L’Homme dans la conception musulmane est un cheminement, il est un être digne et complexe composé de plusieurs éléments sans scission artificielle entre ses différentes composantes. L’Homme est tout à la fois âme, corps et intellect.
Par son âme, il a en lui le souffle de Dieu, son Créateur, son Seigneur, sa fin. Cette donne première qui s’impose à l’Homme et fait sa singularité le définit comme un être à vocation spirituelle par excellence et par essence ; invité par Dieu à se réaliser, à s’engager sur la voie ascendante qui mène à Lui et à donner un sens à sa vie en faisant l’effort libre de transcender les pesanteurs qui empêchent cette ascension morale et spirituelle. Cette fibre spirituelle ancrée dans l’Homme explique le fait qu’il ressent le besoin de donner sens à son existence et trouve toujours le moyen de régler cette question d’une manière ou d’une autre, y compris dans et par l’athéisme qui reste une forme particulière de se situer par rapport à une interrogation intime et une façon de répondre aux questionnements qui naissent au plus profond de l’être humain.
D’autre part, l’Homme aspire aussi naturellement, et conformément à la sensibilité que Dieu a placée en lui, à la justice, à la dignité et à la liberté. Cette quête de justice sociale, de dignité et de liberté est l’autre facette du patrimoine génétique spirituel selon lequel Dieu a façonné l’être humain et qui fait que l’Homme ne pourrait se contenter du pain pour vivre. L’Homme est capable de donner sa vie, de se sacrifier pour sa dignité, sa liberté, pour une cause et pour autrui. Cet élan est l’expression d’une innéité qui dépasse le calcul de la rationalité et la loi de la biologie.
Cette affirmation ne contredit pas le fait que l’Homme puisse sombrer dans la servitude volontaire à des hommes et à des systèmes, et faire preuve d’injustice à l’égard de lui-même, de ses frères et de l’environnement dès lors que cette sensibilité originelle fait l’objet d’un oubli, d’une déformation et d’une mutilation par des facteurs liés à l’éducation, à la socialisation, à la nature des politiques dominantes et des valeurs en vogue dans un contexte donné. L’Homme est capable du meilleur – conformément à une nature originelle préservée par une méditation éthique et spirituelle ou confortée par la foi active en Dieu et en la vie dernière – comme du pire s’il ne s’engage pas dans un processus de réforme de soi et subit consciemment ou inconsciemment une mutilation intérieure de sa prime nature.
Par son âme, il a en lui le souffle de Dieu, son Créateur, son Seigneur, sa fin. Cette donne première qui s’impose à l’Homme et fait sa singularité le définit comme un être à vocation spirituelle par excellence et par essence ; invité par Dieu à se réaliser, à s’engager sur la voie ascendante qui mène à Lui et à donner un sens à sa vie en faisant l’effort libre de transcender les pesanteurs qui empêchent cette ascension morale et spirituelle. Cette fibre spirituelle ancrée dans l’Homme explique le fait qu’il ressent le besoin de donner sens à son existence et trouve toujours le moyen de régler cette question d’une manière ou d’une autre, y compris dans et par l’athéisme qui reste une forme particulière de se situer par rapport à une interrogation intime et une façon de répondre aux questionnements qui naissent au plus profond de l’être humain.
D’autre part, l’Homme aspire aussi naturellement, et conformément à la sensibilité que Dieu a placée en lui, à la justice, à la dignité et à la liberté. Cette quête de justice sociale, de dignité et de liberté est l’autre facette du patrimoine génétique spirituel selon lequel Dieu a façonné l’être humain et qui fait que l’Homme ne pourrait se contenter du pain pour vivre. L’Homme est capable de donner sa vie, de se sacrifier pour sa dignité, sa liberté, pour une cause et pour autrui. Cet élan est l’expression d’une innéité qui dépasse le calcul de la rationalité et la loi de la biologie.
Cette affirmation ne contredit pas le fait que l’Homme puisse sombrer dans la servitude volontaire à des hommes et à des systèmes, et faire preuve d’injustice à l’égard de lui-même, de ses frères et de l’environnement dès lors que cette sensibilité originelle fait l’objet d’un oubli, d’une déformation et d’une mutilation par des facteurs liés à l’éducation, à la socialisation, à la nature des politiques dominantes et des valeurs en vogue dans un contexte donné. L’Homme est capable du meilleur – conformément à une nature originelle préservée par une méditation éthique et spirituelle ou confortée par la foi active en Dieu et en la vie dernière – comme du pire s’il ne s’engage pas dans un processus de réforme de soi et subit consciemment ou inconsciemment une mutilation intérieure de sa prime nature.
