Mardi 06 mai, à l’initiative de la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme), du Grand Orient de France et de l’UEJF (Union des étudiants juifs de France), un rassemblement républicain s’est tenu sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris. Ce rassemblement avait pour objectif de réaffirmer les valeurs fondamentales de la République et de combattre avec fermeté les communautarismes, le racisme et la xénophobie.
Dans le message adressé par le chef de l’Etat à l’assistance, Jacques Chirac affirme que : « Nul en France ne doit rencontrer la peur ou subir des discriminations à cause de sa naissance, de sa religion ou de la couleur de sa peau. » Lors de ce même rassemblement et dans l’indifférence la plus totale, des jeunes femmes portant le foulard ont pourtant subi l’humiliation et la discrimination du seul fait de leur appartenance religieuse.
Ce que les médias n’ont pas dit
Venant à titre individuel participer à ce rassemblement pour manifester mon attachement aux valeurs républicaines et clamer haut et fort la défense de la laïcité et la lutte contre toutes les formes de racisme et de communautarisme, à peine arrivée sur le parvis de l’Hôtel de Ville, je me suis vue harceler par des manifestants qui trouvaient que ma présence avec eux, en portant le foulard, était une « atteinte » à la laïcité.
Une manifestante s’est approchée de moi et de façon violente, m’a crié : « Tu verras ! Bientôt, tu n’auras plus ce foulard sur la tête, ni à l’école, ni en public… Tu verras ! Bientôt tu seras obligée de l’enlever ». Un autre, à ma droite, a exigé une réponse à des versets coraniques qu’il prétend instaurer l’inégalité entre la femme et l’homme, un troisième m’a traitée de femme soumise et manipulée et un quatrième, son caméscope à la main, m’a demandé : « Ne penses-tu pas que la circoncision est un signe de repli identitaire ? »
Dix minutes à peine, après mon arrivée, je me suis donc retrouvée entourée d’une foule qui essayait, par tous les moyens, de me provoquer. Constatant que les esprits s’échauffaient autour de moi, j’ai essayé de leur expliquer que ma présence n’était pas en opposition et que j’avais le droit, tout comme eux, de manifester mon attachement aux valeurs républicaines. Un des manifestants, ne pouvant supporter cet acharnement contre moi au seul prétexte que je portais le foulard, est intervenu pour rappeler le respect de la religion des autres et le principe de la démocratie, en précisant qu’il était juif et qu’il trouvait inadmissible les propos qu’il venait d’entendre.
Dans la même manifestation, un groupe ou il y’avait des jeunes femmes qui portaient le foulard a subi le même sort que moi. Le service de police, considérant la menace comme très sérieuse, a dû resserrer sa protection autour du groupe; ce dernier a été écarté et escorté jusqu’au métro (Voir ci-dessous, les articles du Monde et de Libération)1.
Pourquoi la discrimination qu’ont subie les jeunes femmes musulmanes lors de ce rassemblement n’a-t-elle pas été dénoncée par les médias ? Pourquoi les a-t-on empêché de manifester en les « écartant discrètement » ?
Doit-on comprendre qu’avec les citoyens français de confession musulmane, tout est permis et qu’ils n’ont pas droit au même traitement que les autres citoyens de la République ?
L’amalgame et la confusion étaient à l’ordre du jour
A entendre MM. Alain Finkielkraut et Patrick Klugman, on aurait cru que le foulard islamique est devenu « la pneumopathie atypique » que la République doit éradiquer à tout prix pour protéger la laïcité et éviter que ne s’étende la menace islamiste, ce qui justifie sans doute l’évacuation des jeunes femmes avec le foulard !
Les déclarations du musulman Ghaleb Bencheikh, sont venues confirmer cette théorie préventive contre l’invasion islamiste et avertir le public de la montée de l’intégrisme musulman qui, selon lui, « cache la beauté de Dieu » sous un foulard.
Dans ce contexte, nous ne devons donc pas trop nous étonner que l’AFP titre une de ses dépêches du jour même : 'FOULARD, ANTISÉMITISME et COMMUNAUTARISME'. Les raccourcis et les amalgames étaient à l’ordre du jour et « le foulard, l’Islam et les banlieues » étaient la combinaison gagnante pour éviter les huées et les sifflets.
Ce discours dangereux stigmatisant les musulmans de France ne pourra que faire augmenter les dérives communautaires. C’est ce « fast-food intellectuel » qui empêche l’instauration d’un vrai dialogue et la création d’espaces de confiance et d’échanges que ces jeunes femmes musulmanes étaient venues chercher dans ce rassemblement où aucune composante de la société française ne pouvait prétendre détenir le monopole des valeurs républicaines.
Faut-il rappeler, comme l’a fait à plusieurs reprises Mme Françoise Laborde, journaliste de France 2 et modératrice du rassemblement, que ce dernier devait être un rassemblement pour la tolérance ?
Faut-il également rappeler que, dans ces temps frappés par le communautarisme et la xénophobie, il ne suffit pas de chérir les valeurs républicaines mais qu’il faut être l’exemple vivant des valeurs que l’on prétend défendre ?
Au fond du parvis, quatre jeunes filles et deux garçons sont restés debout, alignés sagement les un à côté des autres, tenant en main les drapeaux offerts par le Grand Orient. Les filles portaient le voile et de longues robes. Elles sont venues sans pancarte ni revendication apparente, défendre leur propre conception de la laïcité qui est, selon l’une des jeunes filles, «la liberté de faire coexister les religions les unes à côté des autres ». Les CRS, sortis des cars stationnés dans les rues voisines, ont discrètement écarté le petit groupe.
LE MONDE | 07.05.03 |
Le 'communautarisme' s'est illustré en marge du mouvement : six jeunes musulmanes voilées ont brandi des drapeaux tricolores, avant d'être évacuées discrètement car une dizaine de jeunes militants juifs extrémistes commençaient à se faire menaçants. 'On est venu pour casser du bougnoule', avouaient-ils à un militant du mouvement pacifiste Shalom Archav.