Points de vue

Raphaël Varane, un défenseur qui assure ses arrières

Rédigé par Gianguglielmo Lozato | Vendredi 8 Novembre 2024 à 10:00



Raphaël Varane a décidé de raccrocher les crampons. Une tête bien faite dans un corps bien fait disparaît des terrains du football professionnel. En attendant l’échéance presque immédiate du déplacement de ses ex-coéquipiers internationaux, dimanche 17 novembre, en Italie.

Automne 2024. Avec la première tombée des feuilles, les arbres annoncent à leur manière la fin d’un cycle pour l’arrière-garde de l’équipe nationale française masculine de football, Oui, Raphaël Varane va nous manquer. Le défenseur vient à peine d’annoncer sa retraite, après la répétition d’ennuis physiques de plus en plus rapprochés dans le temps.

Varane, c'est d'abord un profil

Sur le plan de la personnalité, l’homme aux 93 sélections en équipe nationale A a depuis toujours la réputation - justifiée - d’un garçon fiable, correct, très utile à la vie de groupe. A tel point qu’il fut recommandé au Real Madrid alors qu’il était âgé d’à peine 18 ans, par sa majesté Zinedine Zidane en personne. Un parrainage très haut de gamme pour des prestations qui allaient se révéler en harmonie avec le prestige du grand club madrilène.

Maturité, calme, sang-froid mais aussi dynamisme ont rendu service à ses équipes successives, des entraîneurs aux coéquipiers. À la fois sur le carré vert par ses interventions, que par sa prise de parole pour motiver les troupes et savoir relativiser avec justesse comme lorsqu’il déclara, à l’âge de 24 ans « la Ligue des Champions ? Ce n’est pas une obsession. Chaque saison est un nouveau défi ». Ce qui dénote une certaine faculté organisationnelle inscrite dans le mental d’un footballeur qui a gagné quatre fois le trophée de C1.

De toute évidence, cet équilibre au service du professionnalisme a contribué à l’épanouissement et aux résultats extrêmement positifs liés à ce défenseur central. Il est vrai qu’en tant que joueur, l’intelligence de jeu a servi le talent d’un arrière spécialisé dans le rôle de défenseur central. Le côté rassurant, tant pour la protection de son gardien de but que pour ses latéraux, est dû au fait de s’être montré doué aussi bien pour la couverture en zone que pour un maillage plus resserré sous forme de marquage individuel.

Grâce à son physique athlétique lui permettant de se montrer agile sans être trop imposant (1,91 m pour 81 kg), son élasticité alliée à un excellent jeu de tête lui ont permis à plusieurs reprises d’écarter le danger, à la manière d’un stoppeur à l’ancienne façon Terry Butcher, de produire des tacles à l’efficacité élégante ou de relancer de son cher pied droit dans un rôle de libéro moderne digne descendant de Franz Beckenbauer ou de Franco Baresi. N’hésitant pas certaines fois à colmater les brèches sur les couloirs défensifs en cas de défaillance d’un coéquipier.

Après la défense et la construction, Raphaël Varane s’est distingué également dans le secteur offensif. Par des buts importants, comme l’année du sacre avec les Bleus à Russie 2018, avec une réalisation contre l’Uruguay d’Edison Cavani en quarts de finale. Résistance, placement, bonne technique individuelle : voilà une polyvalence annonciatrice de ce qui allait être une vraie collection de titres.

Un parcours et des résultats qui ont construit un palmarès

Varane, c’est un roc imposant auquel s’accroche les coéquipiers, auquel se raccroche les entraîneurs. Une sorte d’assurance tous risques. Par sa prise de décision rapide et ses compétences variées, jusqu’à se montrer décisif offensivement comme Lilian Thuram à une époque. En comparaison, on peut penser à la prestation haut de gamme de janvier 2013 à Barcelone avec des interventions salvatrices et un but marqué pour le Nordiste, et se référer aux deux buts contre la Croatie au Mondial 1998 pour l’Antillais.

De par sa valeur sportive et marchande, pas étonnant que l’international français fit le bonheur successivement de Lens, du Real Madrid (rappelons les éloges de José Mourinho et de son adjoint Aitor Karanka), de Manchester United et, voici peu, de Côme, sa dernière destination, en championnat d’Italie.

Au niveau mondial, Il est détenteur d’un titre de champion de monde obtenu en terre russe en 2018 et d’une médaille d’argent quatre ans plus tard sur le sol qatari. Ce dernier épisode planétaire montre que, grâce à la constance dans l’implication de ce sportif de haut niveau se relevant chaque fois courageusement de ses blessures à répétition, le groupe dirigé par le sélectionneur national Didier Deschamps a confirmé son potentiel. Cette réponse concrète, d’une accession à une finale perdue avec les honneurs face à l’Argentine de Messi, s’est imposée comme le moyen de contrer les critiques ayant présenté la France comme une équipe uniquement chanceuse suite à son sacrement au stade Loujniki de Moscou.

Alors quel avenir pour le foot français et sa ligne défensive ?

Raphaël Varane a été un leader tout au long de sa carrière. Ce n’est pas par hasard qu’il a remporté une Ligue des Nations en 2012, quatre C1, une médaille d’or puis une d’argent en Coupe du monde. Comme un appel à la sérénité, c’est dans le cadre de la ville lombarde de Côme réputée pour son lac qu’il a choisi de prononcer ses adieux. La sagesse.

Raphaël Varane n’exercera plus en tant que joueur professionnel de football. C’est un grand joueur et un grand monsieur qui tire là sa révérence. Un arrière qui a su aller de l’avant et faire aller de l’avant ses compagnons de jeu.

Le secteur défensif du ballon rond made in France se retrouve orphelin d’un grand champion. Le haut niveau a beaucoup donné à un homme qui s’est plié à ses attentes, en rendant énormément autant aux institutions qu’au public. Les exigences du haut niveau ont usé l’organisme d’un international qui a su rester réaliste, honnête, discret sans être effacé, préférant l’arrière-plan pour mieux surprendre plus en avant. À l’image de son style de jeu. À l’image du souvenir positif évoqué par les membres de Sports Etudes Concept (devenu le groupe Sports Etudes Academy sous le patronage du fonds d’investissement Alter Equity) lorsqu’ils sont interrogés à propos de leur ancien élève devenu un sage investisseur.

Avec la retraite internationale d’Antoine Griezmann, désigné par la FIFA homme du match de la finale mondiale en juin 2018, l’équipe de France a du souci à se faire en matière de complémentarité et de synchronisation. Espérons que cet événement automnal ne soit pas annonciateur d’un hiver footballistique pour la FFF.

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Gianguglielmo Lozato est professeur d'italien et auteur de recherches universitaires sur le football italien en tant que phénomène de société.

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