Dans l’islam, une reconnaissance et non un déni de la nature complexe de l’Homme
Si l’Homme est foncièrement une âme, l’Homme est aussi un corps. C’est par le biais de cette enveloppe charnelle qui abrite son âme que l’Homme s’incarne, s’agite ou agit dans le monde, assujetti à des besoins, à des tentations, à des contradictions, à des désirs d’un autre ordre. Par son corps, l’Homme se situe dans un contexte matériel qui parle à ses besoins biologiques, matériels comme à ses penchants égotiques et ne peut s’affranchir complètement de l’attraction de la Terre, lieu et instrument de l’Epreuve selon la volonté de Dieu…
La conséquence pratique de ce double conditionnement, voulu par Dieu dans Son infinie sagesse comme sens de la condition humaine et du monde, comme tension et équilibre permanent à chercher entre ces deux niveaux, nous la retrouvons inscrite dans la nature même de l’islam dont l’essentiel pourrait presque être résumé, et pour cause, dans deux grands pôles : la Justice et la Spiritualité. Les exégètes du Coran, en s’inspirant de certaines traditions prophétiques, évoquent le verset « Dieu ordonne la justice et le bel-agir » comme étant le verset le plus complet, le plus englobant du Coran dans la mesure où il résume, en quelque sorte, la quasi-totalité du message et l’essentiel de la « Révélation ». On trouve dans l’islam, comme message abstrait et comme expérience de foi, une reconnaissance et non un déni de cette nature complexe de l’Homme et une volonté de s’y appuyer dans l’interpellation qui lui est faite de vivre l’expérience de Dieu et de transcender les facteurs qui le tirent vers le bas, vers la bestialité.
Ainsi, le Coran incarne, en tant que message éternel de Dieu à l’Homme, un appel incessant à rassembler d’une façon harmonieuse deux soucis dans un seul cheminement. Une exhortation à l’Homme en quête de Dieu de se donner les moyens de vivre à la fois l’enracinement dans le réel dans le détachement spirituel, la présence dans le monde dans la conscience de Dieu, et le souci d’ici-bas dans l’aspiration à la vie dernière, l’amour de Dieu dans la proximité avec les Hommes.
La conséquence pratique de ce double conditionnement, voulu par Dieu dans Son infinie sagesse comme sens de la condition humaine et du monde, comme tension et équilibre permanent à chercher entre ces deux niveaux, nous la retrouvons inscrite dans la nature même de l’islam dont l’essentiel pourrait presque être résumé, et pour cause, dans deux grands pôles : la Justice et la Spiritualité. Les exégètes du Coran, en s’inspirant de certaines traditions prophétiques, évoquent le verset « Dieu ordonne la justice et le bel-agir » comme étant le verset le plus complet, le plus englobant du Coran dans la mesure où il résume, en quelque sorte, la quasi-totalité du message et l’essentiel de la « Révélation ». On trouve dans l’islam, comme message abstrait et comme expérience de foi, une reconnaissance et non un déni de cette nature complexe de l’Homme et une volonté de s’y appuyer dans l’interpellation qui lui est faite de vivre l’expérience de Dieu et de transcender les facteurs qui le tirent vers le bas, vers la bestialité.
Ainsi, le Coran incarne, en tant que message éternel de Dieu à l’Homme, un appel incessant à rassembler d’une façon harmonieuse deux soucis dans un seul cheminement. Une exhortation à l’Homme en quête de Dieu de se donner les moyens de vivre à la fois l’enracinement dans le réel dans le détachement spirituel, la présence dans le monde dans la conscience de Dieu, et le souci d’ici-bas dans l’aspiration à la vie dernière, l’amour de Dieu dans la proximité avec les Hommes.
