« Pour aborder l’enjeu écologique, les États doivent se débarrasser de leurs intérêts nationaux et doter leur réflexion d’une dimension universelle. Le monde serait bénéficiaire d’une intelligence et d’une ambition collective », recommande Nicolas Hulot, envoyé spécial pour la protection de la planète.
En quoi les religions peuvent-elles jouer un rôle dans la prise de conscience de la sauvegarde de la planète ?
Nicolas Hulot : Que nous soyons musulmans, catholiques, laïques, riches, pauvres, à l’ouest, à l’est, au nord, au sud, nous serons tous perdants ou tous gagnants en fonction de ce qui sera déterminé à la Conférence pour le climat à Paris et dans les années à venir. Ce qui se joue à Paris, c’est l’irréversibilité des phénomènes qui n’est pas qu’un simple sujet environnemental, c’est un sujet humaniste par excellence. La plupart des religions se disent expertes en humanité. Or l’humanité ‒ dans les deux sens du terme, au sens de famille humaine et au sens de valeur suprême ‒ est en péril. L’appui des confessions, des hommes d’esprit que j’appelle unis au sommet des consciences est inespéré parce que toutes ces paroles combinées portent évidemment dans un premier temps dans la communauté des croyants mais elles diffusent aussi largement au-delà de celles-ci.
Vous avez parcouru le monde pour préparer la COP21. Que retenez-vous de vos rencontres dans les pays musulmans ?
Nicolas Hulot : Que cela soit à l’université al-Azhar, au Caire, en Égypte, lors de la visite de l’institut de formation des imams, à Rabat, au Maroc, ou quand j’ai rencontré d’autres représentants au Qatar, etc., je ne pensais pas qu’il y aurait une telle mobilisation et qu’il y ait une telle convergence de points de vue. C’est un renfort inespéré : la Déclaration islamique sur le changement climatique d’Istanbul a résonné dans beaucoup de pays, de même que l’Encyclique sur l’environnement du pape qu’ont relayée les journaux du monde entier. C’est pour cela que jusqu’à la Conférence pour le climat de Paris nous avons besoin de l’ensemble des acteurs pour que nous ne subissions pas l’Histoire mais pour que nous l’écrivions ensemble.
Quelle peut être la portée des textes religieux traitant de l’écologie ?
Nicolas Hulot, en présence de François Clavairoly, président de la CRCF, et des membres du CFCM, lors de la présentation à la presse de la Déclaration islamique sur le changement climatique, le 28 octobre 2015.
Nicolas Hulot : Si on veut que les chefs d’État à Paris soient ambitieux, il faut qu’ils se sentent soutenus et investis par les citoyens. Je pense que l’influence des confessions est un vecteur efficace. La Déclaration islamique d’Istanbul est plus courte mais très complémentaire de l’Encyclique du pape, et tout aussi puissante. D’un côté, l’Église catholique nous dit que nous devons être économes de la Nature ; d’un autre, le Coran dit que nous devons être intendants de la Nature. Les textes religieux sacralisent les enjeux écologiques en nous rappelant nos responsabilités vis-à-vis de l’ensemble du vivant. Ils participent d’une critique d’une société de consommation à outrance et replacent l’homme à sa juste échelle dans ses responsabilités, ses droits et ses devoirs. Ils nous obligent à redéfinir collectivement un modèle de société, où la mondialisation n’est pas fondée sur l’exploitation mais sur le partage. Cette dimension culturelle est essentielle car le dénominateur commun à toutes les crises que nous traversons est une profonde crise de sens.
Vous dites croire à la force du discours des hommes de foi, à leurs capacités de sensibiliser, est-ce une parole qui vous touche personnellement ?
Nicolas Hulot : Qu’ils soient catholiques, protestants, orthodoxes, juifs, bouddhistes ou musulmans, je me retrouve en leurs discours… Ce sont des analyses sur la société matérialiste, sur cette science qui n’a pas de conscience, sur le fait que l’épanouissement d’une partie de l’humanité se fait sur le dos de la Nature et d’autres peuples. Je me retrouve dans le diagnostic, la critique de notre modèle de société, le constat de la situation écologique du monde, et aussi dans l’appel à une société de sobriété et de modération. Et surtout de solidarité. Les Églises le disent avec leurs arguments et leurs valeurs tandis que cela est entendu différemment quand c’est porté par quelqu’un comme moi.
Vos engagements passés et présents sont éminemment politiques, mais prennent-ils source à une spiritualité ou bien ont-ils abouti à un cheminement spirituel ?
