Quelle politique promet Macron pour les banlieues ? Kévin-Victoire Boucaud (à gauche) et Réda Didi, fondateur du think thank Graines de France.
Emmanuel Macron est arrivé en tête du premier tour de l’élection présidentielle dimanche 23 avril. L’ancien ministre de l’Economie a (presque) réussi son pari : s’exonérer des échecs du quinquennat de François Hollande. Dans les banlieues et quartiers populaires, le scepticisme est fort à la mesure de la déception générée par les promesses de changement non tenues du quinquennat, qui se traduit par une abstention plus forte que la moyenne. Il y a cependant souvent disputé la première place avec Jean-Luc Mélenchon auprès des électeurs qui ont choisi de participer au scrutin.
Réda Didi, entrepreneur et conseiller au ministère de la Politique de la Ville, s’en réjouit : « Il a réussi à rassembler un quart des Français (au total). On peut se satisfaire d’une grosse mobilisation en France. Dans les quartiers populaires, on s’est autant mobilisé qu’en 2012, voire plus dans certains endroits. Emmanuel Macron est à quasi-égalité avec Jean-Luc Mélenchon dans de nombreux quartiers comme à Nantes, Massy, Meaux. » Si le candidat d'En Marche n'a pas à rougir de ses résultats, c'est en réalité bien celui de la France Insoumise qui a été plus largement plébiscité dans les territoires délaissés face à un Macron auquel l'image du candidat des riches lui colle à la peau.
Réda Didi, entrepreneur et conseiller au ministère de la Politique de la Ville, s’en réjouit : « Il a réussi à rassembler un quart des Français (au total). On peut se satisfaire d’une grosse mobilisation en France. Dans les quartiers populaires, on s’est autant mobilisé qu’en 2012, voire plus dans certains endroits. Emmanuel Macron est à quasi-égalité avec Jean-Luc Mélenchon dans de nombreux quartiers comme à Nantes, Massy, Meaux. » Si le candidat d'En Marche n'a pas à rougir de ses résultats, c'est en réalité bien celui de la France Insoumise qui a été plus largement plébiscité dans les territoires délaissés face à un Macron auquel l'image du candidat des riches lui colle à la peau.
Choisir Macron « pour le moindre mal »
Kévin Boucaud-Victoire, journaliste spécialisé en économie et auteur de La guerre des gauches, voit pour sa part un succès par défaut d'Emmanuel Macron. « Il a réussi à faire de bons scores en banlieue car il a plus ou moins remplacé le vote PS. Je pense que de nombreux banlieusards ont voté pour le moindre mal et sans grande conviction », interprète-t-il. Et cela sera d'autant plus le cas au second tour dans la mesure où le vote Macron est désormais présenté comme le seul rempart à la menace qu'incarne le Front national pour l'avenir de la France et de ses minorités.
Contrairement à plusieurs de ses adversaires alors en lice, Emmanuel Macron a réussi pendant la campagne à véhiculer l’image d’un candidat proche des minorités et ouvert sur le monde. Avant son passage à Sarcelles (Val d'Oise) fin avril, son meeting organisé à Marseille où il a rappelé la diversité de la population locale, précédé de ses propos sur la colonisation en Algérie en février dernier qu’il considère comme un crime contre l’humanité - propos réitérés lors du débat de l'entre-deux tours -, ont renforcé cette image. « Les électeurs des quartiers populaires ont voté comme la France. Ils sont en attente d’une vision du monde qui met en avant le fait qu’être binational est une force. Ne plus vivre sur la rente mais permettre aux uns et aux autres de prendre des risques et être reconnu à sa juste valeur. Tout cela fait écho aussi chez les gens des quartiers », explique Réda Didi.
