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Reconnaissance du génocide arménien : une grosse épine dans le pied de la Turquie

Réconciliation impossible avec l'Arménie ?

Rédigé par | Vendredi 24 Avril 2015 à 07:30

La reconnaissance du génocide arménien, un vrai tabou en Turquie. A l’occasion du centenaire de cet événement sombre de l’histoire de l’empire ottoman, Ankara ne décolère pas contre les autorités qui reconnaissent le caractère génocidaire de la mort de centaines de milliers d'Arméniens entre 1915 et 1917.



La commémoration officielle du centenaire du génocide arménien a lieu vendredi 24 avril 2015 à Erevan, la capitale arménienne, en présence de François Hollande.
Le génocide arménien de 1915 n’existe pas pour la Turquie et les Etats qui décident de reconnaître tel quel cet épisode de l’histoire de l’Empire ottoman font face à la colère du gouvernement turc.

A l'occasion des commémorations du centenaire des massacres, l’Autriche a décidé de reconnaître, mercredi 22 avril, le génocide arménien, provoquant l’ire de la Turquie qui a aussitôt rappelé son ambassadeur. Dix jours plus tôt, le 12 avril, les autorités turques ont pris la même décision à l’encontre du Vatican après la reconnaissance publique du génocide par le pape François.

Les reconnaissances ne se bousculent pas

Recep Tayyip Erdogan, présidentv de la Turquie.
Entre-temps, les députés européens ont adopté une résolution instaurant la date du 24 avril comme date commémorative du génocide arménien. Cette initiative législative, votée 28 ans après la reconnaissance par le Parlement européen du génocide, vise à appeler l'Arménie et la Turquie à « saisir l'occasion du centenaire (…) pour relancer les relations diplomatiques, ouvrir la frontière et faciliter l'intégration économique ».

Le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu, y voyant « un nouveau signe du racisme en Europe », a sévèrement condamné la résolution. « S'il veut contribuer à la paix, le Parlement européen ne devrait pas prendre de décisions qui incitent à la haine envers une certaine religion ou un certain groupe ethnique », a-t-il fait savoir.

C’est l’Uruguay qui a ouvert le bal des reconnaissances du génocide arménien en 1965. Au total, 23 pays ont fait ce geste symbolique, dont la Syrie qui l'a fait en janvier 2014 dans un contexte de conflit de voisinage. Des pays ne tiennent pas à reconnaître le génocide – du moins publiquement – afin de préserver leurs relations diplomatiques et économiques avec la Turquie. Prenant le risque de se fâcher avec un partenaire historique, l'Allemagne, qui compte la plus importante diaspora turque au monde, a finalement sauté le pas la veille du centenaire. Son président Joachim Gauck a non seulement reconnu le génocide arménien mais il a aussi évoqué « une coresponsabilité et même, potentiellement, une complicité (de l'Allemagne) dans le génocide des Arméniens », à une époque où le Reich était allié avec l'Empire ottoman contre la France et la Grande-Bretagne.

La France, une alliée d’Erevan

La France a, pour sa part, fait le pas de la reconnaissance à travers la loi du 29 janvier 2001. Dix ans après, l’Assemblée nationale puis le Sénat ont voulu aller plus loin en adoptant un projet de loi prévoyant de punir la négation du génocide arménien d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Le texte avait finalement été jugé inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel en février 2012 afin de ne pas restreindre la liberté d’expression.

Le soutien accordé à l’Arménie, au grand dam de la Turquie, n’a pas été diminué avec l’élection de François Hollande. Il est d’ailleurs un des rares chefs d’Etat, avec Vladimir Poutine, à se déplacer vendredi 24 avril à Erevan, la capitale arménienne, pour commémorer les 100 ans du génocide.

Une réconciliation impossible ?

Serge Sarkissian, président de l'Arménie.
Selon Erevan, dont la version est appuyée par de nombreux historiens, le génocide a coûté la vie à 1,5 million d'Arméniens de l'Empire ottoman, canonisés jeudi 23 avril par le chef de l'Eglise arménienne. La Turquie, si elle reconnaît la mort d'environ 500 000 d’entre eux, estime que leur mort n’est pas le fruit d’une campagne d’élimination systématique des Arméniens mais le résultat d’une guerre civile qui a fait autant de morts côté arménien comme côté turc.

Recep Tayyip Erdogan, alors Premier ministre de la Turquie jusqu’en août 2014, a consenti un geste d'ouverture l’an passé. L’homme d’Etat avait en effet présenté ses condoléances aux descendants des Arméniens tués, une première depuis 1915. Il a réitéré ce message le 20 avril 2015. Toutefois, l’emploi du terme « génocide » reste banni. Les autorités ont aussi décidé d'avancer d'un jour la commémoration du centenaire de la bataille de Gallipoli, l’une des principales victoires turques de la Première Guerre mondiale, de sorte à ce qu'elle coïncide avec l'hommage centenaire du génocide arménien et en diminuer ainsi son importance.

A l'instar de la France et de l'Algérie, l'enjeu mémoriel est tel qu'il conditionne l'avenir des relations aujourd'hui minées entre la Turquie et l'Arménie. Rien n'est toutefois perdu : le président arménien Serge Sarkissian a fait savoir, mercredi 23 avril, que le redémarrage du processus de paix ne devrait être soumis à aucune condition préalable et qu'il n'insisterait pas pour que les Turcs reconnaissent l'existence d'un génocide. Sa position ne manque pas d'être critiquée dans son propre pays mais est une véritable main tendue à la Turquie. L'invitation à se joindre à la table des négociations est lancée, à la Turquie de l'honorer.



Rédactrice en chef de Saphirnews En savoir plus sur cet auteur