Sur le vif

Pénaliser les médecins délivrant des certificats de virginité... pour lutter contre le « séparatisme » ?

Rédigé par | Mercredi 9 Septembre 2020 à 13:30



« Certains médecins osent encore certifier qu’une femme est vierge pour permettre un mariage religieux, malgré la condamnation de ces pratiques par le Conseil de l’ordre des médecins. On va non seulement l’interdire formellement mais proposer la pénalisation. » C’est ce qu’a affirmé Gérald Darmanin dans une interview accordée au Parisien en début de semaine.

Le ministre de l’Intérieur a en effet, affirmé vouloir s’attaquer à ces documents destinés à attester que l'hymen d'une femme n'est pas perforé et, par là, qu'elle n’aurait jamais eu de rapports sexuels.

Cette disposition, annoncée dans le cadre du projet de loi contre le séparatisme, surprend à bien des égards. Elle interroge d'ailleurs bien des médecins, dont Ghada Hatem, gynécologue et fondatrice de la Maison des Femmes à Saint-Denis. « Ma première réaction a été la surprise évidemment, parce que je ne pensais pas que ce sujet méritait qu’on légifère », a-t-elle confié dans une interview accordée à France Inter. Une initiative législative d’autant plus surprenante qu’elle « ne concerne pas des milliers de femmes. Elles doivent être tout au plus trois femmes à m’en réclamer chaque année », assure le médecin. Un état de fait d'ailleurs reconnu par le ministère de l’Intérieur, qui concède s’attaquer à une pratique « sous-terraine », « non chiffrée » et « peu fréquente ».

« Pourquoi est-ce qu’en 2020, la virginité est encore la valeur essentielle d’une jeune fille plutôt que leur culture et leur intelligence? Il faut plutôt agir sur l’éducation et faire en sorte que les jeunes filles n’acceptent plus ces demandes de leur futur conjoint », a plaidé la gynécologue sur RMC, estimant qu'il est « plus important (d'écouter les femmes) que de punir les médecins ».

La lutte contre cette pratique extrêmement minoritaire reste néanmoins une préoccupation de premier ordre pour la ministre déléguée à la Citoyenneté et ex-secrétaire chargée de l’égalité hommes-femme, Marlène Shiappa. Dans un message posté sur son compte Twitter le 7 septembre, elle a déclaré vouloir interdire et pénaliser « une pratique ignoble et indigne ».

Le Conseil national de l'Ordre des médecins condamne de longue date ce procédé, suivant les recommandations de l’Organisation mondiale de santé (OMS). « Le consentement et le respect de la patiente posent question. Ces examens sont souvent demandés par des tiers sans considération pour l'intimité personnelle et le droit à la vie privée de la personne concernée. Ils peuvent être vécus comme une agression. Ils entraînent une discrimination entre les femmes et les hommes dont les rapports sexuels échappent à toute évaluation de ce type. C'est un acte médical inutile pour la santé, sans pertinence scientifique et lourd de conséquences potentielles sur le bien-être de la patiente (…) Le Conseil national de l'Ordre des médecins soutient la déclaration de l'OMS qui recommande aux professionnels de la santé de refuser de pratiquer ces tests et de délivrer des attestations de virginité », pouvait-on lire dans un texte publié l’année dernière sur le site de l’institution.

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