Nadir Dendoune, réalisateur de « L’affaire Salah Hamouri », entouré des journalistes Gwenaëlle Lenoir et Dominique Vidal lors du débat à l'issue de la première projection du film le 21 avril. © Fatiha Lamgharazze
Devant une salle comble de près de 300 personnes, Nadir Dendoune se laisse aller à la confidence, comme à son habitude. « Je suis très heureux de pouvoir enfin présenter ce film, c’était une vraie galère, deux ans de boulot ! », lâche-t-il à son public. Parler du traitement médiatique de l’affaire Salah Hamouri n’est pas une mince affaire. Un dossier kafkaïen.
Ce jeune Franco-Palestinien a été emprisonné à 19 ans dans les geôles israéliennes pour une simple « intention » qu'on lui prête. Celle d’avoir voulu assassiner le rabbin Ovadia Yossef, un chef du Shass, parti ultra-orthodoxe israélien, en 2005. Autre « problème » pour la justice israélienne, l’étudiant appartient au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Du jour au lendemain, il est arrêté à Jérusalem et jugé par un tribunal militaire. Sans avocat ni aucun lien avec l’extérieur. Il écopera de sept ans de prison. Sa mère, Denise, originaire de Bourg-en-Bresse, aura remué ciel et terre pour que son pays, et celui de son fils, la France, intervienne, mais silence radio. « S’il avait été jugé comme un citoyen français, il n’aurait jamais été traité comme cela », rappelle Léa Tsemel, la première avocate de Salah Hamouri. D’où l’importance capitale de la médiatisation et de l’implication des responsables politiques.
Malgré de multiples tentatives, la création d’un comité de soutien présidé par Jean-Claude Lefort, président jusqu'en 2013 de l'Association France Palestine Solidarité (AFPS)… Rien en dehors des cercles militants. Jusqu’au 8 novembre 2009, au JT de 13h sur France 2. L’invité de Laurent Delahousse est l’acteur populaire François Cluzet, Jean-François Copé, alors président du groupe UMP à l’Assemblée, est également en plateau. Le débat politique du moment est l'identité nationale... « Nicolas Sarkozy a dit : "J’irai chercher tous les Français dans le monde quoi qu’ils aient fait ou qu’ils soient." Or, Salah Hamouri (…) c’est un Français de mère, un Palestinien de père et il est en prison pour délit d’opinion depuis quatre ans… Et personne n’en parle ! » avait-il lancé, visiblement irrité. Le « coup de gueule » de l’un des principaux acteurs du futur film à grand succès « Intouchables », jette un pavé dans la marre. C’est le point de départ du documentaire de Nadir Dendoune.
Ce jeune Franco-Palestinien a été emprisonné à 19 ans dans les geôles israéliennes pour une simple « intention » qu'on lui prête. Celle d’avoir voulu assassiner le rabbin Ovadia Yossef, un chef du Shass, parti ultra-orthodoxe israélien, en 2005. Autre « problème » pour la justice israélienne, l’étudiant appartient au Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Du jour au lendemain, il est arrêté à Jérusalem et jugé par un tribunal militaire. Sans avocat ni aucun lien avec l’extérieur. Il écopera de sept ans de prison. Sa mère, Denise, originaire de Bourg-en-Bresse, aura remué ciel et terre pour que son pays, et celui de son fils, la France, intervienne, mais silence radio. « S’il avait été jugé comme un citoyen français, il n’aurait jamais été traité comme cela », rappelle Léa Tsemel, la première avocate de Salah Hamouri. D’où l’importance capitale de la médiatisation et de l’implication des responsables politiques.
