Des réunions importantes sont régulièrement organisées le jour de l’Aïd, alors que vous souhaitez, chaque année, prendre un congé pour raison personnelle, seul moyen de célébrer cette fête avec vos proches. Du coup, votre demande est systématiquement refusée.
QUE DIT LA LOI ?
Si vous êtes fonctionnaire ou assimilé, la circulaire n° BCFF0930776C du 31 décembre 2009 vous permet de prendre trois jours de congés supplémentaires pour respecter vos fêtes lorsque vous appartenez à une religion dite « minoritaire ».
Les salariés de confession juive peuvent enfin fêter Rosh Hashanah et Yom Kippour ; ceux de confession musulmane, les deux Aïd ; les bouddhistes, le Wesak et le jour du Dharma ; même s’il ne leur reste plus de RTT à poser. Cela est un droit, sauf nécessité de service.
Si vous êtes salarié dans une entreprise, c’est le droit privé qui s’applique. Le droit du travail garantit la liberté de religion aux salariés tout en permettant à l’employeur d’y apporter certaines restrictions.
Mais, attention, aucun employeur ne peut instaurer des limitations absolues et générales à la liberté de religion. L’article L.1121-1 du Code du travail, en proclamant qu’il est interdit d’« apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », fixe le contour des limites que l’employeur peut apporter à la liberté de religion du salarié. Les restrictions à la liberté de religion doivent reposer sur des critères légaux.
Nous pouvons proposer 6 critères légaux (1), à partir de l’étude des lois, de la jurisprudence et des préconisations de la HALDE. La pratique religieuse ne doit pas entraver :
1. les règles d’hygiène ;
2. les règles de sécurité ;
3. la liberté de conscience des autres ;
4. l’organisation nécessaire à la réalisation de la mission ;
5. les aptitudes professionnelles nécessaires à la réalisation de la mission ;
6. les impératifs commerciaux liés à l’intérêt de l’entreprise (critère complexe sur lequel nous reviendrons dans les prochaines situations liées au port du signe religieux).
Autrement dit, concernant l’Aïd, que vous soyez fonctionnaire ou pas, votre supérieur hiérarchique ne peut légalement vous le refuser que si cela met le bon fonctionnement de votre service en péril.
Les salariés de confession juive peuvent enfin fêter Rosh Hashanah et Yom Kippour ; ceux de confession musulmane, les deux Aïd ; les bouddhistes, le Wesak et le jour du Dharma ; même s’il ne leur reste plus de RTT à poser. Cela est un droit, sauf nécessité de service.
Si vous êtes salarié dans une entreprise, c’est le droit privé qui s’applique. Le droit du travail garantit la liberté de religion aux salariés tout en permettant à l’employeur d’y apporter certaines restrictions.
Mais, attention, aucun employeur ne peut instaurer des limitations absolues et générales à la liberté de religion. L’article L.1121-1 du Code du travail, en proclamant qu’il est interdit d’« apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », fixe le contour des limites que l’employeur peut apporter à la liberté de religion du salarié. Les restrictions à la liberté de religion doivent reposer sur des critères légaux.
Nous pouvons proposer 6 critères légaux (1), à partir de l’étude des lois, de la jurisprudence et des préconisations de la HALDE. La pratique religieuse ne doit pas entraver :
1. les règles d’hygiène ;
2. les règles de sécurité ;
3. la liberté de conscience des autres ;
4. l’organisation nécessaire à la réalisation de la mission ;
5. les aptitudes professionnelles nécessaires à la réalisation de la mission ;
6. les impératifs commerciaux liés à l’intérêt de l’entreprise (critère complexe sur lequel nous reviendrons dans les prochaines situations liées au port du signe religieux).
Autrement dit, concernant l’Aïd, que vous soyez fonctionnaire ou pas, votre supérieur hiérarchique ne peut légalement vous le refuser que si cela met le bon fonctionnement de votre service en péril.
MISE EN SITUATION
Vous demandez un rendez vous à votre chef, bien décidé à faire valoir votre droit, car vous pensez qu’il n’y a pas de nécessité de service. Mais la communication n’est pas facile. Votre interlocuteur vous annonce d’un ton péremptoire que « le service est laïque » et qu’il ne veut pas entendre parler de religion.
