ou pas) que « 4,5 millions de musulmans ne demandent qu’à vivre dans le respect et le bénéfice des lois de la République », la ministre affirme cependant que, dans de nombreux quartiers, « on voit de moins en moins de femmes dehors, dans la rue, dans les cafés (…) vivre libres dans leur quartier ». Elle dit apporter son soutien aux groupes de femmes à Aubervilliers ou à Sevran où s'est constituée l'association de la Brigade des mères.

Laurence Rossignol veut « garantir à ceux qui vivent en France et aux Franco-musulmans, qu’ils (puissent) y vivre bien ». Ne relève pas le concept, pour le moins étrange, de « Franco-musulmans », Jean-Jacques Bourdin a tout de même trouvé la lucidité de rappeler à la ministre que « certaines femmes choisissent aussi » de porter le voile. Son invitée ne se démonte pas pour autant et étale de nouveau ce qu'elle sait de l'histoire : « Il y a des femmes qui choisissent, il y avait des nègres afr..., des nègres américains qui étaient pour l’esclavage ».

Outre le parallèle choquant entre l’esclavage et le port du voile, l’utilisation du terme raciste « nègre » et le déni de capacité de libre arbitre des musulmanes, Laurence Rossignol se positionne en adversaire des femmes musulmanes voilées. « Je crois que ces femmes sont pour beaucoup des militantes de l’islam politique et je les aborde comme des militantes. Je les affronte sur le plan des idées et je dénonce le projet de société qu’elles portent », fait-elle savoir. Pour elles, les femmes voilées ne sont présentes que dans deux catégories : celles qui « militent pour l’islam politique » et celles « qui subissent l’oppression globale du quartier ».

La mode islamique, un « danger » pour les droits des femmes

Laurence Rossignol ne perd pas le fil de sa démonstration pour autant et revient sur les grandes marques « irresponsables » qui « mettent les femmes musulmanes dans la situation de devoir porter ça ». Elle insiste ensuite encore sur la responsabilité des lanceurs de tendance que sont les publicitaires ou les enseignes de luxe qui « participent des représentations et de l’image de la société ».

La ministre termine son récital en souhaitant une mobilisation à l’image de celle contre l’anorexie dans le monde du mannequinat : « On dit que les grands couturiers donnent une image de la maigreur des femmes avec des mannequins anorexiques, ce qui est dangereux pour la santé des jeunes filles. Ces mêmes couturiers donnent une image des femmes avec ces lignes islamiques qui sont dangereuses pour l’image et les droits des femmes musulmanes en France. » Un rapport hallucinant qui en dit long de sa détestation du voile.

Le danger de faire « le jeu de Daesh »

D'amalgames en préjugés, Laurence Rossignol a prouvé que, en matière des droits des femmes, une partie d'entre elles sont exclues de son champ de défense.

Le président de l’Observatoire contre l’islamophobie Abdallah Zekri a dénoncé « avec force » des propos qui « stigmatisent les femmes musulmanes ». « On demande aux musulmans de respecter la laïcité. Je souhaite qu’elle en fasse de même et qu’elle cesse de faire preuve d’ingérence dans le choix des femmes », a-t-il réagi auprès de Saphirnews.

« Fait-elle le même reproche aux princesses saoudiennes qui viennent en France et qui sont au top de la mode islamique ? », s’est interrogé le secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui estime que la ministre fait « le jeu de Daesh et des radicaux » qui voudraient montrer que les musulman-e-s n’ont pas leur place en France, ce qui, « dans l’état actuel de la France, est dangereux ».

Mise à jour jeudi 31 mars : Laurence Rossignol a évoqué « une faute de langage » pour l'utilisation du terme « nègre » mais elle ne renie pas le fond et assume la totalité de ses propos. Depuis mercredi, les réactions se multiplient pour condamner son discours, à l'instar du Conseil français du culte musulman (CFCM). Une pétition appelant François Hollande et Manuel Valls à sanctionner la ministre a recueilli plus de 20 000 signatures.