Religions

« Pourquoi tu ne te rases pas la barbe ? Tu es à l’aéroport de Paris !… »

Rédigé par Traduit de l'arabe par Assmaâ Rakho Mom | Mardi 21 Novembre 2006 à 13:30

« Pourquoi ne rases-tu pas ta barbe ? Ton épouse porte-t-elle un voile ? As-tu déjà voyagé au Pakistan ? Quels rapports entretiens-tu avec les Salafistes ? » Ces questions, ce sont les enquêteurs français qui les ont posées à des travailleurs ordinaires après qu’ils aient été expulsés de l’aéroport de Roissy. Ce sont ces mêmes employés qui ont bien voulu s’exprimer pour Islamonline.net. Saphirnews.com a choisi de vous présenter la traduction de cet article.



Hervé Bataille lors de la conférence de presse
Le tribunal administratif de Cergy Pontoise a décidé, ce mercredi 15 novembre, de rendre leurs badges à deux employés musulmans, tandis que 5 autres étaient considérés comme ne devant pas récupérer le leur. Ainsi, sur 72 employés privés de leurs badges parce qu’ils représenteraient « une menace pour la sûreté de l’Etat », la justice aura jusqu’ici statué favorablement sur le cas de 4 d’entre eux.

De leur côté, les employés auxquels les badges ont été retirés, ainsi que ceux auxquels ils ont été rendus suite à une décision de justice, considèrent qu’ils sont l’objet « d’actes discriminatoires » parce qu’ils sont musulmans.

Courriers

Mohammed Ali Louja, s’exprimant pour Islamonline, raconte : « J’étais en congé lorsque m’est parvenu le courrier qui me signifiait que mon badge m’était retiré, et j’ai pensé sur le moment que cela était dû à des retards de paiement de factures. Mais lorsque je me suis présenté à la Préfecture de police de Seine Saint Denis, plusieurs questions m’ont été posées telles que : Pourquoi tu ne rases pas ta barbe ?Ta femme est-elle voilée ?As-tu déjà voyagé au Pakistan ? Quels sont tes rapports avec les salafistes ? »

Quant à Hervé Bataille, 30 ans, converti de longue date, il précise : « Je travaille à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, au contrôle des bagages, depuis environ trois ans, et personne ne m’a jamais fait de reproches concernant mon travail. Au contraire, j’ai découvert une fois une arme dissimulée dans une sacoche. Ce qui m’a valu de la part de la direction de le sûreté de l’aéroport une lettre de félicitations considérant mon travail comme exemplaire. »

« Les choses allaient bon train, continue M. Bataille, lorsque je reçus récemment un courrier de la Préfecture de police de Seine Saint Denis me signifiant le retrait de mon badge, ce qui équivalait à un arrêt de travail. Lorsque j’ai voulu connaître la cause de tout ceci, j’ai su qu’elle était due au fait que j’ai effectué plusieurs voyages en Espagne, au Pakistan, aux Etats-Unis et au Kosovo. Je tiens à préciser que je n’ai jamais mis les pieds dans ce dernier pays [le Kososvo, ndlr]. La plupart de mes voyages, je les ai faits en compagnie de ma famille et de mes parents au moment de mes congés et simplement pour changer d’air. »

Mohammed Seddiqi, 44 ans, s’est lui vu rendre son badge suite à une décision de justice. Il raconte : « Tout a commencé à la fin de l’été dernier lorsque j’ai reçu du courrier de la Préfecture de police. Et quand j’ai demandé à savoir quelles étaient les accusations à mon encontre, on m’a dit que je représentait une menace pour l’Etat, et qu’il n’était donc pas possible pour le moment de me dévoiler les actes d’accusation : elles relevaient du secret d’Etat. »

« Quand enfin j’ai pu avoir accès à certains papiers, poursuit M Seddiqi, j’ai découvert qu’une partie de mon nom était faux, que mon adresse était fausse aussi, et que les actes d’accusation incluaient des choses qui n’avaient rien à voir avec moi. »

Abderrahman Khalai raconte pour sa part que l’interrogatoire qu’il a subi à la Préfecture de police tournait autour du fait qu’il aurait accueilli « à son domicile » des membres du mouvement piétiste Tabligh, à une période où il vivait encore chez ses parents !

Mouloud Aounit (à gauche)
Lors d’une conférence de presse organisée par les organisations et syndicats qui suivent l’affaire des bagagistes de Roissy, Mouloud Aounit, secrétaire général du MRAP, a insisté sur le fait que « l’affaire représente une menace grave, puisque des badges sont retirés à des personnes non pas en raison de faits qui leur seraient reprochés mais plutôt du fait de leur appartenance à une religion. »

Et Mouloud Aounit de s’interroger : « Nous comprenons tout à fait que des mesures de sécurité soient prises pour protéger les populations, mais aujourd’hui nous sommes en face d’accusations à l’égard de personnes en raison de leurs croyances et de leur religion. »

« Tout a commencé avec la parution en juillet dernier de cet ouvrage écrit par le président du Mouvement pour la France, Philippe de Villiers, et dans lequel il écrit que « les islamistes envahissent l’aéroport Roissy Charles de Gaulle. C’est après la parution de ce livre qu’a débuté cette campagne à l’encontre des employés musulmans de Roissy, et ceci constitue un danger pour la démocratie en France. »