Contrairement à plusieurs de ses adversaires alors en lice, Emmanuel Macron a réussi pendant la campagne à véhiculer l’image d’un candidat proche des minorités et ouvert sur le monde. Avant son passage à Sarcelles (Val d'Oise) fin avril, son meeting organisé à Marseille où il a rappelé la diversité de la population locale, précédé de ses propos sur la colonisation en Algérie en février dernier qu’il considère comme un crime contre l’humanité - propos réitérés lors du débat de l'entre-deux tours -, ont renforcé cette image. « Les électeurs des quartiers populaires ont voté comme la France. Ils sont en attente d’une vision du monde qui met en avant le fait qu’être binational est une force. Ne plus vivre sur la rente mais permettre aux uns et aux autres de prendre des risques et être reconnu à sa juste valeur. Tout cela fait écho aussi chez les gens des quartiers », explique Réda Didi.
Le candidat de l'ubérisation du travail
En novembre 2016, invité chez Médiapart, Emmanuel Macron louait les mérites d'être chauffeur VTC pour les habitants des quartiers populaires. Le candidat répondait vivement à une journaliste qui le questionnait sur le sujet : « Allez à Stains expliquer aux jeunes qui font chauffeur Uber, de manière volontaire, qu’il vaut mieux tenir les murs ou dealer ».
« Les gens ont compris qu’ils sont dans cette situation précaire. La question, c’est de savoir si l’Etat peut encadrer cela. Ils savent bien que le CDI, le contrat à vie de fonctionnaire, ce n’est plus pour eux et que c’est devenu très compliqué. Macron veut permettre à ceux qui prennent des risques d’être mieux accompagnés et aux entrepreneurs de pouvoir accéder au chômage », analyse Réda Didi.
Kévin Boucaud-Victoire confirme ces dires : pour lui, la politique du candidat d’En Marche est synonyme de « plus de libéralisme mais aussi plus de réglementation » car « il propose un minimum de protection qu’on n’aurait pas eu avec un vrai libéral comme François Fillon ». Cependant, le journaliste économique avance qu’« il faut discuter avec les chauffeurs Uber qui travaillent depuis un ou deux ans. Ils finissent vite par déchanter. Ils ont le crédit à rembourser pour la bagnole et ils font un nombre d’heures de travail assez énorme pour que cela soit rentable. La vraie question, c’est de savoir ce qu’on veut pour les banlieues. Voulons-nous des chauffeurs Uber avec un minimum de protection sociale ou a-t-on une vision plus ambitieuse ? Je pense qu’il y a d’autres choses à faire que de transformer les dealers en chauffeurs Uber, sachant que ce ne sont absolument pas le même type de personnes. »
Kévin Boucaud-Victoire confirme ces dires : pour lui, la politique du candidat d’En Marche est synonyme de « plus de libéralisme mais aussi plus de réglementation » car « il propose un minimum de protection qu’on n’aurait pas eu avec un vrai libéral comme François Fillon ». Cependant, le journaliste économique avance qu’« il faut discuter avec les chauffeurs Uber qui travaillent depuis un ou deux ans. Ils finissent vite par déchanter. Ils ont le crédit à rembourser pour la bagnole et ils font un nombre d’heures de travail assez énorme pour que cela soit rentable. La vraie question, c’est de savoir ce qu’on veut pour les banlieues. Voulons-nous des chauffeurs Uber avec un minimum de protection sociale ou a-t-on une vision plus ambitieuse ? Je pense qu’il y a d’autres choses à faire que de transformer les dealers en chauffeurs Uber, sachant que ce ne sont absolument pas le même type de personnes. »
Une mesure économique du quinquennat recyclée
Plus largement, sur la thématique de l’emploi, l’ancien ministre de l’Economie propose dans ses mesures phares la création des emplois francs qu’il explique comme suit dans son programme : « Lorsqu’une entreprise, où qu’elle soit située, embauchera un habitant des quartiers prioritaires de la politique de la ville en CDI, elle bénéficiera d’une prime de 15 000 euros, étalée sur les trois premières années : ce sera comme si elle ne payait plus de charges. En CDD, la prime sera de 5000 euros sur les deux premières années ».
