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Points de vue

Pourquoi lâchent-ils l’UOIF ?

Rédigé par Ben ammar Ibrahim | Lundi 4 Juillet 2005 à 00:00

           

L'annonce de la démission de Farid Abdelkrim, du CA de l'Union des Organisations Islamiques en France continue de troubler les membres du mouvement. Généralement attachés au idéaux de l'UOIF, ils dénoncent la direction. M. Ben Ammar, l'auteur du texte suivant, a souhaité user d'un pseudonyme en proposant son analyse de la situation à SaphirNet.info



L'annonce de la démission de Farid Abdelkrim, du CA de l'Union des Organisations Islamiques en France continue de troubler les membres du mouvement. Généralement attachés au idéaux de l'UOIF, ils dénoncent la direction. M. Ben Ammar, l'auteur du texte suivant, a souhaité user d'un pseudonyme en proposant son analyse de la situation à SaphirNet.info

 

 

Elles étaient –au début des années 80- une poignée d’associations -bien que d’origines très diverses- très imbibées par l’idéologie des frères musulmans de Hassan El Banna ou du moins partageaient-elles avec eux leur façon de s’organiser pour militer afin d’améliorer les conditions de la ‘ Oumma ’  de l’islam sur terre.

 

La démarche était simple, partant des textes coraniques et prophétiques et de leur interprétation telle chez les grands savants sunnites on essayait de s’organiser tant bien que mal pour approfondir sa connaissance de cet islam, de le mettre en pratique à l’échelle individuelle, à la suite de cela, cette entreprise essentiellement éducative doit faire tache d’huile sur toute la société où vit le musulman en passant respectivement par sa famille, son voisinage, sa ville, sa nation jusqu’à couvrir la ‘Oumma’ toute entière.

 

L’U.O.I.F. a été -depuis 1985- la structure fédérative de pareilles associations, lesquelles lui ont conféré sa légitimité en suivant les directives de ses responsables et en allant jusqu’à en faire un grand propriétaire immobilier en enregistrant les mosquées à son nom.

Au début le travail se faisait sous deux formes : l’une apparente et déclarée à titre d’association loi 1901, l’autre cachée copiant à la lettre les recommandations de la confrérie.

L’importance et la priorité étaient alors données à l’organisation secrète ; la structure associative n’était qu’une parade pour se justifier devant la loi.

Dès le début des années 90,  on s’est rendu compte que s’en était assez de travailler dans la clandestinité, celle-ci bien que tout à fait justifiée dans les pays d’origine des frères militants, ne se trouve plus justifiée dans le contexte actuel européen. Le dicton arabe ne dit-il pas : ‘‘ La meilleure ruse c’est de ne pas utiliser la ruse ’’ ?

Les événements du 11 septembre n’ont pas amélioré la situation il fallait montrer patte blanche et se montrer innocent à tout prix.

 

A la suite de cela il y a eu la saga de la représentativité et la reconnaissance du culte musulman. La conséquence immédiate à ce chantier a été que les dirigeants de l’U.O.I.F.  ont du séduire, faire des concessions, lécher les bottes à Sarko, crier sur tous les toits : « à bas les intégristes ! », « à bas les fondamentalistes ! », « vive la république ! », ils ont du se prosterner devant sa majesté la laïcité en disant : « La loi du 15 mars 2004 n’est pas injuste !, nos filles et nos femmes vont s’y soumettre et porter un tout petit foulard ». Le comble a été quand une sœur voilée s’est proposée pour être otage de substitution afin de ne pas tacher son voile de sang par les exigences des ravisseurs et qu’un haut responsable de l’U.O.I.F. se porte volontaire pour aller négocier avec ces ravisseurs et obtenir la libération des otages en Irak.

L’U.O.I.F., à force de cacher son appartenance à la confrérie des frères musulmans finit par la nier complètement en public en allant jusqu’à agir contre les principes de cette organisation et de là, elle se trouve en contradiction avec ses propres origines, fondements, voire avec certains principes de l’islam même.

A l’exemple de Lorenzaccio (Alfred de Musset) le port d’un masque pour cacher ses intentions son identité finit par un collage inaltérable de ce masque et conduit son porteur à le garder définitivement au point où il ne peut plus s’en séparer, ou plus grave encore  à prendre plaisir à le porter.

Le dossier de la représentativité de la reconnaissance officielle a fait tourner les têtes et la guerre au pouvoir a démarré.

« … Le livre et le pouvoir se sépareront … » a dit le Prophète PBSL.[1]

Les frères, de bénévoles et volontaires ils se transforment par la force des choses en de farouches professionnels, hommes d’affaires, grands gourous manipulateurs maîtrisant parfaitement le discours politique en le conjuguant habilement avec le discours religieux.

De jeunes étudiants sobres voire très négligés ils sont devenus très BCBG : costume, cravate et attaché case soignant leur apparence jusqu’à l’adoration.

 

Le drame ne s’est pas arrêté là : du fait qu’ils provenaient de pays qui avaient une longue histoire dans le militantisme, les pionniers de la Jamaa quand ils sont arrivés en France ont été durant les années 80 des géants, ils ont travaillé les premiers quand le terrain était encore vierge, ils ont été des pères quand tous les autres étaient des enfants, des éclairés quand tous les autres étaient dans les ténèbres. Cette attitude leur a donné une grande confiance en eux mêmes et très peu de confiance aux autres. Ce qui a conduit au refus de leur part de  faire participer les jeunes à la prise de décision (les femmes ont elles aussi subi le même sort). Que doit-on faire ? laisser faire les novices, les inexpérimentés, les incompétents, les incomplètement éduqués ! ou prendre le pouvoir tout seul et sauver la situation ?

