Que pensez-vous objectivement de l'action de l'Imam Hassan Chalgoumi pour une meilleure entente judéo-musulmane dans sa ville ?
M. Hennich:L’intention est sans conteste très louable : rapprocher deux communautés. Mais pour la méthode je reste dubitatif et je demande à voir. La dépêche AFP qui titrait avec un brin d’humour « un imam salarie un conseiller juif et lui attribue un bureau dans la mosquée » prêtait plus à la caricature et à l’insolite. S’il s’agissait d’un centre culturel musulman ou d’une association musulmane, l’initiative serait banale, mais là on parle d’une mosquée !
Justement, comment percevez-vous le recrutement de M. Bernard Koch, de confession juive ?
M.H: Recruter un juif n’a jamais posé problème aux musulmans, même dans des postes de responsabilités. De tous temps, les dirigeants musulmans –califs, rois ou présidents- ont recruté des juifs comme ministres , vizirs, conseillers personnels, ou médecins particuliers.
L'imam vous a-t-il concerté ?
M.H:L’imam n’est pas joignable, il est partie en Tunisie le lendemain de l’évènement. Il n’a informé aucun responsable associatif de sa décision.
Il existerait une tension entre la communauté juive et musulmane en France ? Quelle est votre vision de la réalité ?
M.H: Je ne crois pas qu’il y ait actuellement une quelconque tension entre les deux communautés en France. Par contre, je reconnais que pendant la première Intifada et les flots d’images qui nous parvenaient de la-bas, il y a eu un climat très électrique, beaucoup de méfiance et d’appréhension. Les juifs de France étaient tenus pour responsables de la situation des Palestiniens. Cette accusation a été portée par certaines personnes qui sont loins d’être tous musulmans. Il y a également eu quelques agressions sur des synagogues, souvent par des personnes dont on n'a jamais découvert l'identité.
Pourtant, des liens très forts unissent les juifs et les musulmans.
M.H:Les juifs ont bien vécu parmi les musulmans et pour preuve, après la fuite des musulmans d’Andalousie vers le nord de l'Afrique, les juifs ont préféré les suivre plutôt que de rester en Espagne chrétienne.
Quelle serait, pour vous, l'action à mener ?
M.H: Au sein de l’UAM-93, nous nous définissons comme Français musulmans et toutes nos positions et démarches sont cadrées par cette définition. Par conséquent, les juifs sont pour nous des gens du Livre, des monothéistes comme nous, on prie le même Dieu et nous reconnaissons et respectons tous leurs prophètes. En même temps ils sont nos concitoyens. Nous tenons à la paix sociale et nous refusons d’importer des conflits extérieurs. Si nous refusons que nous soyons comptables de crimes ou d’attentats commis au nom de l’islam ailleurs, nous refusons que les juifs de France soit responsables de la politique israélienne.
Parlez-nous de vos actions en ce sens.
M.H:Sur le terrain, l’UAM-93 a de très bons rapports avec le CCJ-93 –Conseil des Communautés Juives de la Seine-Saint-Denis-. Ce conseil s’est créé juste après nous car les juifs de Seine-Saint-Denis ont trouvé l'idée intéressante. C’est le seul regroupement départemental juif de France, exactement comme l’UAM-93. Notre département est original dans ce sens. Nous avons tout de suite compris que nous avions une occasion en or, une chance d’accomplir dans ce département ce que nos deux communautés sont incapables de réaliser à l’échelle nationale, à savoir se rencontrer, se concerter et être présents avec l’autres quand il ont besoin de nous. Par ailleurs, nous connaissons tous les membres du CCJ-93 qui sont d’origine maghrébine et parlent très bien l’arabe dialectal.
Cette confiance nous a permis, quand un bus de ramassage scolaire juif a été brûlé à Aubervilliers, pendant la période de l’Intifada, de prêter spontanément un bus du collège musulman La Réussite à l’établissement juif. Quand le wagon témoin de la déportation a été l'objet d'une tentative d’incendie à Drancy, nous étions présents le jour même pour témoigner notre solidarité.
Cette confiance nous a permis, quand un bus de ramassage scolaire juif a été brûlé à Aubervilliers, pendant la période de l’Intifada, de prêter spontanément un bus du collège musulman La Réussite à l’établissement juif. Quand le wagon témoin de la déportation a été l'objet d'une tentative d’incendie à Drancy, nous étions présents le jour même pour témoigner notre solidarité.
D'autres exemples concrets à nous donner ?
M'hammed Henniche, secrétaire général de l'UAM 93
M.H:Quand à Epinay-sur-seine en 2005, une agression antisémite a eu lieu qui a émue l’opinion publique, spontanément aussi H. BOUSHAKI, le président des musulmans d’Epinay-sur-seine, est allé avec le rabbin de la ville la main dans la main à la tête de la marche de condamnation de cet acte. Je ne peux malheureusement citer tous les exemples de bonnes entente, faute de temps. Je tiens juste à signaler que l’ancien Préfet du département, M. Sapin, a cité dans un rapport au gouvernement sur les tensions communautaires, l’exceptionnelle relation entre les deux communautés juives et musulmanes dans notre département à travers UAM-93 et CCJ-93.
Enfin, Mr Gozlan, président du CCJ-93, a déclaré que c’est le département qui enregistre le moins d’actes antisémites de toute la France. M. Bramy, ancien président du Conseil général, a essayé lors de l’agression israélienne contre le Liban, été 2006, de réunir les représentants de l’UAM-93 et du CCJ-93, en présence du représentant des protestants et du Diocèse pour signer une déclaration commune de paix. Cette tentative a échoué, je le regrette.
Je tiens à souligner que la solidarité est à deux sens. Les responsables de la communauté juive ont toujours été présents dans les moments difficiles. Je cite le soutien qu’ils ont apporté à Cheikh Dhaou quand il a été arrêté en 2006 et la désapprobation des caricatures du Prophète, mais aussi le soutien à la manifestation de l’UAM-93 « pour le respect des religions et contre les caricatures du prophète », du 11 février 2006.
Enfin, Mr Gozlan, président du CCJ-93, a déclaré que c’est le département qui enregistre le moins d’actes antisémites de toute la France. M. Bramy, ancien président du Conseil général, a essayé lors de l’agression israélienne contre le Liban, été 2006, de réunir les représentants de l’UAM-93 et du CCJ-93, en présence du représentant des protestants et du Diocèse pour signer une déclaration commune de paix. Cette tentative a échoué, je le regrette.
Je tiens à souligner que la solidarité est à deux sens. Les responsables de la communauté juive ont toujours été présents dans les moments difficiles. Je cite le soutien qu’ils ont apporté à Cheikh Dhaou quand il a été arrêté en 2006 et la désapprobation des caricatures du Prophète, mais aussi le soutien à la manifestation de l’UAM-93 « pour le respect des religions et contre les caricatures du prophète », du 11 février 2006.
A votre échelle, est-ce que vous voyez un repli communautaire en France ?
M.H:En période de conflit et de crise, de rejet et d’exclusion, l’individu retourne à ce qu’il pense être une communauté qui le protége et le soutient. Je constate qu’il y a de plus en plus une demande de faire partie d’une communauté spirituelle, ceci n’est nullement en contradiction avec une citoyenneté affirmée à mon sens.