Sur le vif

PSG - Basaksehir : les équipes font front contre le racisme, une première dans l'histoire du football

Rédigé par Radjaa Abdelsadok | Mercredi 9 Décembre 2020 à 14:00



Les équipes du Paris Saint-Germain et d'Istanbul Basaksehir devaient s'affronter mardi 8 décembre, au Parc des Princes. Mais le match de de Ligue des champions a pris une tournure à laquelle personne ne s'attendait.

L'ambiance est, en effet, devenue pesante à la 14e minute après des propos racistes présumés proférés par le 4e arbitre à l'encontre de Pierre Achille Webo, qui a qualifié l'entraineur-adjoint du club turc de « négro ». A ces propos, Pierre Achille Webo descend du banc des visiteurs et intervient sur le terrain en répétant à plusieurs reprises en anglais « Pourquoi a-t-il dit négro ? ». Il reçoit alors un carton rouge de la part de l'arbitre central.

Le bruit court sur le terrain, autant dans l'équipe turque que française. La consternation se lit sur les visages de plusieurs joueurs des deux équipes. Joueurs et arbitres, se confondent en cohue sur le terrain. C'est l'attaquant d'Istanbul Basaksehir, Demba Ba, qui depuis son banc, se manifeste avec force. Il n'attendra pas la seconde mi-temps pour intervenir, expliquant à l'arbitre en question avec calme : « En parlant d’un joueur blanc, vous dites "cet homme" et non "cet homme blanc" donc pourquoi vous dites "cet homme noir" pour parler d’un joueur noir ? » Le joueur invite ensuite ses coéquipiers à quitter le terrain. Il est rapidement rejoint par les joueurs du PSG dont Kylian Mbappé et Neymar qui réclament l'interruption du match. Le défenseur français, Presnel Kimpembe, lance un appel général : « Venez, on sort. » A 21h23, le match est officiellement arrêté.

En quittant le terrain de concert, les deux équipes font front contre le racisme, une première dans l'histoire du football. Les réactions se sont multipliées, à commencer par celle du PSG. « C’est un fait extra-sportif qui a mis un terme à cette rencontre après tout juste 13 minutes de jeu », explique le club, qui rappelle que « toute forme de racisme va à l’encontre des valeurs véhiculées par le Paris Saint-Germain, son Président, son staff et ses joueurs ».

Des réactions au sommet de l'Etat

Au-delà du monde du football, cette affaire est allée jusqu'à faire réagir le président turc qui condamne fermement les propos racistes et témoigne de son soutien à l'équipe. Au micro de BFM TV, c'est la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, qui se félicite que l'équipe ait réagi par conviction. « C'est une réaction de fierté. On avait entendu les joueurs se positionner ces derniers temps sur ce sujet qui compte pour eux mais ils n'avaient jamais réagi en situation de match. (...) Là, on ne va plus pouvoir reculer. Une fois que les joueurs prennent ça en mains et décident ensemble de faire bloc et de dire non, on va tous être - instances comprises - obligés d'agir et de se positionner sur ces thématiques qui sont malheureusement courantes », explique-t-elle.

C'est « une décision historique face à une attitude qu'ils (les joueurs) ont jugée inacceptable. Une expression de racisme ordinaire. Nous attendons les résultats de l’enquête mais je ne peux que saluer la symbolique forte de leur geste et leur solidarité », a-t-elle aussi déclaré sur Twitter. Le président de la Fédération Française, Noël Le Graët, s'est également exprimé à ce sujet, saluant « l’attitude des deux équipes qui ont pris une décision forte et exemplaire en quittant le terrain. Ces incidents inacceptables n’ont pas leur place dans un stade ».

Un quiproquo de langage ?

Selon le journaliste roumain Emanuel Rosu, en entretien pour le média SoFoot, il explique que l'arbitre « a utilisé l’expression "le noir" pour désigner Webo auprès de Hategan et demander à celui-ci de lui mettre un carton jaune. Effectivement, "noir" se dit "negru" en roumain, ce qui à l’oral, peut être très facilement confondu avec le mot "negro". S’il avait plutôt utilisé l'anglais, cela aurait peut-être permis d’éviter une confusion linguistique. Mais là, selon les enregistrements que j’ai entendus, il a répété "negru" au moins deux fois ».

De son côté, le 4e arbitre de nationalité roumaine, Sebastian Coltescu, aurait exprimé des excuses officielles sur Twitter en ces termes : « Mes excuses pour le quiproquo. Le racisme n'a jamais été mon intention. Parfois, les gens ne savent pas comment exprimer leurs émotions correctement et tout peut faire l'objet d'une mauvaise interprétation. J'adresse mes excuses au nom de la Ligue des Champions et de l'UEFA. J'espère que vous feriez preuve de compréhension. » Néanmoins, rien n'indique formellement, selon RMC, qu'il s'agisse bien d'une action de l'arbitre,

Le match fait néanmoins date. L'UEFA a ouvert, pour sa part, une enquête pour éclaircir cette affaire. Le match a été reporté au mercredi 9 décembre à 18h55 et se tiendra avec de nouveaux arbitres.

Mise à jour : Le match s'est soldé par une victoire 5 à 1 pour le PSG mais ce n'est pas tant ce résultat dont on se souviendra. Genoux à terre, poings levés, c'est ainsi que joueurs et arbitres se sont retrouvés dans le rond central avant de débuter le jeu afin de dénoncer le racisme dans les stades. Un geste fort pour marquer tant les esprits que l'histoire.

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