Si vous êtes fonctionnaire, vous lui montrez que vous connaissez bien votre statut :
« Oui, de façon à assurer l’égalité de traitement de tous les usagers du service public, les fonctionnaires doivent assurer ce service public en étant neutres eux-mêmes dans l’exercice de leurs fonctions.
Mais ce principe de neutralité posé initialement par l’avis du Conseil d’État du 8 décembre 1948 (Melle Pasteau), puis réitéré depuis à plusieurs reprises (2), exige que le fonctionnaire ne manifeste pas ses croyances religieuses ; il n’ôte pas au fonctionnaire le droit à sa liberté de conscience et de religion, édictée par les textes constitutionnels, conventionnels et législatifs, qui prohibent toute discrimination fondée sur les croyances ou l’athéisme. »
Or poser un jour de congé pour l’Aïd, comme la circulaire du 31 décembre 2009 le permet, n’entraîne aucune manifestation de vos croyances dans l’exercice de vos fonctions puisque, au contraire, vous serez absent…
Si vous êtes salarié dans une entreprise, il s’agit de vérifier si votre demande n’entrave pas le critère 4 : votre absence entraîne-t-elle un problème organisationnel au sein de l'équipe ou pour la réalisation de la mission (respect des délais et du rythme de travail) ?
Concernant les demandes d’absences liées aux fêtes religieuses, la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 septembre 1981, a précisé que le refus de l’employeur doit être uniquement justifié par les impératifs liés à la bonne marche de l’entreprise. La HALDE a aussi eu l’occasion de souligner que les autorisations peuvent être refusées par l’employeur si la décision est justifiée par la nécessité avérée de la présence du salarié concerné à cette date (3).
L’employeur peut donc refuser une autorisation d’absence le jour d’une fête religieuse, dans la mesure où celle-ci perturbe l’organisation du travail dans l’entreprise. Ce peut être le cas, par exemple, lorsque la demande est formulée tardivement, (4). Ou si plus de 50 % des salariés devaient s’absenter en même temps, ce qui pourrait entraîner une impossibilité de maintenir le rythme pour contenter un gros client.
Si vous êtes fonctionnaire, vous lui montrez que vous connaissez bien votre statut :
« Oui, de façon à assurer l’égalité de traitement de tous les usagers du service public, les fonctionnaires doivent assurer ce service public en étant neutres eux-mêmes dans l’exercice de leurs fonctions.
Mais ce principe de neutralité posé initialement par l’avis du Conseil d’État du 8 décembre 1948 (Melle Pasteau), puis réitéré depuis à plusieurs reprises (2), exige que le fonctionnaire ne manifeste pas ses croyances religieuses ; il n’ôte pas au fonctionnaire le droit à sa liberté de conscience et de religion, édictée par les textes constitutionnels, conventionnels et législatifs, qui prohibent toute discrimination fondée sur les croyances ou l’athéisme. »
Or poser un jour de congé pour l’Aïd, comme la circulaire du 31 décembre 2009 le permet, n’entraîne aucune manifestation de vos croyances dans l’exercice de vos fonctions puisque, au contraire, vous serez absent…
Si vous êtes salarié dans une entreprise, il s’agit de vérifier si votre demande n’entrave pas le critère 4 : votre absence entraîne-t-elle un problème organisationnel au sein de l'équipe ou pour la réalisation de la mission (respect des délais et du rythme de travail) ?
Concernant les demandes d’absences liées aux fêtes religieuses, la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 septembre 1981, a précisé que le refus de l’employeur doit être uniquement justifié par les impératifs liés à la bonne marche de l’entreprise. La HALDE a aussi eu l’occasion de souligner que les autorisations peuvent être refusées par l’employeur si la décision est justifiée par la nécessité avérée de la présence du salarié concerné à cette date (3).
L’employeur peut donc refuser une autorisation d’absence le jour d’une fête religieuse, dans la mesure où celle-ci perturbe l’organisation du travail dans l’entreprise. Ce peut être le cas, par exemple, lorsque la demande est formulée tardivement, (4). Ou si plus de 50 % des salariés devaient s’absenter en même temps, ce qui pourrait entraîner une impossibilité de maintenir le rythme pour contenter un gros client.
ÉLÉMENTS DU DÉBAT
Ce qui est présenté comme « neutre » et « universel » résulte en fait de l’Histoire chrétienne.