Cette mesure, présentée par son entourage comme de la discrimination positive assumée, a déjà été expérimentée par François Hollande entre 2013 et 2014, bien que la prime proposée par Emmanuel Macron soit plus élevée. Seulement 250 jeunes en ont bénéficié alors que le gouvernement en espérait 2 000 la première année. « Nous nous sommes vite aperçus que ce dispositif ne concernait que les jeunes qui n’avaient aucun mal à trouver un emploi par leurs propres moyens », expliquait au Monde François Lamy, ancien ministre délégué à la ville.
Cette mesure, présentée par son entourage comme de la discrimination positive assumée, a déjà été expérimentée par François Hollande entre 2013 et 2014, bien que la prime proposée par Emmanuel Macron soit plus élevée. Seulement 250 jeunes en ont bénéficié alors que le gouvernement en espérait 2 000 la première année. « Nous nous sommes vite aperçus que ce dispositif ne concernait que les jeunes qui n’avaient aucun mal à trouver un emploi par leurs propres moyens », expliquait au Monde François Lamy, ancien ministre délégué à la ville.
Ce qu'il promet sur les questions éducatives et sécuritaire
A regarder de plus près le programme, peu de solutions fortes aux problèmes qui traversent les banlieues sont proposées ; pour celles qui suscitent un intérêt, c'est la faisabilité qui est questionnée.
La surcharge des classes dans les quartiers populaires est un problème récurrent qui revient à chaque rentrée de classe en septembre. Emmanuel Macron promet d'affecter 12 000 enseignants - comprenant environ 5 000 créations de poste - dans les classes de CP-CE1 dans les zones prioritaires et de baisser le nombre d’élèves à 12 par classe. Le candidat propose également de s’attaquer à l’affectation des professeurs en proposant de ne plus les placer en zone prioritaire pendant leurs trois premières années d’enseignement, sauf si ce choix est motivé. De plus, il promet une prime annuelle supplémentaire de 3 000€ nets et un meilleur accompagnement aux professeurs exerçant en REP+ (zones prioritaires), sans donner plus de détails. Des promesses qui n'attendent que d'être tenues en cas de victoire.
L’affaire Théo à Aulnay-sous-Bois a donné un tournant dans la campagne électorale, faisant revenir au devant de la scène les relations entre la police et les habitants des quartiers populaires. Emmanuel Macron souhaite la création d’une « police de sécurité quotidienne », qui ressemble fortement à la police de proximité supprimée en 2003.
La surcharge des classes dans les quartiers populaires est un problème récurrent qui revient à chaque rentrée de classe en septembre. Emmanuel Macron promet d'affecter 12 000 enseignants - comprenant environ 5 000 créations de poste - dans les classes de CP-CE1 dans les zones prioritaires et de baisser le nombre d’élèves à 12 par classe. Le candidat propose également de s’attaquer à l’affectation des professeurs en proposant de ne plus les placer en zone prioritaire pendant leurs trois premières années d’enseignement, sauf si ce choix est motivé. De plus, il promet une prime annuelle supplémentaire de 3 000€ nets et un meilleur accompagnement aux professeurs exerçant en REP+ (zones prioritaires), sans donner plus de détails. Des promesses qui n'attendent que d'être tenues en cas de victoire.
L’affaire Théo à Aulnay-sous-Bois a donné un tournant dans la campagne électorale, faisant revenir au devant de la scène les relations entre la police et les habitants des quartiers populaires. Emmanuel Macron souhaite la création d’une « police de sécurité quotidienne », qui ressemble fortement à la police de proximité supprimée en 2003.
Invité dans l’émission Quotidien, il expliquait qu’il s’agira d’avoir « des policiers qui sont sur le terrain, qui construisent des solutions de sécurité avec la population, les élus, les associations de quartier (...) qui connaissent les jeunes ou les moins jeunes (…). A cette police de sécurité quotidienne, je vais lui donner des moyens, (...) créer des postes ».