Considérer l’Homme dans toutes ses possibilités et sa complexité, une exigence chère à l’islam
Ce cheminement à double facette qui mène de front deux combats, qui nourrit deux attentes, participe de la volonté de préserver un certain équilibre, essentiel chez l’Homme garant de son humanité et de son droit à connaître son Créateur de même qu’un certain équilibre dans le monde, essentiel pour son harmonie et sa viabilité… Il s’agit, en définitive, d’une exigence qui est chère à l’islam. Celle de ne pas fragmenter l’Homme, de ne pas le compartimenter, de ne pas le mutiler, de ne lui refuser ni son droit à la dignité, ni son droit à Dieu, mais de le considérer dans toutes ses possibilités, dans la globalité et la complexité de ce qu’il est et de ce à quoi il peut et doit aspirer. Chose que ne lui reconnait pas l’idéologie moderniste, qui pose comme point de départ le postulat bestial, c’est-à-dire l’Homme réduit à ses besoins biologiques, et comme horizon ultime de la réalisation humaine, le néant du cycle abrutissant de production-consommation.
Du coup, on peut comprendre la complétude de la vision que propose l’islam qui est tout à la fois une invitation à Dieu, une quête de perfection morale et spirituelle, intégrée dans un projet de participation globale pour la paix et la justice, sous-tendu par une vision du monde comme épreuve et porté par une volonté de don de soi, une intention de combat pour l’Homme, pour sa liberté et sa dignité. Autrement dit, dans cette perspective, la quête de Dieu et la quête de perfection morale et spirituelle sont indissociables d’une présence significative dans le monde et d’un enracinement au cœur de la réalité, avec une intention de lutte et une volonté d’engagement ferme pour répandre le Bien et résister au Mal dans un contexte hostile par définition.
Contrairement à d’autres traditions qui ont fini par admettre, peu ou prou, l’idée d’un cheminement spirituel qui tourne le dos à toute forme d’engagement politique versus l’idée d’un engagement politique qui n’intègre plus le souci du sens, de l’éthique et de quête de perfection, l’islam exige un double changement : celui des structures mentales et celui des structures sociopolitiques. Il exige de ses fidèles une attitude de témoignage global se fondant sur une continuité de valeurs où ces deux aspects sont complémentaires et inhérents l’un à l’autre, les deux étant indissociables et intrinsèquement liés. La recherche spirituelle donne sens, consistance et direction à l’action ; et l’action nourrit, interroge et met à l’épreuve la spiritualité et les intentions.
Du coup, on peut comprendre la complétude de la vision que propose l’islam qui est tout à la fois une invitation à Dieu, une quête de perfection morale et spirituelle, intégrée dans un projet de participation globale pour la paix et la justice, sous-tendu par une vision du monde comme épreuve et porté par une volonté de don de soi, une intention de combat pour l’Homme, pour sa liberté et sa dignité. Autrement dit, dans cette perspective, la quête de Dieu et la quête de perfection morale et spirituelle sont indissociables d’une présence significative dans le monde et d’un enracinement au cœur de la réalité, avec une intention de lutte et une volonté d’engagement ferme pour répandre le Bien et résister au Mal dans un contexte hostile par définition.
Contrairement à d’autres traditions qui ont fini par admettre, peu ou prou, l’idée d’un cheminement spirituel qui tourne le dos à toute forme d’engagement politique versus l’idée d’un engagement politique qui n’intègre plus le souci du sens, de l’éthique et de quête de perfection, l’islam exige un double changement : celui des structures mentales et celui des structures sociopolitiques. Il exige de ses fidèles une attitude de témoignage global se fondant sur une continuité de valeurs où ces deux aspects sont complémentaires et inhérents l’un à l’autre, les deux étant indissociables et intrinsèquement liés. La recherche spirituelle donne sens, consistance et direction à l’action ; et l’action nourrit, interroge et met à l’épreuve la spiritualité et les intentions.
L’exigence de la justice politique et sociale au cœur de l’appel à Dieu
Cette cohérence de la démarche est illustrée de la meilleure des façons dans l’action des Prophètes dont la mission à travers l’Histoire montre bien la présence quasi permanente des deux soucis. Leurs vies incarnaient, dans une démarche globale, l’exigence de la justice politique et sociale au cœur de l’appel à Dieu et du rappel de l’essentiel. Le Coran nous décrit le combat de ces hommes, modèles éternels de perfection morale et spirituelle, pour lesquels l’expérience mystique de Dieu n’a jamais été le prétexte prestigieux à la fuite du monde ou la justification d’une compromission avec la réalité du désordre établi au détriment des principes à l’origine de leur action. Ils ont travaillé inlassablement pour que les Hommes puissent renouer avec leur innéité profonde et jouir de leur droit le plus suprême, le plus sublime, celui de connaître Dieu, d’accéder au bonheur ici-bas et dans la vie dernière.
