Arts & Scènes

Rayahzone : l’invitation au voyage

Rédigé par | Mercredi 12 Mars 2014 à 06:55



« Rayahzone », un superbe spectacle tout autant chorégraphique, circassien que musical, créé et interprété par les frères Ali et Hèdi Thabet, sur fond de chants et musique soufie en live.
On les avait découverts en 2012, au théâtre de Suresnes, pour leur premier spectacle en commun, Rayahzone. On en est ressorti ému, bouleversé, transbahuté, subjugué.

Ali et Hèdi Thabet reviennent sur la scène du musée du quai Branly, les 28, 29 et 30 mars 2014, pour nous emmener dans leur univers chorégraphique empli de poésie et d’émotions pour trois danseurs et cinq chanteurs et musiciens soufis.

De mère belge et de père tunisien, les deux frères Thabet ont chacun eu un parcours artistique. Dès 8 ans, le cadet Hèdi entre à l’école du cirque de Bruxelles et excelle dans l’art du jonglage. À 18 ans, il est atteint d’un cancer, puis d’un second un an plus tard. Amputé d’une jambe, il abandonne sa carrière de circassien. « Je me suis mis au vert pendant presque 10 ans », raconte Hèdi dans une interview accordée à l’Institut français de Tunisie en 2012, alors que la création Rayahzone n’en est encore qu’à ses prémices. « J’ai décidé de ne rien faire. Parallèlement, mon frère est complètement entré dans le métier en faisant une formation en cirque puis en étant dans le milieu de la danse contemporaine. »

Au sortir de sa formation au Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, Ali, de 3 ans l’aîné de Hèdi, se voit d’emblée proposer d’intégrer des compagnies de danse, celles de Philippe Decouflé, de Josef Nadj et de Sidi Larbi Cherkaoui, belge lui aussi.

Ce qui lie les deux frères, c’est bien sûr la scène, même si l’un est au-devant et l’autre pas... Durant toutes ces années, « il y a eu un échange permanent entre mon frère et moi sur ce qu’implique “être en scène” », évoque Ali, « avec comme balance mon frère qui était presque dans l’inaction et moi dans la suraction. » « L’échange avec mon frère me replaçait tout le temps dans la question de la nécessité », poursuit Ali. « Quelle est notre envie profonde de partager sur scène ? »

Rayahzone vient ainsi réunir les deux frères pour la première fois dans une création qu’ils ont écrite ensemble et qu’ils interprètent, abordant les questions qui les taraudent « en tant qu’êtres humains : notre binationalité, notre rapport intense à la Tunisie, même si on a grandi en Europe, nos deux cultures… » Rejoints par le danseur Lionel About, ils nous proposent un langage chorégraphique étonnant, ponctué par des acrobaties et des portés dignes de leur passé circassien, et où les béquilles de Hèdi dansent elles aussi. Une, deux, trois, cinq ou sept jambes ?

Peu importe, ce qui compte, c’est le mouvement : l’abandon, l’envol, l’accrochage, l’étreinte, le corps-à-corps, la course, la fuite, l’escalade, la déambulation, l’équilibre. Le mouvement est partout : dans la cour, sur les murs, au gré des échafaudages, sur le toit de la maison… Dans ce ballet de trois danseurs accompagnés en live de chants et de musique soufie, les cinq musiciens font corps eux aussi.

En intégrant les musiciens comme acteurs à part entière, les frères Thabet donne ainsi aux chants soufis une puissance rare. Longtemps interdite en Tunisie, la musique soufie « était considérée comme une forme d’opposition au système politique. Ce n’est que depuis la chute du régime de Ben Ali que la culture soufie s’est véritablement émancipée », explique le pianiste et musicologue Sofyann Ben Youssef, qui assure la direction musicale de Rayahzone.

« Pas de création sans nécessité », s’étaient dit les deux frères avant d’écrire cette pièce. « Rayah », le voyage en arabe. Ali et Hèdi Thabet nous invitent à un périple dans leur intimité, leur relation fraternelle, leur soutien mutuel, leurs cultures d’origine… et leurs rêves éveillés, bombardés tout pleins de leur énergie. Oui, Rayahzone nous est bel et bien nécessaire.


Saphirnews vous offre des places pour le spectacle Rayahzone, vendredi 28 mars, à 20 heures.
Tentez votre chance en remplissant le formulaire ici

Rayahzone
Conception, mise en scène et chorégraphie : Ali Thabet, Hèdi Thabet
Avec Ali Thabet, Hèdi Thabet, Lionel About
Direction musicale : Sofyann Ben Youssef
Chants soufis de Tunisie interprétés en direct par Mehdi Ayachi, Sofyann Ben Youssef, Mourad Brahim, Nidhal Yahyaoui, Walid Soltan

Le vendredi 28 mars, à 20 h, le 29 mars, à 20 h et le dimanche 30 mars 2014, à 17 h.
Musée du Quai Branly : 37, quai Branly − Paris 7e − www.quaibranly.fr‎


Journaliste à Saphirnews.com ; rédactrice en chef de Salamnews En savoir plus sur cet auteur