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Présidentielle américaine 2024 : le tacle des musulmans contre les démocrates, « seuls responsables » de leur défaite face à Donald Trump

Rédigé par | Vendredi 8 Novembre 2024 à 11:05

Le vote des Américains musulmans et des Arabo-Américains n’est acquis à « aucun parti » et le parti démocrate en a fait l’amère expérience après la défaite cinglante de Kamala Harris à l’élection présidentielle qui s’est achevée mardi 5 novembre. Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche est la conséquence d’une « trahison » des démocrates vis-à-vis d’une base électorale qui appelait l’administration Biden à mettre fin à l’impunité d’Israël au Proche-Orient, estiment des responsables musulmans.



Donald Trump est de retour aux affaires. L’ancien locataire de la Maison Blanche reprendra son fauteuil de président des Etats-Unis, à son investiture en janvier 2025, après avoir été élu, mardi 5 novembre, face à Kamala Harris. La défaite de la candidate démocrate est cinglante, au regard des résultats dans les Etats-clés (swing states) tombés dans l’escarcelle des Républicains.

Sur ces sept Etats si convoités, trois faisaient partie du « mur bleu » : le Wisconsin, la Pennsylvanie et le Michigan. Historiquement démocrates, ils ont basculé dans le camp républicain, d’abord en 2016 lors de l'élection qui a vu s’affronter Donald Trump et Hillary Clinton, avant de revenir dans le giron démocrate en 2020 avec la victoire de Joe Biden. Quatre ans après, les espoirs placés en ces Etats par Kamala Harris ont été vite douchés et la « victoire politique jamais vue » dans l’histoire américaine, revendiquée par les Républicains, est nette.

Dans le Michigan réside une des plus fortes communautés arabo-musulmanes des Etats-Unis. Cet électorat, acquis durant deux décennies au camp démocrate, a choisi de tourner le dos au parti qu’il avait aidé à revenir au pouvoir en 2020. Kamala Harris a payé cher la déception et la colère des électeurs arabes et musulmans dans la gestion par l’administration Biden du conflit au Proche-Orient. Nombre d'entre eux se sont d'ailleurs tournés vers la candidate juive pro-palestinienne Jill Stein, qui appelle ouvertement à des sanctions contre Israël.

Les démocrates, « les seuls responsables » de leur défaite

Pour les responsables de la campagne Abandon Harris qui avait appelé les électeurs à empêcher l’élection de Kamala Harris, « en réalité, une présidence Trump n’était pas inévitable. Les démocrates avaient les opportunités de remporter cette élection sans difficulté. Mais ils ont choisi de trahir leur base électorale, d’abandonner la vie de centaines de milliers de Palestiniens et de s’allier à certaines des figures les plus sombres de l’histoire américaine, comme Dick Cheney », l’ancien vice-président sous l’ère Bush à l’origine d’un programme autorisant la torture à Guantánamo, en Irak et en Afghanistan.

« Les démocrates ont fait leur choix et ils sont les seuls responsables de ce qui s’est passé (…) et des conséquences que cela entraînera pour ce pays », tranche Abandon Harris.

Le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR) s’est fendu d’un communiqué, mercredi 6 novembre, pour appeler les démocrates à « tirer les leçons de la défaite de Kamala Harris » et de sa « perte de soutien » parmi les musulmans, les Arabo-Américains et les Afro-Américains en raison du « soutien financier et militaire inébranlable au génocide israélien en cours à Gaza ».

L’organisation musulmane de défense des droits civiques n’avait donné aucune consigne de vote mais avait appelé instamment les électeurs musulmans à participer aux élections. Elle félicite aujourd'hui ceux et celles qui se sont rendus aux urnes « malgré la profonde frustration et la désillusion à l’égard des deux principaux partis en raison du génocide de Gaza ».

« Aucun parti n’est propriétaire du vote musulman »,

Le directeur exécutif, Nihad Awad, indique que « l’échec de la vice-présidente à présenter un plan pour mettre fin à ce génocide, comme la suspension des armes à Israël, combiné à son refus de laisser un Américano-Palestinien s’exprimer à la Convention démocrate (an août dernier, ndlr) et à son étreinte avec la fervente criminelle de guerre Liz Cheney », ex pilier du parti républicain, a précipité la chute des démocrates.

Liz Cheney, qui n’est autre que la fille de Dick Cheney, est une fervente opposante à Donald Trump, au point de s’être ralliée avec son père en septembre dernier à Kamala Harris. Un soutien que cette dernière a apprécié, jusqu’à choisir de faire une tournée ensemble afin de chercher des voix chez les républicains. Une stratégie qui, en plus d’avoir été perdante, n’a pas été appréciée du CAIR. « Plutôt que d’écouter la nette majorité des Américains qui soutiennent à la fois un cessez-le-feu et une suspension des livraisons d’armes à Israël, la vice-présidente a adopté un ton légèrement plus sympathique envers les Palestiniens tout en se tenant dans le fond à la position désastreuse du président Biden. Cela a conduit à un changement de soutien sans précédent des communautés musulmanes, arabes et d’autres qui votent traditionnellement pour les présidents démocrates », a précisé Nihad Awad.