Ce travail fondamental, pour lequel ils ont consacré et sacrifié leurs vies, a été mené en parallèle avec un combat pour la transformation de leurs sociétés dans le sens de la justice, de la solidarité, de la dignité et de la libération globale. Ils ont mené un combat idéologique et politique contre toutes les formes d’oppression et contre la barbarie qui a toujours agi comme ignorance de Dieu et comme violence sur l’Homme et son environnement
Ce travail fondamental, pour lequel ils ont consacré et sacrifié leurs vies, a été mené en parallèle avec un combat pour la transformation de leurs sociétés dans le sens de la justice, de la solidarité, de la dignité et de la libération globale. Ils ont mené un combat idéologique et politique contre toutes les formes d’oppression et contre la barbarie qui a toujours agi comme ignorance de Dieu et comme violence sur l’Homme et son environnement
L’Homme entre le nécessaire et l’essentiel
Contrairement à un certain endoctrinement anesthésiant à la solde des puissants et du pouvoir corrompu, qui cherche à endormir les consciences, l’islam prône la lutte, la résistance dans la non-violence contre ceux qui se permettent l’humiliation, la violation et l’asservissement de l’Humanité.
Le Coran est un livre de Spiritualité et de sens par excellence. Il n’en demeure pas moins qu’il est un livre de « jihad » qui invite au combat pour la liberté dans la justice et pour la justice dans la liberté. Le Coran fustige le choix de la neutralité et de l’individualisme crispé et invite le fidèle à s’engager avec intelligence et sincérité dans le combat pour la dignité de l’Homme, laquelle ne peut être relativisée et donc trahie. Il prône l’indignation active et la résistance positive contre ceux qui empêchent les « damnés de la terre » de se libérer des servitudes matérielles et sociales que leur infligent d’autres hommes afin qu’ils puissent jouir, dans la liberté, de leur droit le plus suprême et le plus ignoré, celui de connaître Dieu et d’effectuer leur ascension vers Lui, dans l’épanouissement de leurs virtualités morales et spirituelles.
L’islam prône la résistance active pour assurer le nécessaire en matière de justice car la spiritualité comme recherche de sens, aussi essentielle qu’elle soit, n’est « pas pour les ventres vides » selon les mots de Gandhi. Dans cette équation dont dépend le sort de l’Homme ici-bas et son devenir éternel, Abdessalam Yassine affirme dans La révolution à l’heure de l’islam qu’« il faut assurer le nécessaire avant qu’il soit possible de penser et d’entreprendre la réalisation de l’essentiel ».
L’aspiration spirituelle innée chez l’Homme se retrouve violemment perturbée, voire complètement étouffée sous le poids d’une réalité terrestre écrasante et sous la domination d’un modèle socio-économique barbare qui ignore profondément la valeur de l’Homme et sa dignité et ne fait que l’utiliser cyniquement sans lui laisser la moindre chance pour qu’il habite son temps et prenne un peu de recul, un instant de répit pour méditer le sens de sa vie, poser la question de la finalité, de ce pourquoi il a été créé et de son devenir. Dans le modèle barbare que propose la civilisation des choses, l’Homme est là comme un vulgaire accessoire au service du dieu suprême selon le dogme sacré et consacré : travailler plus pour produire plus, pour gagner plus, pour consommer plus, pour oublier plus !
Le Coran est un livre de Spiritualité et de sens par excellence. Il n’en demeure pas moins qu’il est un livre de « jihad » qui invite au combat pour la liberté dans la justice et pour la justice dans la liberté. Le Coran fustige le choix de la neutralité et de l’individualisme crispé et invite le fidèle à s’engager avec intelligence et sincérité dans le combat pour la dignité de l’Homme, laquelle ne peut être relativisée et donc trahie. Il prône l’indignation active et la résistance positive contre ceux qui empêchent les « damnés de la terre » de se libérer des servitudes matérielles et sociales que leur infligent d’autres hommes afin qu’ils puissent jouir, dans la liberté, de leur droit le plus suprême et le plus ignoré, celui de connaître Dieu et d’effectuer leur ascension vers Lui, dans l’épanouissement de leurs virtualités morales et spirituelles.