Malgré de multiples tentatives, la création d’un comité de soutien présidé par Jean-Claude Lefort, président jusqu'en 2013 de l'Association France Palestine Solidarité (AFPS)… Rien en dehors des cercles militants. Jusqu’au 8 novembre 2009, au JT de 13h sur France 2. L’invité de Laurent Delahousse est l’acteur populaire François Cluzet, Jean-François Copé, alors président du groupe UMP à l’Assemblée, est également en plateau. Le débat politique du moment est l'identité nationale... « Nicolas Sarkozy a dit : "J’irai chercher tous les Français dans le monde quoi qu’ils aient fait ou qu’ils soient." Or, Salah Hamouri (…) c’est un Français de mère, un Palestinien de père et il est en prison pour délit d’opinion depuis quatre ans… Et personne n’en parle ! » avait-il lancé, visiblement irrité. Le « coup de gueule » de l’un des principaux acteurs du futur film à grand succès « Intouchables », jette un pavé dans la marre. C’est le point de départ du documentaire de Nadir Dendoune.
Ignorance, culpabilité historique, autocensure...
Salah Hamouri
Pourquoi, un tel silence politico-médiatique sur cette affaire ? La question est posée dans le documentaire à des journalistes français, spécialistes de la question du Proche-Orient, correspondants à Jérusalem ou à Ramallah. Pour Gwenaëlle Lenoir, « Salah Hamouri a été arrêté et condamné par un Etat considéré comme démocratique et quelque part (...) s’il avait été condamné, c’est qu’il avait fait quelque chose effectivement. Ce qui est oublié (…) et, je pense, ignoré, y compris dans les rédactions, (c’est) que le système israélien est à deux vitesses selon qu’on soit Palestinien dans les Territoires occupés ou selon qu’on soit Israélien. On n’est pas jugé par les mêmes tribunaux », déclare le grand reporter qui a couvert la région pendant 13 années. « Et puis, Salah Hamouri est un Arabe. On s’occupe moins des Arabes dans les médias français, c’est vrai. Sauf quand ils vont faire le jihad en Syrie », lâche-t-elle.
De son côté, Benjamin Barthe, correspondant à Ramallah pour le quotidien Le Monde, rappelle que la sacro-sainte subjectivité journalistique n’existe pas : « Nous autre journalistes, (…) on écrit avec le background français, avec inévitablement le passé, dans un coin de notre mémoire, de la Shoah, avec aussi la saga de la création d’Israël… On est le produit de ça, qu’on le veuille ou non. (…) C’est inévitable qu’il y avait une proximité, une familiarité je dirais, avec l’histoire d’Israël qui est plus grande qu'avec l’histoire des Palestiniens. » Dominique Vidal, journaliste et historien, renchérit sur le sentiment de culpabilité de la classe politico-médiatique : « La France est un des pays qui a participé, y compris au niveau des autorités politiques de l’époque, au génocide des juifs et ça pèse encore aujourd’hui malgré le temps qui est passé. »
De son côté, Benjamin Barthe, correspondant à Ramallah pour le quotidien Le Monde, rappelle que la sacro-sainte subjectivité journalistique n’existe pas : « Nous autre journalistes, (…) on écrit avec le background français, avec inévitablement le passé, dans un coin de notre mémoire, de la Shoah, avec aussi la saga de la création d’Israël… On est le produit de ça, qu’on le veuille ou non. (…) C’est inévitable qu’il y avait une proximité, une familiarité je dirais, avec l’histoire d’Israël qui est plus grande qu'avec l’histoire des Palestiniens. » Dominique Vidal, journaliste et historien, renchérit sur le sentiment de culpabilité de la classe politico-médiatique : « La France est un des pays qui a participé, y compris au niveau des autorités politiques de l’époque, au génocide des juifs et ça pèse encore aujourd’hui malgré le temps qui est passé. »
Le parallèle pertinent avec Gilat Shalit
Salah Hamouri aura effectué pratiquement toute sa peine de sept ans sans aucun coup de pouce diplomatique ni médiatique. Il est sorti quelques semaines avant sa libération officielle, faisant partie des 1000 prisonniers libérés en échange du soldat Gilat Shalit, détenu par le Hamas. Le cas du Franco-Israélien est justement mis en parallèle avec celui du Franco-Palestinien. « Les parents de Gilat Shalit ont été reçu par Nicolas Sarkozy, la presse a largement relayé son histoire et il a même eu sa tête sur le fronton de la mairie de Paris ! Pourtant c'est un soldat, il a décidé de faire la guerre », s'étonne encore le réalisateur.