Pourtant, pour ne prendre qu’un exemple, le calendrier français est du pain bénit pour les chrétiens : la fête de la Nativité (Noël), célébrant la naissance de Jésus, l’ouverture de la semaine sainte (dimanche des Rameaux), la consécration de la résurrection du Christ (dimanche de Pâques), celle de l’élévation de Jésus au ciel (jeudi de l’Ascension), la commémoration de la descente du Saint-Esprit sur les apôtres (dimanche de Pentecôte), la célébration de la montée de la Vierge Marie au ciel (fête de l’Assomption, le15 août), la veille de la fête des morts, qui célèbre l’ensemble des saints reconnus par l’Église catholique romaine (fête de la Toussaint, le 1er novembre), sont autant de jours fériés.
Sans compter les lundis de Pâques et de Pentecôte, réminiscences des semaines fériées qui suivaient les dimanches de Pâques et de Pentecôte, réduites à un seul jour férié par le Concordat de 1801. Ces fêtes font partie de la culture commune de tous les Français, croyants ou pas, alors que les fêtes relatives à l’islam sont vécues comme du particularisme ou de la « rébellion communautaire ».
C’est ce que votre chef continue à vous répondre : « Je n’accepterai jamais de demandes particularistes. »
Lorsque vous lui faites remarquer qu’indirectement le calendrier est discriminatoire pour vous, alors que la loi de 1905 énonce que « la République garantit le libre exercice des cultes à tous les citoyens », il répond que l’octroi de jours supplémentaires, tel que le préconise la circulaire du 31 décembre 2009, discrimine les chrétiens et les athées puisque ces derniers ont maintenant trois jours feriés de moins que les juifs, les musulmans et les bouddhistes. Et que cela provoque du communautarisme, puisque les salariés prendraient leurs congés à des moments différents selon leur religion.
La situation actuelle est compliquée, car l’aspect chrétien des jours feriés discrimine indirectement ceux qui ont une autre religion, entravant l’égalité de traitement des cultes, garantie par le droit français et européen.
Mais, par ailleurs, il est vrai que l’octroi de trois jours supplémentaires proposé par la circulaire du 31 décembre 2009 privilégie juifs, musulmans et bouddhistes. Et il est également vrai que ce système provoque effectivement un effet communautariste, à l’insu des bénéficiaires, puisque « tous les juifs » s‘absentent pour Yom Kippour, « tous les musulmans » pour l’Aïd, etc.
Pour parer ces dysfonctionnements, cela fait plusieurs fois que certains députés proposent que les principales fêtes de religions nouvellement arrivées deviennent également des jours fériés nationaux, pour tous les salariés, quelles que soient leurs croyances ou leurs non-croyances. Ainsi, cela ne provoquerait ni communautarisme, ni segmentation des salariés, ni injustice quant au nombre de congé permis. Tous les Français pourraient fêter l’Aïd, de manière cultuelle ou culturelle, comme d’autres fêtent Noël… Ce serait une façon de reconnaître symboliquement le fait que l’islam n’est pas une religion étrangère et qu’il peut faire partie du patrimoine français.
Mais à peine ces propositions sont élaborées, à peine sont-elles enterrées. En attendant, que faire ?
Pourtant, pour ne prendre qu’un exemple, le calendrier français est du pain bénit pour les chrétiens : la fête de la Nativité (Noël), célébrant la naissance de Jésus, l’ouverture de la semaine sainte (dimanche des Rameaux), la consécration de la résurrection du Christ (dimanche de Pâques), celle de l’élévation de Jésus au ciel (jeudi de l’Ascension), la commémoration de la descente du Saint-Esprit sur les apôtres (dimanche de Pentecôte), la célébration de la montée de la Vierge Marie au ciel (fête de l’Assomption, le15 août), la veille de la fête des morts, qui célèbre l’ensemble des saints reconnus par l’Église catholique romaine (fête de la Toussaint, le 1er novembre), sont autant de jours fériés.
Sans compter les lundis de Pâques et de Pentecôte, réminiscences des semaines fériées qui suivaient les dimanches de Pâques et de Pentecôte, réduites à un seul jour férié par le Concordat de 1801. Ces fêtes font partie de la culture commune de tous les Français, croyants ou pas, alors que les fêtes relatives à l’islam sont vécues comme du particularisme ou de la « rébellion communautaire ».