L’islam prône la résistance active pour assurer le nécessaire en matière de justice car la spiritualité comme recherche de sens, aussi essentielle qu’elle soit, n’est « pas pour les ventres vides » selon les mots de Gandhi. Dans cette équation dont dépend le sort de l’Homme ici-bas et son devenir éternel, Abdessalam Yassine affirme dans La révolution à l’heure de l’islam qu’« il faut assurer le nécessaire avant qu’il soit possible de penser et d’entreprendre la réalisation de l’essentiel ».
L’aspiration spirituelle innée chez l’Homme se retrouve violemment perturbée, voire complètement étouffée sous le poids d’une réalité terrestre écrasante et sous la domination d’un modèle socio-économique barbare qui ignore profondément la valeur de l’Homme et sa dignité et ne fait que l’utiliser cyniquement sans lui laisser la moindre chance pour qu’il habite son temps et prenne un peu de recul, un instant de répit pour méditer le sens de sa vie, poser la question de la finalité, de ce pourquoi il a été créé et de son devenir. Dans le modèle barbare que propose la civilisation des choses, l’Homme est là comme un vulgaire accessoire au service du dieu suprême selon le dogme sacré et consacré : travailler plus pour produire plus, pour gagner plus, pour consommer plus, pour oublier plus !
Le projet du salut individuel de l’Homme n’atteint véritablement sa plénitude que lorsqu’il se conjugue avec le projet du salut collectif
L’élan de l’Homme vers Dieu est rudement éprouvé, confronté qu’il est aux dures réalités d’un monde agité, pollué, brouillant, coupé du Ciel et guidé par le postulat bestial. L’Homme est absorbé dans le tourbillon d’un rythme endiablé pour faire face aux vrais besoins élémentaires de sa condition humaine et aux pseudos besoins que lui invente et propose/impose la civilisation des choses. C’est précisément là où réside le sens de l’intérêt que porte l’islam à la justice sociale et plus largement à la prise en compte politique de l’environnement global de l’Homme.
L’islam nous apprend qu’il faut des conditions d’une civilisation au service de l’Homme, de sa dignité et de son droit à connaître son Créateur. Les conditions d’une paix économique et sociale, les conditions d’une écologie globale propice au développement des virtualités et du sens, des conditions vitales de sécurité socio-économique pour que l’Homme puisse rester maître de son destin, libre de ses choix, apte et surtout disponible à s’engager librement et sereinement dans la quête de la connaissance de Dieu et la reconnaissance de son prochain.
Ainsi dans l’esprit de l’islam, la spiritualité qui se nourrit du Ciel reste-t-elle indissociablement liée à la justice sociale qui se construit sur terre. Dans l’action du fidèle, le projet de son salut individuel ne prend tout son sens et n’atteint véritablement sa plénitude que lorsqu’il se conjugue avec le projet du salut collectif. L’examen des circonstances politiques, économiques et sociales et la prise en compte politique du contexte matériel qui conditionne les sociétés et des politiques qui façonnent le quotidien des hommes, par un travail de contre-proposition théorique, de mobilisation citoyenne, de présence responsable et de participation à multiples facettes, appelé dans la littérature musulmane « jihad ou amr bil ma’arouf », devient dans la logique coranique, un objectif aussi sacré que le cheminement spirituel de l’Homme vers Dieu car l’un ne peut se faire sans l’autre, l’un est l’expression de l’autre, l’un est le sens de l’autre, l’un est la condition sine qua none de l’autre.
Selon un hadith que l’on l’attribue tantôt au Prophète, tantôt à l’imam Ali : « Dieu et justice. Plutôt justice et Dieu. Car sans justice, l’Homme est indisponible pour penser à autre chose qu’à sa misère. » Pour Abdessalam Yassine, « il existe une tradition qui dit que : "Pauvreté est synonyme, presque, d’infidélité à Dieu." » (Mémoire au roi).
L’islam nous apprend qu’il faut des conditions d’une civilisation au service de l’Homme, de sa dignité et de son droit à connaître son Créateur. Les conditions d’une paix économique et sociale, les conditions d’une écologie globale propice au développement des virtualités et du sens, des conditions vitales de sécurité socio-économique pour que l’Homme puisse rester maître de son destin, libre de ses choix, apte et surtout disponible à s’engager librement et sereinement dans la quête de la connaissance de Dieu et la reconnaissance de son prochain.
