Points de vue

Quelques mots pour Aïcha, qui a renoncé à vivre à l’âge de 14 ans…

Rédigé par Abderrahim Bouzelmate | Samedi 2 Mai 2015 à 10:38

L'émotion suscitée autour de l'histoire d'Aïcha, cette jeune adolescente de 14 ans qui a mis fin à ses jours mardi 28 avril à Stains (Seine-Saint-Denis) probablement par peur du harcèlement après la diffusion supposée de photos privées d'elle avec un petit ami, a été forte ces derniers jours. Une enquête est en cours pour déterminer les raisons exactes de sa mort. Abderrahim Bouzelmate a souhaité lui rendre hommage en adressant ces quelques mots en guise d'hommage à l'adolescente.



Depuis que j’ai appris ta mort, je n’arrive pas à trouver le sommeil, alors je me suis décidé à écrire ces mots, en guise de prière, pour ton âme pure.

Mon petit ange Aïcha, je t’imagine rentrer chez toi, en ce mardi de tous les malheurs, désespérée, brisée, démolie, anéantie, seule dans ta solitude, seule dans ta souffrance, seule dans ce monde de glace que tu ne supportes plus. Et j’imagine également cette meute de monstres sans nom relayer sur ces maudits réseaux sociaux ces images de toi qui te font tellement mal et que tu n’a aucun pouvoir d’arrêter.

Tu aimerais tant appeler au secours, supplier tes bourreaux un par un, mais tu sais que personne n'aura assez de pitié pour t’entendre, car tu connais trop bien la monstruosité de l’homme quand il s’acharne. Quand il a décidé de marcher sur une fleur, il le fait sans même la regarder, ni elle, ni sa beauté, ni ses supplices. Alors, j’entends ta souffrance et j’entends leur ricanement ; je vois tes larmes et je vois leur plaisir.

Mon Dieu, pourquoi l’être humain peut-il être aussi immonde ? Puis je te vois, les mains sur ton visage, blessée au fond de ton âme, au fond de ta chair, au fond de ton cœur. Tu sais que personne ne te pardonnera cela, et tu sais également que ta vie a été saccagée et ton intimité dévastée. Tu sais de même que les jours suivants seront insupportables, et que tu deviendras l’objet de tous les avilissements ; tu sais que les tortures à venir seront au-dessus de tes forces dans ce vaste monde qui est devenu ta prison.

Et tu juges alors que, dans cet univers impitoyable, le futur ne mérite pas d’être rencontré, et que ta vie n’a désormais plus aucun sens. Tu décides alors de contenter tes bourreaux jusqu’au bout, et tu décides de suspendre le cours de tes jours et de renoncer à ce que tu as de plus cher, ta vie, ta mère, toute ta famille, et tous tes amis. Dans cette chambre où tu angoisses seule depuis des heures, tu te résous à repartir après ton court séjour sur Terre ; tu décides de mourir.

Mes doigts tremblent en écrivant ces mots ma petite Aïcha, et je pleure de n’avoir rien pu faire moi-même. Je prie alors pour toi en cette nuit, et je continuerai encore demain et toujours. Puisse la miséricorde divine te rendre tout ce que les bassesses humaines t’ont volé. Et puissent les Anges de là-haut te redonner l’amour et le bonheur que tes semblables d’ici-bas t’ont refusé.

Tu es reparti avec toute ton innocence, et ils sont restés avec leur culpabilité ; après tout, ce sont eux les morts et tu es vivante pour l’éternité. Aïcha, 14 ans pour toujours.

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Abderrahim Bouzelmate, auteur et enseignant, a publié Dernières nouvelles de notre monde et Apprendre à douter avec Montaigne (De Varly Éditions, 2013). Avec Sofiane Méziani, il a publié De l’Homme à Dieu, voyage au cœur de la philosophie et de la littérature (Albouraq Éditions, 2015). Son ouvrage Al-Andalus, Histoire essentielle de l’Espagne musulmane sortira en mars 2015 chez Albouraq Éditions.