C’est ce que votre chef continue à vous répondre : « Je n’accepterai jamais de demandes particularistes. »
Lorsque vous lui faites remarquer qu’indirectement le calendrier est discriminatoire pour vous, alors que la loi de 1905 énonce que « la République garantit le libre exercice des cultes à tous les citoyens », il répond que l’octroi de jours supplémentaires, tel que le préconise la circulaire du 31 décembre 2009, discrimine les chrétiens et les athées puisque ces derniers ont maintenant trois jours feriés de moins que les juifs, les musulmans et les bouddhistes. Et que cela provoque du communautarisme, puisque les salariés prendraient leurs congés à des moments différents selon leur religion.
La situation actuelle est compliquée, car l’aspect chrétien des jours feriés discrimine indirectement ceux qui ont une autre religion, entravant l’égalité de traitement des cultes, garantie par le droit français et européen.
Mais, par ailleurs, il est vrai que l’octroi de trois jours supplémentaires proposé par la circulaire du 31 décembre 2009 privilégie juifs, musulmans et bouddhistes. Et il est également vrai que ce système provoque effectivement un effet communautariste, à l’insu des bénéficiaires, puisque « tous les juifs » s‘absentent pour Yom Kippour, « tous les musulmans » pour l’Aïd, etc.
Pour parer ces dysfonctionnements, cela fait plusieurs fois que certains députés proposent que les principales fêtes de religions nouvellement arrivées deviennent également des jours fériés nationaux, pour tous les salariés, quelles que soient leurs croyances ou leurs non-croyances. Ainsi, cela ne provoquerait ni communautarisme, ni segmentation des salariés, ni injustice quant au nombre de congé permis. Tous les Français pourraient fêter l’Aïd, de manière cultuelle ou culturelle, comme d’autres fêtent Noël… Ce serait une façon de reconnaître symboliquement le fait que l’islam n’est pas une religion étrangère et qu’il peut faire partie du patrimoine français.
Mais à peine ces propositions sont élaborées, à peine sont-elles enterrées. En attendant, que faire ?
QUE FAIRE ?
Vous n’êtes pas responsable de la conséquence secondaire de cette circulaire, et tant que des jours juifs et musulmans ne sont pas feriés pour tous, il n’y a pas d’autre choix que de faire votre demande pour vos fameux trois jours supplémentaires.
Si votre supérieur hiérarchique est ouvert, vous pouvez toujours lui proposer d’octroyer trois jours supplémentaires à tous les salariés, pour « exercice de liberté de conscience »… Ainsi, ceux qui sont athées ne se sentiront pas discriminés…
Notes
1. Critères élaborés et détaillés dans [Allah a-t-il sa place dans l’entreprise ?], de Dounia et Lylia Bouzar (Éd. Albin Michel, 2009).
2. Avis du Conseil d’État du 3 mai 1950 (Mlle Jam), du 3 mai 2000 (Mlle Marteaux), du 17 octobre 2002 (Mme E.) et du 27 novembre 2003 (Mlle Nadjet Ben Abdallah).
3. Délibération n° 2007- 301 du 14 novembre 2007.
4. Cour de cassation, 16 décembre 1981, n° 79-41.300, Bull. civ. 1981, V, n° 968 ; D. 1982, inf. rap. p. 315, note J. Frossard.
Si votre supérieur hiérarchique est ouvert, vous pouvez toujours lui proposer d’octroyer trois jours supplémentaires à tous les salariés, pour « exercice de liberté de conscience »… Ainsi, ceux qui sont athées ne se sentiront pas discriminés…
Notes
1. Critères élaborés et détaillés dans [Allah a-t-il sa place dans l’entreprise ?], de Dounia et Lylia Bouzar (Éd. Albin Michel, 2009).
2. Avis du Conseil d’État du 3 mai 1950 (Mlle Jam), du 3 mai 2000 (Mlle Marteaux), du 17 octobre 2002 (Mme E.) et du 27 novembre 2003 (Mlle Nadjet Ben Abdallah).
3. Délibération n° 2007- 301 du 14 novembre 2007.
4. Cour de cassation, 16 décembre 1981, n° 79-41.300, Bull. civ. 1981, V, n° 968 ; D. 1982, inf. rap. p. 315, note J. Frossard.