Ainsi dans l’esprit de l’islam, la spiritualité qui se nourrit du Ciel reste-t-elle indissociablement liée à la justice sociale qui se construit sur terre. Dans l’action du fidèle, le projet de son salut individuel ne prend tout son sens et n’atteint véritablement sa plénitude que lorsqu’il se conjugue avec le projet du salut collectif. L’examen des circonstances politiques, économiques et sociales et la prise en compte politique du contexte matériel qui conditionne les sociétés et des politiques qui façonnent le quotidien des hommes, par un travail de contre-proposition théorique, de mobilisation citoyenne, de présence responsable et de participation à multiples facettes, appelé dans la littérature musulmane « jihad ou amr bil ma’arouf », devient dans la logique coranique, un objectif aussi sacré que le cheminement spirituel de l’Homme vers Dieu car l’un ne peut se faire sans l’autre, l’un est l’expression de l’autre, l’un est le sens de l’autre, l’un est la condition sine qua none de l’autre.
Selon un hadith que l’on l’attribue tantôt au Prophète, tantôt à l’imam Ali : « Dieu et justice. Plutôt justice et Dieu. Car sans justice, l’Homme est indisponible pour penser à autre chose qu’à sa misère. » Pour Abdessalam Yassine, « il existe une tradition qui dit que : "Pauvreté est synonyme, presque, d’infidélité à Dieu." » (Mémoire au roi).
La justice est indispensable pour combattre tout ce qui porte atteinte à la dignité de l’Homme et résister à tout ce qui détourne l’Homme de son humanité, le poussant à commettre la plus grande injustice à l’encontre de lui-même, l’inclinant vers la terre, l’aliénant et l’abrutissant pour l’empêcher de se consacrer à ce qui lui assurera la béatitude éternelle et le bonheur ici et dans la vie dernière.
Entre les deux extrémités du spiritualisme amorphe et du matérialisme ignorant du sens, se trouve un point d’équilibre et de justice. Celui qui correspond à la nature profonde de l’Homme qu’on a évoqué ci-dessus, un point d’équilibre à même de rompre avec un certain modernisme ambiant qui avilit l’Homme en lui refusant son droit à Dieu et au sens, faisant de lui un simple accessoire dans la machine de la croissance économique, un tube digestif au service de la valeur suprême du dieu profit et un élément abstrait du cycle abrutissant, assourdissant de la production/consommation.
L’interpellation divine faite aux fidèles de porter le projet d’une justice globale est plus que jamais d’actualité car force est de constater qu’il existe des formes modernes, mais pas moins barbares, d’esclavagisme, d’exploitation sauvage de l’Homme et qui appelle une actualisation d’un projet de libération. A ce propos, Abdessalam Yassine écrit dans Mémoire au roi : « Aujourd’hui, l’esclavagisme est aboli, pas tout à fait (…), la forme de libération qu’exige le siècle est la libération totale de l’Homme pour lui donner dignité et liberté de choix, lui garantir ses droits individuels : droit à l’égalité des chances, au travail, à la justice. »
Les compagnons du Prophète, paix et salut sur lui, étaient parfaitement conscients qu’ils étaient les dépositaires d’un message de libération de l’Homme qui prône la justice et l’égalité entre tous les Hommes. Un message qui parle à l’Homme de sa finalité et de sa vérité et qui soulève en lui l’élan de l’innéité dégagée des séquelles de l’Histoire.
Entre les deux extrémités du spiritualisme amorphe et du matérialisme ignorant du sens, se trouve un point d’équilibre et de justice. Celui qui correspond à la nature profonde de l’Homme qu’on a évoqué ci-dessus, un point d’équilibre à même de rompre avec un certain modernisme ambiant qui avilit l’Homme en lui refusant son droit à Dieu et au sens, faisant de lui un simple accessoire dans la machine de la croissance économique, un tube digestif au service de la valeur suprême du dieu profit et un élément abstrait du cycle abrutissant, assourdissant de la production/consommation.
L’interpellation divine faite aux fidèles de porter le projet d’une justice globale est plus que jamais d’actualité car force est de constater qu’il existe des formes modernes, mais pas moins barbares, d’esclavagisme, d’exploitation sauvage de l’Homme et qui appelle une actualisation d’un projet de libération. A ce propos, Abdessalam Yassine écrit dans Mémoire au roi : « Aujourd’hui, l’esclavagisme est aboli, pas tout à fait (…), la forme de libération qu’exige le siècle est la libération totale de l’Homme pour lui donner dignité et liberté de choix, lui garantir ses droits individuels : droit à l’égalité des chances, au travail, à la justice. »
Les compagnons du Prophète, paix et salut sur lui, étaient parfaitement conscients qu’ils étaient les dépositaires d’un message de libération de l’Homme qui prône la justice et l’égalité entre tous les Hommes. Un message qui parle à l’Homme de sa finalité et de sa vérité et qui soulève en lui l’élan de l’innéité dégagée des séquelles de l’Histoire.