Réda Didi milite pour le retour de la police de proximité depuis une douzaine d’années. « Lorsque j’ai fait le tour de France des quartiers populaires et qu’on en a débattu, les gens étaient demandeurs d’une police avec laquelle ils peuvent discuter. Aujourd’hui, on se rend bien compte que cela a été une erreur de la supprimer. L’idée, c’est qu’on ait les policiers d’expérience comme il faut des enseignants d’expérience sur ces territoires. Il faut mieux accompagner les policiers dans leur formation », défend l’ancien délégué adjoint interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (DILCRA).
Emmanuel Macron propose de généraliser, notamment dans les quartiers dits sensibles, l’usage des caméras piétons pour enregistrer les contrôles d’identité mais n'est pas favorable au récépissé pour lutter contre le contrôle au faciès alors qu'il est jugé par les associations antiracistes comme une mesure importante contre les contrôles au faciès et les abus policiers. Une promesse emblématique de François Hollande jetée aux oubliettes durant son quinquennat et que son ex-ministre n'entend pas mettre à l'ordre du jour.
Réda Didi milite pour le retour de la police de proximité depuis une douzaine d’années. « Lorsque j’ai fait le tour de France des quartiers populaires et qu’on en a débattu, les gens étaient demandeurs d’une police avec laquelle ils peuvent discuter. Aujourd’hui, on se rend bien compte que cela a été une erreur de la supprimer. L’idée, c’est qu’on ait les policiers d’expérience comme il faut des enseignants d’expérience sur ces territoires. Il faut mieux accompagner les policiers dans leur formation », défend l’ancien délégué adjoint interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (DILCRA).
Emmanuel Macron propose de généraliser, notamment dans les quartiers dits sensibles, l’usage des caméras piétons pour enregistrer les contrôles d’identité mais n'est pas favorable au récépissé pour lutter contre le contrôle au faciès alors qu'il est jugé par les associations antiracistes comme une mesure importante contre les contrôles au faciès et les abus policiers. Une promesse emblématique de François Hollande jetée aux oubliettes durant son quinquennat et que son ex-ministre n'entend pas mettre à l'ordre du jour.
La révolution politique est « En Marche ? »
Le renouvellement de la classe politique se fait toujours attendre. Malgré quelques améliorations dans les conseils municipaux, l’Assemblée nationale reste encore monochrome. Réda Didi se veut cependant confiant pour la suite si Emmanuel Macron venait à être élu : « Le mouvement En Marche a indiqué que 50 % des candidats investis pour les législatives seraient issus de la société civile. Il se pourrait que le Premier ministre soit une femme de la société civile. Il y a eu des gages qu’aucun autre parti n’a pris. Cela a provoqué déjà un appel d’air. Les candidatures dans les quartiers sont très nombreuses. »
Bien qu’il estime que le mouvement n’a pas la structure d’un parti classique, Kévin Boucaud-Victoire juge, pour sa part, que cela va très rapidement changer : « Je pense que ce n’est qu’une façade parce qu’on voit qu’aujourd’hui En Marche est en train de rallier des agents du PS et des Républicains sans oublier les personnalités telles que Daniel Cohn-Bendit ou Robert Hue. Si Emmanuel Macron est élu et s’en sort aux législatives, EM deviendra vite un parti comme les autres avec, pour leaders, les poids lourds qu’on a depuis 30 à 40 ans en France. Toutes ces personnes qui soutiennent Macron devront bien obtenir des postes. La base ne pourra pas monter et une certaine hiérarchie devra être respectée. »
Bien qu’il estime que le mouvement n’a pas la structure d’un parti classique, Kévin Boucaud-Victoire juge, pour sa part, que cela va très rapidement changer : « Je pense que ce n’est qu’une façade parce qu’on voit qu’aujourd’hui En Marche est en train de rallier des agents du PS et des Républicains sans oublier les personnalités telles que Daniel Cohn-Bendit ou Robert Hue. Si Emmanuel Macron est élu et s’en sort aux législatives, EM deviendra vite un parti comme les autres avec, pour leaders, les poids lourds qu’on a depuis 30 à 40 ans en France. Toutes ces personnes qui soutiennent Macron devront bien obtenir des postes. La base ne pourra pas monter et une certaine hiérarchie devra être respectée. »
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