Ramadan

Ramadan : la volonté plus forte que le corps

Par Seyfeddine Ben Mansour

Rédigé par Seyfeddine Ben Mansour | Mardi 31 Juillet 2012 à 00:00



Neuvième mois de l’année hégirienne, « le mois de ramadan [est celui] au cours duquel fut révélé le Coran » (II : 185). C’est le mois spirituel par excellence, et dont le jeûne constitue le quatrième des cinq piliers de l’islam.

Il n’est pas anodin à cet égard que le mot qui signifie « jeûne », sawm, puisse dans certains contextes avoir l’acception plus large d’« abstinence ». C’est notamment le cas dans le Coran même, dans la sourate de Marie, où la Vierge après avoir enfanté, fait vœu de silence : « J’ai fait vœu de sawm au Tout-Miséricordieux : je ne parlerai donc aujourd’hui à aucun être humain » (XIX : 26).

Le ramadan, en tant qu’exercice spirituel, a été codifié par les juristes. Il existe certes des divergences entre les différentes écoles juridiques, mais elles sont relativement mineures. Le jeûne est ainsi entendu comme abstinence de tout ce qui peut le rompre, abstinence à laquelle préside une intention spécifique (niyya). Le jeûneur doit être musulman, en pleine possession de ses facultés mentales, et, dans le cas d’une femme, ne pas être en période de pertes sanguines (cycliques ou consécutives à un accouchement). Le jeûne est réputé valide (sahîh) si ces conditions sont remplies. L’obligation de jeûner incombe à tout adulte pour autant qu’il en est physiquement capable.

Il est par ailleurs recommandé de s’abstenir de dire du mal d’autrui et a fortiori de calomnier ; d’éviter toute action susceptible de susciter le désir ; de réciter le Coran pour soi et pour les autres ; et d’observer une retraite spirituelle à la mosquée (i‘tikâf). A ces recommandations, le philosophe juriste et théologien al-Ghazâlî (1058-1111) ajoute le devoir de charité envers les nécessiteux.

Les trois niveaux du jeûne de ramadan

Dans un des chapitres de son monumental Ihyâ’ ‘ulûm ad-dîn (Revivification des sciences de la religion), intitulé Kitâb asrâr as-sawm (Des secrets du jeûne), al-Ghazâlî souligne à quel point Dieu tient le jeûne en haute estime. A l’appui de cette affirmation, il cite de nombreux hadîths, auxquels il ajoute les arguments suivants : jeûner est un acte passif que Dieu seul voit ; un acte qui consacre la défaite du Malin, les désirs de l’homme étant le moyen qu’utilise Satan pour arriver à ses fins. Jeûner est dès lors « la voie du service de Dieu ».

A l’issue d’une longue énumération de l’ensemble des règles liées à l’observance du jeûne, faite à la manière du juriste qu’il est par ailleurs, al-Ghazâlî déclare que… l’essentiel est ailleurs.

Il distingue ainsi trois niveaux.
Le premier est celui, plat, des prescriptions juridiques du fiqh.
Le dernier, le plus élevé, est celui des Prophètes, des siddîqûn (les « saints véridiques », à l’instar d'Abû Bakr as-Siddîq, compagnon de Muhammad) et des muqarrabûn, ceux à qui il a été permis d’être dans la proximité de Dieu : pour ces trois catégories représentant une humanité moralement supérieure, le jeûne est un acte absolument détaché des désirs de ce bas monde.
Le deuxième niveau suffit à ceux qui, appartenant au commun des mortels, n’en sont pas moins animés d’un sincère sentiment de piété : il consiste à faire prévaloir la volonté sur les sollicitations du corps, et notamment celles transmises par les organes sensoriels. Ses passions par lui assujetties, le musulman se tient loin de tout péché, n’ayant laissé nulle chose de ce monde le distraire de l’adoration de Dieu l’Unique.