Pendant qu’ils se posaient cette question (et ils se la posent encore), la nouvelle génération nourrie d’une éducation à l’occidentale, imprégnée de principes occidentaux, a su s’organiser très vite et s’est vite rendu compte des abus de la première. Elle a fini par se convaincre de sa supériorité dans l’efficacité et la compréhension des rouages de la société occidentale. Et une barrière s’est érigée entre les deux générations, un mur de Berlin.

Regardez les structures de l’UOIF et la possibilité que ses responsables ont à les renouveler, elles tournent toujours autour des mêmes. Sous prétexte qu’on craint des déviations ou une éventuelle infiltration, on rend ses structures complètement rigides, il n’y a plus de sang nouveau. La fuite des compétences est devenue très claire. Que dis-je ? Certes, il y a du sang nouveau ! mais ce sont des claqueurs de mains des béni oui-oui… Attention alors car ce système s’autodétruira dans quelques années.

 

 

Très souvent, et même avec la meilleure intention du monde, des habitudes des pays d’origine, des façons de comprendre l’islam et surtout des modes de traiter avec les autorités remontent en surface. Or, la France a ses propres habitudes, ses rouages, par exemple : en France, l’obtention de ses droits est souvent  une question de rapport de force (au sens large du terme) à l’image de la révolution française, des mouvements grévistes etc. En d’autres termes, la liberté ne se quémande pas mais s’exige.

 

Un islam soumis, qui essaye de séduire, mendiant sa liberté et ses droits dans un pays comme la France n’a aucune chance d’arriver à ses objectifs. Un islam fort et compétent les a toutes. Si dans certains pays musulmans la soumission au chef de l’état, pourrait éventuellement permettre d’obtenir des miettes de droits ; en France à contrario elle va éveiller de vieux réflexes de colons et contribuer à enfoncer plus bas les soumis, pour en faire des citoyens de seconde catégorie : un islam carte de séjour !

En un mot « Jacques Chirac n’est pas Hassan II »

L’islam aura certes sa place sur la table de la république mais pour recevoir des ordres ou jouer le jeu de tel parti politique ou tel Ministre.

Et aux responsables du culte musulman de dire : Naam sidi : oui missié !

La sunna du Prophète PBSL nous apprend que plus le musulman est faible moins il est prêt à faire des concession :

Lors de l’émigration des musulmans en Abyssinie, quand ils étaient faibles, minoritaires et persécutés leur attitude était ferme et résolue et ils ne se sont pas écartés d’un iota de leur discours initial. Malgré la zizanie que Amr Ibn El Aaç a voulu semer entre eux et le roi Négus, leur chef Jaafar Ibn Abi Talib a tenu un et un seul discours : celui de la vérité. Ce discours est resté gravé dans toutes les mémoires et a même été l’une des raisons de la conversion du roi Négus à l’islam.

Par contre lors de la réconciliation d’El Houdaybiyya, Le Prophète Mohammed PBSL a su lâcher de la corde et faire des concessions au point où cela a irrités certains de ses compagnons.

Imaginons une seul instant que les musulmans avaient eu une attitude inverse : qu’ils aient modéré leur discours devant le roi des abyssins et qu’ils aient été ferme et rigide avec les mécréants à El Houdaybiyya, quel conséquences catastrophiques y aurait il eu alors !

 

 

Tout cela nous conduit à dire :

Quand les responsables de l’U.O.I.F. sacrifient la mission de l’éducation qui était l’âme même de leur mouvement pour vider leur énergie dans les problèmes de la représentativité ;

Quand les responsables de l’U.O.I.F. sacrifient leur indépendance et jouent le jeu d’un Ministre ou d’un parti politique ;

Quand ils acceptent de faire des compromissions, concessions dans le seul but d’être reconnu au CFCM ou aux CRCM;

Quand ils concèdent à des soumissions…

Il ne faut plus s’étonner que les frères quittent L’UOIF !

 

Qu’est-il advenu du grand frère Tariq Ramadan ou du membre fondateur de l’U.O.I.F. et ancien Secrétaire Général Ben Mansour Abdallâh ?

Comment explique-t-on qu’un institut comme celui de Château Chinon dans la Nièvre soit si peu rayonnant malgré tous les sacrifices et investissements qui y ont été faits ?

A force de sacrifier ses frères, les intellectuels de la Jamaa, d’abattre  de grands chênes  sans scrupules. A force de mettre à l’avant la quantité au dépend de la qualité, l’UOIF  finit par se retrouver entourée de béni oui-oui. L’équation (UOIF = Le Bourget) se justifie de plus en plus et l’UOIF devient à l’image d’un grand empire qui entame son déclin : un colosse au pied d’argile.

N’y resterons alors à sa tête que des personnes directement intéressées, des roseaux mal pensant, pas même des bambous[2], des carriéristes, des opportunistes, des arrivistes : des frères qui se sont partagés le gâteau entre eux qui ont réussi à bien asseoir leur carrières chacun sur un domaine avec des chasses gardées : c’est l’équilibre de la terreur. Mais ils ne l’emporteront pas au Paradis.



[1] hadith rapporté par Houdhayfah et relaté par Abou Nou’aym (946-1038) Al Hilya.

[2] Brassens : Le grand chêne





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