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Quand la religion fait ménage avec la politique

Rédigé par Rachida Douadi | Vendredi 22 Aout 2008 à 10:11

Dans leur course à l'investiture, les candidats Obama et McCain ont fait halte, samedi 16 août, dans une église évangélique de Californie. Le show retransmis dans tout le pays révèle, encore plus, la place qu'occupe la religion dans la politique américaine et le poids du vote confessionnel dans ces présidentielles. A l'approche de l'élection générale, plus de 60% des électeurs américains se soucient d'abord des questions économiques. Pourtant, les affaires religieuses ne risquent pas de quitter les débats tout de suite.



Un « débat » inédit, difficile à concevoir en France. Chacun son tour, pendant une heure, les deux candidats à la présidentielle américaine ont répondu, samedi 16 août, aux questions de l’un des prédicateurs les plus influents des Etats-Unis. Le révérend Rick Warren a, ainsi, réuni Barack Obama et John MacCain dans sa mega-eglise californienne de Saddleback devant un parterre de 2 200 fidèles évangéliques. Au programme de cet évènement sans précédent, retransmis en direct sur trois chaînes câblées : confessions de foi, prises de positions et citations de la Bible.

La religion occupe une place de choix dans cette course à la Maison Blanche, malgré une séparation constitutionnelle de l’Eglise et de l’Etat. Ces scènes sont inimaginables en France, où la laïcité impose d’autres techniques d’approche de l’électorat confessionnel. Nicolas Sarkozy avait tout de même innové en faisant plusieurs « appels de pieds » aux catholiques pendant sa campagne. En avril 2007, il convoquait, dans l’une de ses déclarations, le Pape Jean-Paul II parmi les personnages qui l’inspirent, et, avait rappelé qu’il voyait dans le catholicisme « l’un des fondements de l’identité française. » (1) Résultat : il obtient 37% de l’électorat catholique.

Aux Etats-Unis, si les voix évangéliques sont aussi courtisées, c’est bien parce qu’elles ont pesé lourd en faveur de George Bush dans la balance électorale de 2000, et lors de sa réélection en 2004. Il avait pu réunir près de 80% des précieux bulletins de cette communauté qui représente un quart de l’ensemble des suffrages, dans un pays où plus de huit électeurs sur dix sont croyants. Denis Lacorne, directeur de recherches au CERI-Sciences Po, voit deux autres raisons à cette impressionnante opération de séduction: l’histoire récente, d’abord, et le calendrier des primaires, ensuite. « Les candidats ont cru, à tort, que le thème le plus souvent cité lors de l’élection présidentielle de 2004, les « valeurs morales », resterait prédominant en 2008. Ensuite, le calendrier même des primaires, privilégiant des Etats où l’Evangélisme domine » dans le sud, essentiellement, « les candidats ont donc fait étalage de leurs croyances, avec un curieux effet de surenchère » (2) analyse-t-il.

Recentrage des débats à l'automne

En proclamant haut et fort sa foi chrétienne, Barak Obama, tente ainsi de renverser l’effet de la campagne de rumeurs lancée contre lui au début des primaires. A cause de son islamité présumée, il aurait perdu environ 10% des électeurs malgré son acharnement à prouver le contraire. Dans le show de Saddleback, Obama s’est même appliqué à citer des passages entiers de la Bible. Dans cette course à l’investiture, la manœuvre reste politicienne puisque le candidat démocrate est crédité de 25% des intentions de vote chez les évangéliques, contre 67% pour le candidat républicain. Mais même avec cette longueur d’avance, John McCain, n’obtient pas la même mobilisation que George Bush. Il doit séduire pour confirmer les votes s’il souhaite emporter la victoire le 4 novembre prochain.

A l’automne, pourtant, la question religieuse devrait s’effacer des débats, annonce Denis Lacorne. Après les conventions républicaines et démocrates qui ouvriront l’élection générale, « Le vote évangélique ne pèsera que dans les Etats du Sud profond. Dans les grands Etats comme la Californie, celui de New York, le New Jersey, la religion ne constitue pas un enjeu essentiel » selon lui « le débat portera surtout et de plus en plus sur l’économie, la protection sociale, l’immigration… » Mais, Obama annonce déjà, qu’il réservera une bonne partie de ses réunions aux affaires religieuses. A la fin du mois à Denver, lors de la consécration de sa candidature, il entend se pencher sur des questions telles que « comment son administration dialoguera avec les croyants », ou « comment elle défendra les valeurs morales dans le monde. »



(1) La Croix, 13 avril 2007.
(2) Le journal Chrétien, Obama et McCain courtisent le vote des évangéliques, 15 août 2008.