Mais si l’injustice est totale pour Nadir Dendoune, il a voulu montrer que la situation est plus complexe et donc à nuancer. « Ce n’est pas noir ou blanc, il y a des questions à poser sur le traitement médiatique de la zone par la France, et ce ne doit pas être un sujet tabou. Je veux pouvoir débattre de tout », explique le journaliste, qui dénonce l’autocensure de certains de ses confrères.
Mais si l’injustice est totale pour Nadir Dendoune, il a voulu montrer que la situation est plus complexe et donc à nuancer. « Ce n’est pas noir ou blanc, il y a des questions à poser sur le traitement médiatique de la zone par la France, et ce ne doit pas être un sujet tabou. Je veux pouvoir débattre de tout », explique le journaliste, qui dénonce l’autocensure de certains de ses confrères.
Interdit de se rendre à Ramallah par « ordre militaire »
Si l’histoire de Salah Hamouri est détaillée dans le très court documentaire, lui est absent en image et en son. Seule une photo apparaît en fondue, au début et à la fin… « C’est une volonté de ma part. Comme Salah a toujours été absent dans les médias, j’ai voulu matérialiser cela concrètement. On parle de lui, de son affaire mais il reste absent », a expliqué, sans plus de détails, Nadir Dendoune.
L’un des téléspectateurs n’a pas manqué de rappeler que la guerre judiciaire n’est pas terminée pour l'étudiant. Une nouvelle pétition circule sur le site de l'AFPS pour dénoncer son interdiction par « ordre militaire » d'entrer en Cisjordanie pour une durée de six mois, pour des « raisons de sécurité ». Un motif flou qui l’empêche surtout de rejoindre l’antenne de l’université d’Al Qods à Ramallah où il doit passer des examens en juillet, et d'obtenir son diplôme d'avocat.
Une nouvelle difficulté pour le Franco-Palestinien, dont le cas n'intéresse toujours que très peu la presse française. Malgré tout, Dominique Vidal se veut optimiste et estime que « les choses bougent dans l’opinion ». « La liberté d’expression, c’est pouvoir tout dire, notamment après-Charlie. Il faut le prouver maintenant », conclut Nadir Dendoune.
« L’affaire Salah Hamouri » sera projeté le 28 mai en ouverture des 5e Rencontres nationales des médias libres et du journalisme de résistance à Meymac, en Corrèze. D’autres projections sont en cours de programmation comme à Nevers le 12 juin et Bourg-en-Bresse le 7 novembre, la ville de naissance de Salah Hamouri, sont déjà annoncées.
L’un des téléspectateurs n’a pas manqué de rappeler que la guerre judiciaire n’est pas terminée pour l'étudiant. Une nouvelle pétition circule sur le site de l'AFPS pour dénoncer son interdiction par « ordre militaire » d'entrer en Cisjordanie pour une durée de six mois, pour des « raisons de sécurité ». Un motif flou qui l’empêche surtout de rejoindre l’antenne de l’université d’Al Qods à Ramallah où il doit passer des examens en juillet, et d'obtenir son diplôme d'avocat.
Une nouvelle difficulté pour le Franco-Palestinien, dont le cas n'intéresse toujours que très peu la presse française. Malgré tout, Dominique Vidal se veut optimiste et estime que « les choses bougent dans l’opinion ». « La liberté d’expression, c’est pouvoir tout dire, notamment après-Charlie. Il faut le prouver maintenant », conclut Nadir Dendoune.
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