L’islam, message de libération globale ou opium des peuples ?
Il serait difficile ici d’exposer en détail les circonstances au gré desquelles se transforma progressivement la manière avec laquelle l’élite musulmane commença à envisager le rapport au politique, au pouvoir corrompu et à sa responsabilité à l’égard de la chose publique en général.
Toujours est-il qu’une posture s’est imposée comme la norme et la référence, une posture marquée en définitive par une sorte de passivité, par un fatalisme et une résignation foncièrement étrangers à l’esprit premier de l’islam. L’antagonisme que l’histoire des musulmans révéla et accentua entre le cheminement spirituel et le cheminement social est la première « hérésie », en total décalage avec l’idéal islamique, qui s’est progressivement emparé de la conscience des musulmans sous la pression des évènements politiques tragiques connus historiquement sous le nom de « Al Fitna ». Une certaine neutralité répondait à un « ijtihad » (un avis/position) faute de mieux, ou pour éviter le pire, ou à cause de l’absence de certaines conditions objectives pour une action politique positive, de la part de certaines grandes figures musulmanes intègres, mais s’est transformée progressivement en un dogme absolu et une norme atemporelle. Un dogme qu’on refuse de soumettre à l’analyse critique du contexte particulier qui a vu son émergence et des conditions historiques qui l’ont justifié. Une prise de position qu’on refuse de relativiser à l’aune de l’absolu qui fonde les valeurs islamiques et dans la confrontation à d’autres points de vue qui ont fait le choix de la résistance active et de la présence responsable.
Ce qui a été un choix circonstanciel, situé et daté, s’est imposé comme règle universelle, intemporelle, valable dans tous les contextes, toutes les époques et pour tout le monde… Or la manipulation du pouvoir corrompu n’est pas sans rapport avec cet aveuglement historique qui a été méthodiquement enseigné, patiemment cultivé, systématiquement entretenu, au point de passer d’une neutralité plus ou moins réfléchie vers une servilité inconditionnelle élevée au rang du dogme, de l’expression même de l’orthodoxie des « ahl al sunna wa-l-jâma’a » et comme la norme fondamentale qui participe de la définition du sunnisme face aux doctrines considérées comme non-orthodoxes. Désormais pour certains courants, la servilité à l’égard du pouvoir, fut-il corrompu et non démocratique, est le témoignage d’une religiosité orthodoxe.
Cette attitude de réserve face à la chose publique et de suspicion systématique à l’égard de l’engagement politique et citoyen, voire de loyauté inconditionnelle et aveugle envers le pouvoir, quelles que soient sa légitimité et sa conformité aux principes éthiques de justice, de liberté et d’égalité prônés par l’islam et la démocratie, est l’une des principales causes et signes de la décadence de la civilisation musulmane et de l’insignifiance politique et civilisationnelle des musulmans dans le monde aujourd’hui.
Le néo-hanbalisme comme incarnation de cette maladie chronique dont souffrent les musulmans travaille depuis l’alliance tissée entre les représentants de l’école wahhabite et la dynastie des Al Saoud à imposer l’idéologie de l’islam servile. L’islam qui traque les hérésies des comportements individuels tout en passant sous silence les grandes plaies condamnant le destin collectif de la communauté et de l’Humanité, et dans lequel, la mission des oulémas est strictement encadrée et leur rôle codifié, réglementé selon le bon vouloir des princes, dans la seule perspective de fournir la légitimité idéologique et le capital symbolique nécessaire à la pérennisation du désordre qu’incarnent les dictatures.
Certains soufis ou pseudo soufis rejoignent cette position et acceptent de jouer, aujourd’hui comme hier, le même rôle en servant l’idéologie de la démission et de la passivité, pour mieux savourer le goût des états spirituels… loin du tumulte du monde et sous le haut patronage des représentants du désordre. Or ce qu’il faut savoir, c’est que cette attitude de réserve absolue à l’égard du pouvoir, quelle que soit sa légitimité, et cette neutralité face aux affaires publiques font partie de l’héritage de la « fitna », c’est-à-dire de cette incapacité chronique des musulmans à penser leur islam, leur contexte et leurs responsabilités en dehors des conditions douloureuses de leur histoire pour aller puiser directement dans l’enseignement originel les moyens du renouveau de leur pensée et de leur action.
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Première parution sur le site de Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM).
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Toujours est-il qu’une posture s’est imposée comme la norme et la référence, une posture marquée en définitive par une sorte de passivité, par un fatalisme et une résignation foncièrement étrangers à l’esprit premier de l’islam. L’antagonisme que l’histoire des musulmans révéla et accentua entre le cheminement spirituel et le cheminement social est la première « hérésie », en total décalage avec l’idéal islamique, qui s’est progressivement emparé de la conscience des musulmans sous la pression des évènements politiques tragiques connus historiquement sous le nom de « Al Fitna ». Une certaine neutralité répondait à un « ijtihad » (un avis/position) faute de mieux, ou pour éviter le pire, ou à cause de l’absence de certaines conditions objectives pour une action politique positive, de la part de certaines grandes figures musulmanes intègres, mais s’est transformée progressivement en un dogme absolu et une norme atemporelle. Un dogme qu’on refuse de soumettre à l’analyse critique du contexte particulier qui a vu son émergence et des conditions historiques qui l’ont justifié. Une prise de position qu’on refuse de relativiser à l’aune de l’absolu qui fonde les valeurs islamiques et dans la confrontation à d’autres points de vue qui ont fait le choix de la résistance active et de la présence responsable.
Ce qui a été un choix circonstanciel, situé et daté, s’est imposé comme règle universelle, intemporelle, valable dans tous les contextes, toutes les époques et pour tout le monde… Or la manipulation du pouvoir corrompu n’est pas sans rapport avec cet aveuglement historique qui a été méthodiquement enseigné, patiemment cultivé, systématiquement entretenu, au point de passer d’une neutralité plus ou moins réfléchie vers une servilité inconditionnelle élevée au rang du dogme, de l’expression même de l’orthodoxie des « ahl al sunna wa-l-jâma’a » et comme la norme fondamentale qui participe de la définition du sunnisme face aux doctrines considérées comme non-orthodoxes. Désormais pour certains courants, la servilité à l’égard du pouvoir, fut-il corrompu et non démocratique, est le témoignage d’une religiosité orthodoxe.
Cette attitude de réserve face à la chose publique et de suspicion systématique à l’égard de l’engagement politique et citoyen, voire de loyauté inconditionnelle et aveugle envers le pouvoir, quelles que soient sa légitimité et sa conformité aux principes éthiques de justice, de liberté et d’égalité prônés par l’islam et la démocratie, est l’une des principales causes et signes de la décadence de la civilisation musulmane et de l’insignifiance politique et civilisationnelle des musulmans dans le monde aujourd’hui.
Le néo-hanbalisme comme incarnation de cette maladie chronique dont souffrent les musulmans travaille depuis l’alliance tissée entre les représentants de l’école wahhabite et la dynastie des Al Saoud à imposer l’idéologie de l’islam servile. L’islam qui traque les hérésies des comportements individuels tout en passant sous silence les grandes plaies condamnant le destin collectif de la communauté et de l’Humanité, et dans lequel, la mission des oulémas est strictement encadrée et leur rôle codifié, réglementé selon le bon vouloir des princes, dans la seule perspective de fournir la légitimité idéologique et le capital symbolique nécessaire à la pérennisation du désordre qu’incarnent les dictatures.
Certains soufis ou pseudo soufis rejoignent cette position et acceptent de jouer, aujourd’hui comme hier, le même rôle en servant l’idéologie de la démission et de la passivité, pour mieux savourer le goût des états spirituels… loin du tumulte du monde et sous le haut patronage des représentants du désordre. Or ce qu’il faut savoir, c’est que cette attitude de réserve absolue à l’égard du pouvoir, quelle que soit sa légitimité, et cette neutralité face aux affaires publiques font partie de l’héritage de la « fitna », c’est-à-dire de cette incapacité chronique des musulmans à penser leur islam, leur contexte et leurs responsabilités en dehors des conditions douloureuses de leur histoire pour aller puiser directement dans l’enseignement originel les moyens du renouveau de leur pensée et de leur action.
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Première parution sur le site de Participation et Spiritualité Musulmanes (PSM).
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