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ONU, Egypte, Turquie, France... le tour d'horizon des réactions après la mort de Mohamed Morsi

Rédigé par Lina Farelli | Mercredi 19 Juin 2019 à 17:35

De la Turquie à la France, en passant par la Tunisie, sans oublier l'ONU et les ONG de défense des droits humains, quelles réactions a provoqué l'annonce de la mort de Mohamed Morsi en Egypte ? Entre le silence des uns et l'émotion des autres, voici un tour d'horizons des réactions.



A peine la nouvelle diffusée sur la télévision d’Etat égyptienne qu’elle a fait le tour du monde lundi 17 juin : Mohamed Morsi, le premier président démocratiquement élu en Égypte, est mort en pleine audience au tribunal, à l’âge de 67 ans après six années de prison. Son décès a vivement secoué les partisans de l’ex-chef d’Etat, issu de la confrérie des Frères musulmans dont Abdel Fattah al-Sissi a juré leur perte.

Mohamed Morsi élevé au rang de « martyr » en Turquie

La démonstration de peine la plus visible nous vient de la Turquie, terre de refuge pour les Frères musulmans, particulièrement après le coup d’Etat en 2013. Recep Tayyip Erdogan a ainsi tenu une conférence de presse, lundi 17 juin, où il a rendu un vibrant hommage à celui qui fut son allié de longue date.

« Que Dieu accorde à notre martyr, notre frère Morsi, sa miséricorde », a déclaré le président turc qui a qualifié l’Occident d’« hypocrite ». Il a déploré l’attitude des pays occidentaux « silencieux face aux exécutions de Sissi ». « Les États de l’Union européenne (UE) interdisent la peine de mort, mais acceptent de rencontrer un meurtrier en Égypte », a-t-il dénoncé.

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Dès le lendemain, Recep Tayyip Erdogan, accompagné de plusieurs membres de son gouvernement, a accompli, avec des milliers de personnes, une prière funéraire en hommage à Mohamed Morsi dans la mosquée Fatih à Istanbul, sous la supervision de la Direction des affaires religieuses (Diyanet) qui a appelé les lieux de culte musulmans à organiser des prières mortuaires en faveur du défunt.

L’émir du Qatar, le cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, a exprimé sa « profonde tristesse », tandis que l’Iran a regretté « une mort malheureuse ». En Tunisie, Abdehamid Jelassi, dirigeant du parti Ennhadha, a rendu hommage à Mohamed Morsi sur une note poétique. « Ceux qui ont su forger l’aube avec leur vie savaient comment vivre. Ils savaient comment, où et quand ils mourront », a-t-il publié sur les réseaux sociaux.

L’ancien président tunisien, Moncef Marzouki a, quant à lui, décrit Mohamed Morsi comme un homme fort et courageux qui n’a jamais abandonné ses valeurs et ses positions. « L’histoire a eu son mot à dire. Mohamed Morsi est entré par la grande porte », a-t-il écrit. Il a exprimé son émotion devant les caméras d’Al-Jazeera dont nous choisissons de ne pas diffuser les images d’un moment qui ne devait vraisemblablement pas être diffusé.

L’ouverture d’une enquête indépendante réclamée

« Toute mort soudaine en prison doit être suivie d’une enquête rapide, impartiale, minutieuse et transparente menée par un organe indépendant afin de faire la lumière sur la cause du décès », a indiqué le porte-parole du Haut-commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, Rupert Colville, à l’annonce du décès de Mohamed Morsi. « L’enquête devra (…) prendre en compte aussi tous les aspects du traitement infligé par les autorités à M. Morsi pour vérifier si les conditions de sa détention ont eu un impact sur sa mort », a-t-il ajouté.

Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), qui dénoncent régulièrement le régime répressif égyptien, ont également réclamé l’ouverture d’une enquête internationale indépendante afin de mettre la lumière sur les circonstances du décès de l’ancien président égyptien. « Sa mort est terrible, mais largement prévisible », a fait savoir Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de HRW.

Des mauvais traitements en détention mises en cause

Son décès « est survenue suite à des années de mauvais traitements, de réclusion prolongée en isolement, de soins médicaux insuffisants et de privation de visites familiales et d’entretiens avec ses avocats ». « À tout le moins, le gouvernement égyptien a commis de graves abus contre Morsi en le privant de ses droits fondamentaux de prisonnier », a-t-elle indiqué.

HRW rappelle ainsi que Mohamed Morsi était diabétique et qu’il avait « déclaré aux juges qu’il souffrait de comas diabétiques en détention à cause du manque d’assistance médicale pour son dosage d’insuline et de son alimentation » et que « par périodes, craignant pour sa vie, il évitait les repas de la prison et ne se nourrissait que de boîtes de conserves ».

En réponse à l’accusation d’une « négligence criminelle » des autorités de la part de HRW, le pouvoir en place en Égypte dénonce de « fausses allégations » et une « exploitation politique au nom des droits humains ». Quant à la demande d'une enquête souhaitée par l'ONU, elle a été présentée par le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ahmed Hafez, comme une « tentative délibérée pour politiser un cas de décès naturel ». C'est en toute discrétion et sous haute surveillance que Mohamed Morsi a été enterré, mardi 18 juin, au Caire. La demande d'inhumation du défunt dans sa ville natale de Sharqiya formulée par sa famille a été rejetée.

Quelles réactions en France ?

Aux États-Unis, Morgan Ortagus, porte-parole du Département d’État, a indiqué que Washington n’avait aucune déclaration à faire sur ce décès et que l’administration examine les rapports relatifs à cet événement. En France, le silence radio des autorités concernant la mort de Mohamed Morsi est aussi assourdissant.

Parmi les musulmans de France, de nombreuses réactions rendant hommage au président déchu ont fleuri sur les réseaux sociaux. Du côté des organisations musulmanes, seules les fédérations Musulmans de France (ex-UOIF), proche des Frères musulmans, et la Confédération islamique Milli Görüs (CIMG) ont réagi par voie de communiqués.

« Emprisonné depuis six ans, suite à un coup d’État qui a fait place à la dictature du général Sissi, Mohamed Morsi a fait l’objet de plusieurs chefs d’accusations et a été condamné à des peines de prison ou de mort dans des procès iniques violant tous les droits les plus élémentaires », ont déclaré les Musulmans de France qui ont dénoncé « les conditions de détention et l’injustice » dont cet ancien président a été victime. L’association « espère que le sacrifice et l’exemple du président Mohamed Morsi permettra aux jeunes générations de retrouver la voie de la démocratie, de la liberté et de la justice ».

Le CIMG déplore, quant à lui, que « le choix démocratique du peuple égyptien a été spolié par le coup d’État militaire sanglant perpétré » contre Mohamed Morsi en 2013. Exprimant ses condoléances aux proches de cet ancien président, le CIMG l’a décrit comme un homme qui « ne s’est pas incliné et n’a jamais renoncé à ses convictions, qui étaient notamment le droit à la liberté, à la démocratie et à la justice pour le peuple égyptien » et a appelé les musulmans de France « à prier pour que Dieu lui accorde sa miséricorde ».

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