« Aucun politicien ou parti n’est propriétaire du vote musulman. À l’avenir, nous attendons de tous les élus qu’ils répondent véritablement aux préoccupations urgentes des électeurs musulmans. Cela inclut le président élu Trump », a signifié Nihad Awad. Une déclaration qui sonne comme un avertissement au parti démocrate, qui devra désormais se reconstruire en tenant compte de la nouvelle donne s’il veut vraiment reconquérir l’électorat arabe et musulman.

Donald Trump appelé à tenir compte des aspirations de paix au Proche-Orient

Donald Trump « a fait des efforts pour se rapprocher des électeurs musulmans dans les États-clés, s’est engagé à mettre fin aux effusions de sang à Gaza et a condamné les politiques de l’ère Bush/Cheney qui ont fait des ravages dans le monde musulman », estime le CAIR. Trump désormais élu, le CAIR exhorte le nouveau président à « mettre fin au génocide de Gaza dans des conditions justes », lui rappelant sa promesse de campagne qui est de « rechercher la paix à l’étranger, y compris la fin de la guerre menée par Israël contre Gaza ».

Le Conseil musulman des affaires publiques (MPAC), qui n’avait pas donné de consigne de vote, a adopté, jeudi 7 novembre, un ton plus chaleureux à l’égard de Donald Trump, félicité « pour sa campagne réussie et son retour à la Maison Blanche ». « Son message au nom des Américains ordinaires a trouvé un écho auprès de nombreux membres de la classe ouvrière qui recherchent un sens renouvelé de la représentation, de l’appartenance et de la reprise économique », estime l’organisation, qui salue par communiqué son discours de victoire. « Nous reconnaissons les préoccupations des Américains musulmans d'origine syrienne, pakistanaise, yéménite et soudanaise, qui se sont engagés dans la campagne de Trump en raison de leurs profondes frustrations face aux échecs en matière de politique étrangère menée par l'administration Biden. »

« Nous ne nous faisons aucune illusion sur ce qu’implique une présidence Trump »

Avec l’alternance, la période qui s’ouvre est « critique pour notre nation », juge le MPAC, qui se veut clair : « Nous attendons de son administration (Trump) qu'elle défende les droits constitutionnels de tous les Américains et présente un gouvernement qui fonctionne pour tout le monde, indépendamment de l'origine ou de la croyance. » Il exhorte aussi le président élu « à prendre des mesures significatives en vue d'un cessez-le-feu immédiat et durable à Gaza et au Liban, de l'autodétermination palestinienne et de réaligner la politique étrangère américaine pour promouvoir la paix, la diplomatie et les valeurs démocratiques ».

Sur le dossier, les partisans de la paix au Proche-Orient ne se font pourtant guère d’illusion. Pour Abandon Harris, « les Palestiniens ne connaîtront pas de répit sous une autre administration ». Donald Trump a d’ailleurs reçu la bénédiction du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, qualifiant le nouveau président comme le « meilleur ami qu’Israël n’ait jamais eu à la Maison Blanche ». « Depuis 14 mois, 2,2 millions de personnes subissent une campagne d’extermination impitoyable soutenue par notre gouvernement. Nous ne nous faisons aucune illusion sur ce qu’implique une présidence Trump. Mais le génocide doit être une ligne qu’aucun parti ne doit oser franchir. Tout parti politique doit comprendre que s’il détruit des vies innocentes, s’il piétine des enfants, il en paiera le prix. » Kamala Harris ne le sait que trop bien à présent.

« L'élection étant derrière nous, notre travail commence maintenant », fait valoir le MPAC, qui se dit prêt à travailler avec la nouvelle administration « pour faire avancer un programme qui promeut une société inclusive, garantissant une protection égale devant la loi et les libertés civiles pour tous ». Même son de cloche pour le CAIR, qui s'est également engagé à travailler avec ses alliés « dans les mois et les années à venir pour s'opposer à la poursuite de toute politique intérieure ou étrangère injuste ou nuisible par la nouvelle administration ». L'organisation se déclare notamment prête à combattre « toute réintroduction d'interdiction de voyager visant les pays musulmans et africains », en référence au Muslim Ban, mais aussi à militer pour l'adoption de mesures visant à « lutter contre la brutalité policière » ou encore pour l’établissement de « prêts étudiants sans intérêt » afin de résoudre la crise de la dette étudiante américaine.

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Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur