Comme chaque année, vous postulez pour devenir animateur pendant les vacances d’été. Le Centre social a prévu une colo sportive pour le mois d’août. Au programme : randonnées pédestres, randonnées VTT, découvertes escalades, canyoning... Le bruit court dans le quartier que la direction cherche des « non-musulmans pour être certaine qu’ils ne feront pas ramadan »…
QUE DIT LA LOI ?
Le Code du travail précise que, lors d’un entretien d’embauche, les informations ne peuvent avoir comme finalité que l’appréciation des aptitudes professionnelles du candidat et que le règlement intérieur « ne peut comporter de dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail notamment en raison […] de leurs convictions religieuses ». Ce qui signifie très clairement que toute question relative à une croyance ou une non-croyance est illégale. « Comptez-vous pratiquer le jeûne du ramadan ? » tombe sous le coup de la loi.
Allons plus loin : dans une définition de poste ou dans une offre d’emploi ne serait donc pas légale une mention sur les convictions religieuses, philosophiques, syndicales du candidat, même s’il s’agit d’un poste au sein d’une entreprise ou d’une administration ouvertement orienté politiquement ou religieusement (restauration halal, magasin à Lourdes, etc.). Tout candidat peut postuler à ces offres, quelles que soient ses convictions, même si celles-ci sont différentes de celles de l’employeur.
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière […] de convictions religieuses […] ».
Attention, rappelons que la discrimination n’est pas une « mauvaise intention » ou une injustice. C’est un délit pénal, qui fait de son auteur un délinquant : le Code pénal (1) sanctionne la discrimination lorsqu’elle consiste à refuser d’embaucher une personne ou à subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise, pour une caractéristique portant sur l’un des éléments visés à l’article 225.1 de ce Code dont font partie l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Enfin, rappelons au passage que, une fois l’embauche effectuée, le Code du travail (2) interdit « d’apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Soyons clair : la discussion avec le recruteur/manager, avant ou après l’embauche, ne peut se faire qu’autour des aptitudes à la mission. Il peut être indiqué durant l’entretien que les qualités essentielles recherchées pour ce poste sont la résistance nerveuse et physique, et que tout manquement aboutira à une sanction, voire au licenciement. Si le candidat estime que cela peut lui poser une difficulté à un certain horaire (entre 13 h et 17 h par exemple), il peut, de sa propre initiative, demander quelle est la posture de principe de la direction : un aménagement des horaires peut-il s’opérer en collaboration avec des collègues ou les managers estiment-ils que tout arrangement provoquerait une atteinte à l’organisation de la colonie ? Dans ce cas, cela relève de sa responsabilité de ne pas postuler à un poste pour lequel il pourrait manquer d’aptitudes.
Le Code du travail précise que, lors d’un entretien d’embauche, les informations ne peuvent avoir comme finalité que l’appréciation des aptitudes professionnelles du candidat et que le règlement intérieur « ne peut comporter de dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail notamment en raison […] de leurs convictions religieuses ». Ce qui signifie très clairement que toute question relative à une croyance ou une non-croyance est illégale. « Comptez-vous pratiquer le jeûne du ramadan ? » tombe sous le coup de la loi.
Allons plus loin : dans une définition de poste ou dans une offre d’emploi ne serait donc pas légale une mention sur les convictions religieuses, philosophiques, syndicales du candidat, même s’il s’agit d’un poste au sein d’une entreprise ou d’une administration ouvertement orienté politiquement ou religieusement (restauration halal, magasin à Lourdes, etc.). Tout candidat peut postuler à ces offres, quelles que soient ses convictions, même si celles-ci sont différentes de celles de l’employeur.
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière […] de convictions religieuses […] ».
Attention, rappelons que la discrimination n’est pas une « mauvaise intention » ou une injustice. C’est un délit pénal, qui fait de son auteur un délinquant : le Code pénal (1) sanctionne la discrimination lorsqu’elle consiste à refuser d’embaucher une personne ou à subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise, pour une caractéristique portant sur l’un des éléments visés à l’article 225.1 de ce Code dont font partie l’appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.
Enfin, rappelons au passage que, une fois l’embauche effectuée, le Code du travail (2) interdit « d’apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».
Soyons clair : la discussion avec le recruteur/manager, avant ou après l’embauche, ne peut se faire qu’autour des aptitudes à la mission. Il peut être indiqué durant l’entretien que les qualités essentielles recherchées pour ce poste sont la résistance nerveuse et physique, et que tout manquement aboutira à une sanction, voire au licenciement. Si le candidat estime que cela peut lui poser une difficulté à un certain horaire (entre 13 h et 17 h par exemple), il peut, de sa propre initiative, demander quelle est la posture de principe de la direction : un aménagement des horaires peut-il s’opérer en collaboration avec des collègues ou les managers estiment-ils que tout arrangement provoquerait une atteinte à l’organisation de la colonie ? Dans ce cas, cela relève de sa responsabilité de ne pas postuler à un poste pour lequel il pourrait manquer d’aptitudes.
ÉLÉMENTS DU DÉBAT
Comment être certain que des animateurs expérimentés, excellents en temps normal, conserveront toutes leurs capacités physiques et relationnelles pendant cette colonie alors qu’ils suivent le jeûne du ramadan ? Resteront-ils endurants, attentifs et disponibles sans se restaurer ni boire toute la journée, en pleine chaleur ? Garantir la sécurité de tous les jeunes inscrits dont ils auront la charge est la priorité absolue de la direction.
Cette problématique va se répéter pendant les quatre prochaines années, puisque le mois du ramadan tombe pendant les vacances d’été. Il est normal et utile de se poser la question de la meilleure organisation à mettre en œuvre, de façon à ce que la liberté de conscience des professionnels de la jeunesse n’entrave pas :
– la sécurité des jeunes pris en charge ;
– la sécurité des animateurs eux-mêmes ;
– l’organisation de la colonie et du fonctionnement de l’équipe ;
– le respect de la liberté de conscience des jeunes pris en charge et des collègues.
Comment être certain que des animateurs expérimentés, excellents en temps normal, conserveront toutes leurs capacités physiques et relationnelles pendant cette colonie alors qu’ils suivent le jeûne du ramadan ? Resteront-ils endurants, attentifs et disponibles sans se restaurer ni boire toute la journée, en pleine chaleur ? Garantir la sécurité de tous les jeunes inscrits dont ils auront la charge est la priorité absolue de la direction.
Cette problématique va se répéter pendant les quatre prochaines années, puisque le mois du ramadan tombe pendant les vacances d’été. Il est normal et utile de se poser la question de la meilleure organisation à mettre en œuvre, de façon à ce que la liberté de conscience des professionnels de la jeunesse n’entrave pas :
– la sécurité des jeunes pris en charge ;
– la sécurité des animateurs eux-mêmes ;
– l’organisation de la colonie et du fonctionnement de l’équipe ;
– le respect de la liberté de conscience des jeunes pris en charge et des collègues.
MISE EN SITUATION
Sur la question « sécurité des jeunes, des animateurs, et organisation du camp »
Le retour d’expériences de l’année dernière montre que :
– peu d’individus qui suivent le jeûne du ramadan ont postulé pour travailler comme animateurs au mois d’août ;
– les individus ayant postulé en sachant qu’ils allaient suivre le jeûne du ramadan ont choisi des colonies où il n’y avait pas d’activités physiques intensives inscrites au programme ;
– dans ce type de situations, le jeûne n’a pas entravé leurs aptitudes à leur mission. Les directeurs sont restés vigilants pour qu’ils ne se retirent pas au moment de l’accompagnement des repas du matin et du déjeuner, même s’ils ne s’alimentaient pas ;
– dans certains lieux, quelques arrangements se sont organisés avec les collèges au fur et à mesure des tours de rôle : ceux qui jeûnaient prenaient plus précisément en charge les activités du matin et les veilles de nuit. Les directeurs sont restés attentifs à ce que cela ne produise pas d’iniquité pour les autres animateurs et qu’il y ait bien une « réciprocité de bénéfices » dans les arrangements communs ;
– au moment de la rupture du jeûne, ces animateurs se sont restaurés sans que cela entrave le cours habituel des activités organisées pour tous.
Sur la question de ne pas influencer la liberté de conscience des jeunes
Dans ce type de situations, la principale vigilance de l’animateur doit consister à ne pas « influencer » les jeunes dont il a la charge, en les amenant à suivre le jeûne du ramadan avec lui. Certes, ils ne sont pas fonctionnaires et ne sont pas soumis à une stricte obligation de neutralité. Mais en tant que professionnels de la jeunesse, une certaine neutralité fait partie des aptitudes professionnelles requises, ou plus exactement une certaine impartialité, pour bien effectuer les missions pédagogiques : transmettre et favoriser l’apprentissage de principes fondamentaux du vivre-ensemble, permettre aux jeunes de se forger une opinion libre, de structurer leurs pensées, d’exprimer leurs points de vue, d’apprendre à accueillir des avis différents, etc.
Sur la question « sécurité des jeunes, des animateurs, et organisation du camp »
Le retour d’expériences de l’année dernière montre que :
– peu d’individus qui suivent le jeûne du ramadan ont postulé pour travailler comme animateurs au mois d’août ;
– les individus ayant postulé en sachant qu’ils allaient suivre le jeûne du ramadan ont choisi des colonies où il n’y avait pas d’activités physiques intensives inscrites au programme ;
– dans ce type de situations, le jeûne n’a pas entravé leurs aptitudes à leur mission. Les directeurs sont restés vigilants pour qu’ils ne se retirent pas au moment de l’accompagnement des repas du matin et du déjeuner, même s’ils ne s’alimentaient pas ;
– dans certains lieux, quelques arrangements se sont organisés avec les collèges au fur et à mesure des tours de rôle : ceux qui jeûnaient prenaient plus précisément en charge les activités du matin et les veilles de nuit. Les directeurs sont restés attentifs à ce que cela ne produise pas d’iniquité pour les autres animateurs et qu’il y ait bien une « réciprocité de bénéfices » dans les arrangements communs ;
– au moment de la rupture du jeûne, ces animateurs se sont restaurés sans que cela entrave le cours habituel des activités organisées pour tous.
Sur la question de ne pas influencer la liberté de conscience des jeunes
Dans ce type de situations, la principale vigilance de l’animateur doit consister à ne pas « influencer » les jeunes dont il a la charge, en les amenant à suivre le jeûne du ramadan avec lui. Certes, ils ne sont pas fonctionnaires et ne sont pas soumis à une stricte obligation de neutralité. Mais en tant que professionnels de la jeunesse, une certaine neutralité fait partie des aptitudes professionnelles requises, ou plus exactement une certaine impartialité, pour bien effectuer les missions pédagogiques : transmettre et favoriser l’apprentissage de principes fondamentaux du vivre-ensemble, permettre aux jeunes de se forger une opinion libre, de structurer leurs pensées, d’exprimer leurs points de vue, d’apprendre à accueillir des avis différents, etc.
QUE FAIRE ?
Être « neutre » lorsque l’on est fonctionnaire au guichet du bureau des impôts est une chose. Être neutre lorsque l’on est éducateur et que l’on mange avec des jeunes, c’est autre chose… Si votre collègue consomme du porc, les jeunes en déduisent qu’il n’est ni musulman ni juif… Si vous n’en consommez pas, les jeunes en déduisent que vous êtes musulman ou juif. Ce qui signifie que dans une situation de quotidien de telle proximité, la « totale neutralité » ne peut exister. Personne n’est neutre.
Il y a une autre difficulté propre au travail social. Il est habituel que l’adulte représente un modèle d’identification positive auprès du jeune, et cela fait partie de son travail. Donc ce n’est pas la première fois que vous exercez une influence sur les jeunes et dans de nombreux cas, c’est ce que vous recherchez. Il s’agit donc ici de faire la différence entre « représenter une identification positive » au niveau d’un certain nombre de valeurs éducatives et « influencer sa liberté de conscience » au niveau religieux, dans une situation où le jeune tenterait de « faire alliance » avec vous sur un registre religieux, dans un mécanisme de mimétisme qui irait à l’encontre de vos objectifs pédagogiques (lui apprendre à respecter chaque individu et chaque vision du monde)…
Les jeunes doivent comprendre que, conformément à la philosophie de la laïcité mise en place en 1905, il n’y a pas de « vision du monde supérieure à une autre ». Ils ont le droit au respect de la leur à condition qu’ils respectent celles des autres.
Ils doivent comprendre que « votre croyance » est le fruit de votre choix du moment mais que cette dernière ne constitue pas « une vérité supérieure ». À cette fin, certaines équipes ont choisi de réintroduire de la subjectivité et de la flexibilité, au moins par la parole. Cela peut être :
– « Cette année, j’ai choisi de jeûner, mais ma femme a dû le reporter…» ;
– « Moi, je mange halal, mais pas mon frère, il dit que la viande halal n’existe pas en France, puisque les moutons sont nourris avec des granules à base de gélatine… Ce n’est qu’une histoire de business… » ;
– « Mon meilleur ami n’est pas musulman, il ne comprend pas pourquoi c’est important pour moi de jeûner.. »
En fait, l’objectif consiste ici à montrer que l’on peut être très lié à une personne qui a d’autres types de convictions et à introduire des questionnements, de façon à montrer aux jeunes qu’il n’existe pas de « vision du monde supérieure ».
Cette façon de nommer les choses peut servir à tous les professionnels, quelles que soient leurs croyances ou leurs non-croyances, puisque tous devraient avoir en commun le souci de ne pas imposer leur propre vision du monde, religieuse ou athée.
Être « neutre » lorsque l’on est fonctionnaire au guichet du bureau des impôts est une chose. Être neutre lorsque l’on est éducateur et que l’on mange avec des jeunes, c’est autre chose… Si votre collègue consomme du porc, les jeunes en déduisent qu’il n’est ni musulman ni juif… Si vous n’en consommez pas, les jeunes en déduisent que vous êtes musulman ou juif. Ce qui signifie que dans une situation de quotidien de telle proximité, la « totale neutralité » ne peut exister. Personne n’est neutre.
Il y a une autre difficulté propre au travail social. Il est habituel que l’adulte représente un modèle d’identification positive auprès du jeune, et cela fait partie de son travail. Donc ce n’est pas la première fois que vous exercez une influence sur les jeunes et dans de nombreux cas, c’est ce que vous recherchez. Il s’agit donc ici de faire la différence entre « représenter une identification positive » au niveau d’un certain nombre de valeurs éducatives et « influencer sa liberté de conscience » au niveau religieux, dans une situation où le jeune tenterait de « faire alliance » avec vous sur un registre religieux, dans un mécanisme de mimétisme qui irait à l’encontre de vos objectifs pédagogiques (lui apprendre à respecter chaque individu et chaque vision du monde)…
Les jeunes doivent comprendre que, conformément à la philosophie de la laïcité mise en place en 1905, il n’y a pas de « vision du monde supérieure à une autre ». Ils ont le droit au respect de la leur à condition qu’ils respectent celles des autres.
Ils doivent comprendre que « votre croyance » est le fruit de votre choix du moment mais que cette dernière ne constitue pas « une vérité supérieure ». À cette fin, certaines équipes ont choisi de réintroduire de la subjectivité et de la flexibilité, au moins par la parole. Cela peut être :
– « Cette année, j’ai choisi de jeûner, mais ma femme a dû le reporter…» ;
– « Moi, je mange halal, mais pas mon frère, il dit que la viande halal n’existe pas en France, puisque les moutons sont nourris avec des granules à base de gélatine… Ce n’est qu’une histoire de business… » ;
– « Mon meilleur ami n’est pas musulman, il ne comprend pas pourquoi c’est important pour moi de jeûner.. »
En fait, l’objectif consiste ici à montrer que l’on peut être très lié à une personne qui a d’autres types de convictions et à introduire des questionnements, de façon à montrer aux jeunes qu’il n’existe pas de « vision du monde supérieure ».
Cette façon de nommer les choses peut servir à tous les professionnels, quelles que soient leurs croyances ou leurs non-croyances, puisque tous devraient avoir en commun le souci de ne pas imposer leur propre vision du monde, religieuse ou athée.
Notes
1. Articles 225-1 à 225-4 du Code pénal.
2. Articles L1132-1, L1152-4 et L4121-1 du Code du travail.
1. Articles 225-1 à 225-4 du Code pénal.
2. Articles L1132-1, L1152-4 et L4121-1 du Code du travail.