Nicolas Hulot : Il y a les deux : il y a une dimension purement rationnelle et une dimension, je l’espère, spirituelle. Je pense non seulement que je fais partie de la Nature mais aussi que j’ai ce privilège comme l’ensemble des humains d’être la partie consciente de la Nature. Mon expérience personnelle fait que quand je suis avec une baleine ou quand j’observe un insecte je me sens proche, solidaire, je ne me sens pas supérieur, je suis différent mais je me sens appartenir à la Nature. J’ai surtout une conscience aiguë que nous vivons sur un seuil étroit de tolérance et sur un substrat extrêmement fragile ; il y a donc une dimension éminemment spirituelle. Quand on me demande quelle est ma religion, je dis que je vois Dieu dans la Nature.
Vous avez publié le manifeste « Osons » pour sensibiliser les Français à l’écologie. Est-ce parce qu’ils n’ont pas encore suffisamment pris conscience de l’importance de l’engagement écologique ?
Nicolas Hulot : Non, je voulais donner aux Français, mais pas à eux seulement, la possibilité de jouer un petit rôle dans la perspective de la conférence climat qui va être un moment déterminant pour l’avenir de l’humanité. Souvent les gens me demandent : « Qu’est-ce que je peux faire ? » Simplement nous rejoindre dans l’interpellation que nous faisons aux chefs d’État parce que ce sont eux qui ont les clés du succès ou de l’échec de Paris. Mais pour que cela bascule plutôt vers le succès, il faut qu’ils se sentent investis par le plus grand nombre qui disent aux chefs d’État : « Voilà ce qu’il faut faire. » Parce qu’un échec à Paris, c’est condamner à mort des centaines de milliers de personnes.
Vous utilisez l’humour à la façon des « Youtubeur » dans une vidéo pour sensibiliser les jeunes... L’humour fait-il mieux passer le message écologique que le politique ?
Nicolas Hulot : Il faut tout utiliser, faire feu de tout bois. Il faut utiliser le support des religions, tenir parfois un discours très étayé, technique, économique, mais aussi utiliser la dérision, l’autodérision ou l’humour. Il faut utiliser tous les codes parce que ce qui se joue n’est pas mon propre avenir, n’est pas simplement l’avenir de la France, c’est l’avenir de la famille humaine. J’utilise tous les vecteurs pour faire en sorte que chacun se manifeste positivement, en amont de la Conférence de Paris, pour changer le monde.
Pour vous, quelles valeurs fondamentales rassemble l’écologie ?
Nicolas Hulot : Il y a une valeur qui est la clé du futur, qui est le gage de la paix, c’est la solidarité. Solidarité dans l’espace, dans le temps et avec le vivant. Parce que l’homme s’est désolidarisé de tout, chacun essaie de tirer son épingle du jeu, il va falloir connecter le monde non pas pour le pire mais pour le meilleur : chaque citoyen est en droit d’être traité équitablement et de cesser d’être exploité au profit des autres.
BIO EXPRESS
Né le 30 avril 1955, à Lille, Nicolas Hulot est connu pour avoir été le présentateur et producteur de l’émission télévisée « Ushuaïa ». En 1990, il crée la fondation Ushuaïa, qui deviendra par la suite la Fondation pour la Nature et l’homme. En 2011, il est candidat à la primaire présidentielle écologiste mais se fait battre. En 2012, le président de la République le nomme envoyé spécial pour la protection de la planète, avec pour mission de mobiliser la communauté internationale sur la crise écologique mondiale et de préparer la 21e Conférence climat (COP21) qui se tient à Paris, du 29 novembre au 11 décembre.
Dans la perspective de la COP21, il organise, en juillet dernier, le Sommet des consciences, qui rassemble une quarantaine de personnalités morales et religieuses du monde entier et publie Osons, plaidoyer d’un homme libre (Éd. Les Liens qui libèrent, oct. 2015) contenant 12 propositions concrètes à l’adresse des décideurs politiques et 10 engagements individuels pour que chacun s’implique dans la sauvegarde de la planète.
Né le 30 avril 1955, à Lille, Nicolas Hulot est connu pour avoir été le présentateur et producteur de l’émission télévisée « Ushuaïa ». En 1990, il crée la fondation Ushuaïa, qui deviendra par la suite la Fondation pour la Nature et l’homme. En 2011, il est candidat à la primaire présidentielle écologiste mais se fait battre. En 2012, le président de la République le nomme envoyé spécial pour la protection de la planète, avec pour mission de mobiliser la communauté internationale sur la crise écologique mondiale et de préparer la 21e Conférence climat (COP21) qui se tient à Paris, du 29 novembre au 11 décembre.
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Première parution de cet article dans Salamnews, n° 55, novembre-décembre 2015.
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